Les académies des américaines des Sciences, d’Ingénierie et de Médecine viennent de publier un rapport scientifique qui fait le point sur l’impact du cannabis sur la santé, permettant de différencier ce qui est clairement prouvé de ce qui l’est moins voire pas du tout. L’impact sur les maladies pulmonaires et sur plusieurs pathologies psychiatriques apparait clairement prouvé, de même que ses conséquences psychosociales.
 

 

Alors que la question de la légalisation du cannabis s’invite dans la campagne électorale, les académies des américaines des Sciences, d’Ingénierie et de Médecine viennent de publier un rapport scientifique très complet sur “les effets sur la santé du cannabis et des cannabinoïdes”. Le document, de 440 pages, fait le point sur l’état des connaissances dans ce domaine, ainsi que des recommandations sur les recherches à mener en cas de données insuffsantes. Il s’agit d’un travail très approfondi et rigoureux, puisque plus de 10 000 études publiées depuis 1999 ont été analysées.

Comme l’explique Le Figaro, les preuves étaient dites “concluantes” en cas d’essais contrôlés randomisés, avec des données de qualité et sans biais majeur, “substantielles” s’il existait plusieurs études solides et bien menées, “modérées” si plusieurs limitations étaient présentes dans les études, “limitées” en cas de preuves fragiles et de biais possibles, ou bien “insuffisantes” en cas de résultats mitigés, d’insuffisance de travaux publiés, ou d’importants biais possibles.

 

Un antalgique avéré

Commençons tout d’abord par les effets thérapeutiques. Pour les auteurs, il existe des preuves concluantes de l’effet du cannabis et des cannabinoïdes sur la réduction des douleurs, ainsi que sur celle des nausées et vomissement liés à la chimiothérapie. En outre, l’efficacité des cannabinoïdes oraux est aussi prouvée sur les spasmes musculaires pouvant accompagner la SEP. Ils semblent par ailleurs parfois efficaces dans les troubles du sommeil liés à certaines maladies (Saos, fibromyalgie, SEP, …). En revanche les preuves sont plus limitées voire insuffisantes, dans les troubles de l’appétit liés au VIH, l’anxiété et le stress post-traumatique.

Concernant les risques accidentels, outre l’augmentation de ceux de la route, celui d’overdoses accidentelles chez les enfants est bien établi : il est multiplié par 2,82 dans les états où le cannabis médical est légalisé depuis longtemps par rapport à ceux dans lesquels cette mesure n’est pas en vigueur.

 

Pas de lien prouvé avec le cancer pulmonaire

Sur le plan des pathologies somatiques, les études suggèrent qu’il n’existe pas de lien entre cannabis et cancers liés au tabac (poumon, ORL). Les preuves sont plus faibles (limitées) concernant une augmentation possible de certains cancers testiculaires. Pour les autres cancers, les données sont insuffisantes. Sur le plan cardiovasculaire, si fumer du cannabis accroit le risque d’accidents cardiaque, des recherches plus approfondies apparaissent nécessaires concernant les liens entre son usage et le développement des pathologies cardiovasculaires, en particulier cardiopathies, diabète et AVC. Les preuves sont en revanche suffisantes pour affirmer que l’usage régulier de cannabis augmente les épisodes de bronchite chronique et aggrave les symptômes respiratoires. Les liens avec la Bpco, l’asthme, ou la détérioration des fonctions respiratoire ne sont, cependant, pas établis pour le moment. Il existe par ailleurs des preuves limitées concernant une activité anti-inflammatoire du cannabis ; mais les données manquent sur un éventuel impact du produit sur le système immunitaire.

Chez la femme enceinte, le cannabis apparait lié à un petit poids de naissance de l’enfant. Les autres conséquences sur la grossesse et la petite enfance ne sont pas prouvées.

Par ailleurs, les auteurs du rapport confirment l’aspect addictif du cannabis. Un début d’usage précoce augmente le risque. Et la consommation de cannabis augmente celle d’autres drogues, au premier rang desquelles le tabac.

 

De nombreux effets psychiatriques prouvés

Sur le plan psychiatrique, il est prouvé que le cannabis augmente le risque de schizophrénie, d’autres psychoses, de troubles anxieux, et – dans une moindre mesure – de dépression. Les forts consommateurs présentent un risque plus important de suicide. Les preuves sont plus modérées concernant l’augmentation des symptômes chez les patients bipolaires, mais seulement en cas de consommation quasi-quotidienne. Enfin, il est prouvé que la consommation de cannabis perturbe immédiatement l’apprentissage, la mémoire et l’attention. Les preuves existent mais sont plus limitées sur ces conséquences à plus long terme. De même, certaines études suggèrent que cette consommation pourrait influer sur le parcours scolaire, universitaire, les relations sociales, ainsi que sur les risques de chômage ou de bas niveau économique. Les conséquences sont, là encore d’autant plus importante de l’usage du cannabis commence tôt à l‘adolescence.

Le texte rappelle que le cannabis est la drogue illicite la plus courante aux Etats-Unis, avec 22,2 millions de consommateurs de plus de 12 ans. Pour 90% des utilisateurs, l’usage est dit “récréatif”, alors que pour les autres il est médical uniquement. La consommation apparait en augmentation, concernant désormais (en 2015) 8,3% des sujets de plus de 12 ans, contre 6,2 en 2002.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Chantal Guéniot

 

D’après The National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, 12 janvier 2017. Avec LeFigaro.fr, 17 janvier 2017.