En Commission des Affaires sociales, un amendement a été adopté tendant à filtrer les installations en zones sur-denses, l’extension du congé maternité a été étendu à toutes les femmes médecins, quel que soit leur secteur d’exercice. Mais le gouvernement n’est pas en reste, il a glissé un amendement lui permettant de prendre la main sur le tarif des actes techniques, et institué, pour les remplaçants un statut de Praticien territorial médical de remplacement. Les explications avec Luc Duquesnel, Président de « Les Généralistes CSMF ».
Le projet de loi de financement de l’Assurance Maladie 2017, débattu en séance depuis le 25 octobre, comporte un amendement parlementaire tendant à réglementer l’installation en zone de sur-densité médicale, ce que refusent toutes les organisations d’internes et jeunes médecins et « Les Généralistes CSMF ». C’est une mauvaise surprise…
Dr Luc Duquesnel : C’est toujours pareil. Confrontés à des difficultés réelles d’accès aux soins pour une partie de la population sur leur territoire, des parlementaires pensent qu’on va régler le problème en une seule mesure. Et à chaque fois, on essaie de leur expliquer que cette disposition ne règlera rien.
Aujourd’hui, il y a des déserts médicaux dans les grandes villes, le centre de Toulouse est en train de devenir un désert médical, par exemple. Je ne connais pas de zones hyper denses, ou alors très localisées. Et si ces zones sont très denses, c’est qu’elles sont très attractives. Le seule effet de cet amendement, c’est que les jeunes médecins ne pourront s’installer qu’en prenant la suite d’un autre médecin. En conséquence, le prix des patientèles va exploser ! Et soit le confrère s’installe en déconventionné, secteur 3, ce qui pose un problème d’accès aux soins. Soit il fait appel à sa famille pour acheter une clientèle deux ou trois le chiffre d’affaire annuel. Il s’agit d’une mesure démagogique et déraisonnable.
Malheureusement, s’il n’y avait qu’une mesure pour faciliter l’installation des jeunes médecins, on l’aurait prise depuis longtemps. C’est un ensemble de mesure qu’il faut mettre en place. J’emploie souvent l’image des pièces d’un puzzle qu’on assemble. Ainsi, dans des départements ruraux où dans des zones rurales qui travaillent depuis 10 ans sur le sujet, qui ont réussi à rendre la permanence des soins moins contraignante, bien rémunérée et incluant le samedi matin dans la garde du week-end, où les médecins généralistes accueillent beaucoup d’étudiants en stage, où l’on propose le statut d’assistant libéral et de collaborateur libéral,où il y a beaucoup de maisons de santé pluridisciplinaires libérales pour accueillir ces jeunes, on voit qu’ils s’installent. Or, il s’agit de départements où il n’y a pas de facultés de médecine, pas la mer, pas la montagne, mais où les jeunes médecins viennent pour exercer la médecine générale libérale.
Et voilà pourquoi les collectivités territoriales construisent des maisons médicales, autour d’un projet de santé et avec un leader, pour créer une dynamique de territoire. Alors, on voit les jeunes venir. Aujourd’hui, on voit des préfectures où des milliers d’habitants n’ont plus de médecins traitants. Ce n’est pas une problématique de zones rurales.
Mais c’est vrai aussi que contrairement à notre génération, ces jeunes confrères ne vont pas s’installer pour 25 ou 30 ans. A Toulouse, lorsqu’on est une jeune femme médecin généraliste et qu’on a un conjoint qui travaille à Airbus, si ce dernier est muté à St Nazaire, on déménage avec lui. En découle toute une problématique immobilière d’ailleurs lorsque le médecin généraliste est propriétaire de son outil de travail.
Donc, la solution proposée par ces élus n’est certainement pas la bonne, au-delà du fait qu’elle entraînera une mobilisation importante des futurs médecins, ce qui risque de perturber le fonctionnement de nos hôpitaux. Et tous ces députés, de gauche comme de droite, qui se retrouvent sur le sujet, ont aussi une part de responsabilité dans la situation de la médecine générale, et son manque de considération par rapport aux autresspécialités. Ils ont été aux affaires les uns comme les autres !
Parmi les mauvaises surprises de ce PLFSS 2017, il y a cet amendement gouvernemental, qui permet au directeur de la CNAM, de fixer unilatéralement le prix des actes techniques de radiologie, en dehors de la négociation conventionnelle. Que faut-il comprendre ?
Il est prévu une prochaine négociation sur la CCAM technique et l’évolution des tarifs. Le directeur de la CNAMT a-t-il pris les devants au vu des difficultés qu’il a rencontré durant la négociation conventionnelle et après ? Voilà 13 ans que ces tarifs ont été fixés, la médecine et les actes ont évolués, il faudrait investir plus sur les actes innovants et peut-être s’est-il dit qu’il aura du mal à mener cette négociation ? C’est un vrai retour en arrière quand on se remémore tout le travail produit pour élaborer la CCAM technique. Cet amendement signifie qu’on se dirige vers une vision purement économique ; de la même manière que l’Etat gère l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) au travers de mesures arbitraires sur les actes de radiologie et de biologie, on peut imaginer qu’il fera la même chose demain et que les actes techniques tout d’abord, puis les actes cliniques, seront la cible des économies à réaliser. La négociation conventionnelle se trouvera ainsi vidée de son contenu, et donc de son sens.
Une bonne nouvelle, dans ce PLFSS 2017, c’est tout de même l’extension de la protection maternité à toutes les femmes médecins, quel que soit leur secteur d’exercice…
Tout à fait. Mais on voyait mal un Ministre de la Santé femme aller défendre au Parlement, dans un contexte de campagne présidentielle, une inégalité en regard du congé maternité découlant de la création de différentes catégories de femmes en fonction de leur secteur d’exercice ! La Ministre se serait pris cela en boomerang. C’est la proximité des élections qui a fait qu’elle n’est pas montée au créneau pour imposer que cette extension soit réservée aux praticiennes du premier secteur ou à celles qui sont en secteur 2, avec modération tarifaire, comme elle le voulait au début.
Enfin, dernier amendement gouvernemental surprise, la création du Praticien territorial médical en remplacement (PTMR). Le gouvernement caresse les jeunes dans le sens du poil. Bonne ou mauvaise nouvelle ?
Je ne sais pas s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. Notre pays compte un pool pouvant compter jusqu’à 11 000 remplaçants, très fluctuant car au-delà des jeunes, il est aussi constitué de médecins retraités actifs, qui sont devenus remplaçants.
Aujourd’hui, ce que souhaiteraient bon nombre de médecins, c’est que les conditions d’exercice soient tellement attractives qu’on reste moins longtemps remplaçant et qu’on s’installe plus rapidement. Prendre le risque de gonfler encore plus le nombre de remplaçants, signifie qu’il y aura encore moins de médecins qui vont s’installer. Il me semble que nous nous situons dans une mesure d’affichage alors que ce dont les médecins généralistes ont besoin, c’est des confrères qui vont exercer dans nos maisons médicales, dans les maisons de santé pluridisciplinaires. Cette mesure ne permet pas de stabiliser l’offre de soins, et ne répond en rien à la problématique des élus qui veulent avoir une réponse pérenne à la demande de soins sur leurs territoires. L’amendement propose de leur garantir un revenu minimum alors que ce n’est pas un problème de revenu. Ces zones manquant de médecins généralistes, l’activité des remplaçants y est importante.