A la fin de la Seconde guerre mondiale, un médecin généraliste installe une clinique dans un hôtel particulier. La nuit, il ouvre sa porte à ceux qui veulent fuir le régime nazi en leur assurant qu’il peut les faire passer à l’étranger. Mais avant il faut se faire “vacciner”…

 

Le 11 mars 1944, une voisine donne l’alerte : une épaisse fumée s’élève du n° 21 de la rue Le Sueur, dans le XVIème arrondissement parisien. L’hôtel particulier appartient à un médecin, le Dr Marcel Petiot.

A leur arrivée sur les lieux, les gendarmes découvrent un véritable charnier. Un mur a été construit dans la cour, afin que nul regard indiscret ne puisse voir ce qui se passe. Une pièce a été aménagée, une chambre aveugle, avec une fausse porte et un bouton de sonnette factice. Une sorte de périscope permet de voir à l’intérieur de cette pièce étanche. Au sous-sol, on trouve une table à découper, une chaudière qui contient des restes humains, une fosse remplie de chaux avec une poulie et une corde pour y plonger les cadavres. Un bras émerge encore du trou.

 

L’enfant est connu pour massacrer les chats du quartier

A proximité des corps dépecés, on découvre des valises, bijoux, vêtements, bibelots, jouets, et un pyjama. Celui d’un enfant, identifié comme le petit René Kneller, huit ans, disparu avec ses parents.

Les enquêteurs remontent le fil de l’histoire du docteur Petiot. Né le 17 janvier 1897 à Auxerre, Marcel Petiot est le fils choyé d’un employé de la Poste, auquel il donne vite du fil à retordre : l’enfant est connu pour massacrer les chats du quartier. Blessé au front en 1918, le jeune soldat Petiot est réformé en raison de troubles mentaux que l’on impute aux horreurs du conflit. En 1921, il achève brillamment ses études de médecine et s’installe au pays, à Villeneuve-sur-Yonne. Il ouvre un cabinet médical et devient rapidement populaire grâce à des consultations et des vaccinations offertes aux indigents. Mais il compense auprès de sa riche clientèle : kleptomane, il se dédommage lors des visites à domicile.

Peu après son arrivée à Paris, Marcel Petiot est arrêté pour vol à l’étalage dans une librairie du Quartier latin. Devant les juges, il explique qu’un “génie ne se préoccupe pas des basses choses matérielles”. Il échappe à la prison en se faisant reconnaître malade mental. Il est interné à la Maison de santé d’Ivry pour quatre ans. “Délire, état de démence, individu sans scrupule, dépourvu de sens moral. C’est une précaution d’ordre public de retirer Petiot de la vie sociale”, indique son dossier médical.

 

Il les enferme dans la pièce étanche et les regarde mourir par l’œilleton

C’est à sa sortie qu’il achète l’hôtel de la rue Le Sueur et entreprend de le transformer en clinique. Au cours de l’année 1943, de 20 heures à l’aube, il devient “M. Eugène”, celui qui ouvre sa porte aux candidats à la fuite vers la zone libre et l’étranger. Il fait miroiter sa filière d’évasion, recommande à ses victimes de convertir leur argent en or et en bijoux, de les coudre dans une doublure de leur manteau, puis viennent les vaccins, obligatoires.

Alors, il les enferme dans la pièce étanche et les regarde mourir par l’œilleton, empoisonnées, titubantes, jusqu’à ce qu’elles ne soient plus que des corps inertes à terre. Petiot n’a plus qu’à les voler, à descendre les dépouilles au sous-sol, les disséquer et dissoudre les restes dans la chaux. Perfectionniste, le docteur découpe le visage, enlève tout signe distinctif.

Quelques mois avant la sinistre découverte, il est arrêté par la Gestapo et accusé d’être à la tête d’un réseau de résistance. Interrogé, torturé, Petiot n’avouera rien. Et pour cause, les mystérieuses disparitions dont il est effectivement responsable n’ont rien à voir avec les actes de résistance que les Allemands veulent lui faire reconnaître.

A la Libération, Petiot profite de la confusion ambiante pour se glisser dans une nouvelle identité, celle du capitaine Valéry, grand résistant autoproclamé. Il se laisse pousser la barbe, porte l’uniforme et travaille tranquillement dans une caserne. Mais la publication d’un article destiné à le piéger va précipiter sa perte. Il découvre les gros titres : “Petiot, agent du Reich !”. Furieux, il envoie une lettre, se justifie, affirme œuvrer pour la France, occuper un poste important. Les hommes de la criminelle et de la sûreté militaire ratissent Paris, cherchent dans les administrations issues de la Résistance. Le 31 octobre 1944, Petiot est arrêté à la station de métro Saint-Mandé.

 

“Comment vingt-sept ? Soixante-trois ! Et tous des traîtres !”

A son procès, le docteur Petiot affirme être le chef d’un réseau et n’avoir éliminé que des traîtres. Mais on a retrouvé dans les affaires de ses victimes un pyjama d’enfant  : “Est-on un traître à huit ans ?”, tonne le procureur. Petiot hausse les épaules. Parfois il dort ou il éclate de son rire de dément. On lui attribue formellement vingt-sept victimes. Il se dresse dans le box et hurle : “Comment vingt-sept ? Soixante-trois ! Et tous des traîtres !”.

Son avocat plaida durant six heures pour sauver Petiot de la peine capitale. En vain. Le 25 mai 1946, un gardien de la prison de la Santé le réveille pour le mener à l’échafaud : “Petiot, c’est l’heure, soyez courageux. – Tu me fais chier ! “. Alors qu’il se tient devant la guillotine, l’avocat général lui demande s’il a quelque chose à déclarer. Fier jusqu’à la fin, il aurait répondu : “Je suis un voyageur qui emporte ses bagages”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier

 

[Avec Liberation.fr, Atlantico.fr et Francesoir.fr]

 

Sujet initialement publié le 22 / 08 / 2013