A 24 ans, Solène Noret a un avenir tracé. Cette étudiante en 5ème année de médecine à l’université de Cluj-Napoca en Roumanie a signé un contrat avec le département de la Sarthe pour s’engager à y exercer pendant au moins cinq ans en échange de 25 200 € mensualisés. En attendant, en tant que présidente de la Corporation des étudiants français en médecine de Cluj, elle se bat contre les discriminations que subissent les étudiants roumains face aux ECN. Elle a même rencontré François Hollande a qui elle a pu faire passer son message. 

 

“J’ai commencé par faire deux années de Paces à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris). C’est au deuxième semestre de ma seconde première année que j’ai senti que ça allait être encore compliqué. J’avais entendu parler de Cluj parce qu’un étudiant était venu faire un stage auprès d’un médecin généraliste que je connaissais. Je me suis alors renseignée un peu plus sur la faculté. Je suis allée voir sur place comment les choses se passaient. J’ai pu assister à certains cours, échanger avec les étudiants, visiter la ville… Je voulais voir si j’étais prête à m’expatrier pendant plusieurs années. Ça m’a beaucoup plu. J’ai envoyé mon dossier en avril, en continuant en parallèle mon année en France. Comme je m’y attendais je n’étais pas dans le numerus clausus. En août, j’ai obtenu une réponse favorable de Cluj.

 

Des petites promotions

L’avantage à Cluj, c’est que l’on est dans des petites promotions. On est une centaine la première année puis il y a un écrémage au fil des années. Les années suivantes on est plutôt autour de 75 étudiants. Les professeurs sont très accessibles et joignables.

Il y a eu toute une polémique avec une série de suicides survenus l’an passé. Les causes sont multifactorielles. La médecine est une discipline très lourde et dense. Exactement comme en France, où il y a également déjà eu des suicides d’étudiants en médecine.

Aujourd’hui je rentre en 5ème année de médecine. Je me bats pour que nous ayons la même préparation qu’en France à l’épreuve des ECN. Une plateforme d’entraînement aux ECN a éte mise en place il y a trois ans mais nous n’y avons pas accès. Elle est réservée aux étudiants des facultés françaises. C’est injuste d’autant que l’examen est ouvert à tous les candidats européens. Les étudiants arrivent le jour J et découvrent la plateforme, alors qu’il s’agit de l’examen le plus important de leur vie.

 

J’ai rencontré le Président de la République

Cela fait deux ans que l’on multiplie les démarches. En tant que présidente de la Corporation des étudiants français en médecine de Cluj, j’ai rencontré le président de l’Ordre, des conseillers des ministères de la Santé et de l’Enseignement Supérieur. J’ai rencontré le Président de la République la semaine dernière alors qu’il était en visite d’Etat en Roumanie. On lui a remis une lettre concernant notre demande d’accès à la plateforme. Il semblait au courant du problème.

Certains articles ont fait le buzz l’an dernier au sujet d’étudiants qui n’avaient pas le niveau après les ECN, mais il y a aussi beaucoup d’étudiants pour lesquels ça se passe très bien et dont personne ne parle. Beaucoup d’étudiants décident d’ailleurs de faire FFI (Faisant fonction d’interne) pendant quelques mois avant de commencer l’internat.

C’est sûr qu’il y a une différence entre les systèmes de soins roumains et français. Ca n’est pas une question de théorie. De ce point de vue-là, il n’y a aucun souci. La faculté de Cluj est même la meilleure de Roumanie. Mais il n’y a pas la même accessibilité aux soins en Roumanie et ça joue sur tout le système de l’hôpital. La France est le seule pays en Europe à donner autant d’autonomie à ses élèves pendant l’externat. C’est moins notre cas en Roumanie. Cela se ressent au début de l’internat. Ceux qui ont fait leurs études en France sont plus autonomes. Nous, nous avons besoin d’un temps d’adaptation. D’ailleurs tous les étudiants ne veulent pas forcément revenir en France. Certains restent en Roumanie ou vont ailleurs en Europe comme en Allemagne par exemple. Ils sont bien mieux accueillis que dans l’Hexagone.

 

Si c’était à refaire je le referais

Moi je souhaite revenir en France. J’ai signé en fin de deuxième année un contrat avec le département de la Sarthe. Cela m’a permis d’obtenir une bourse de 25 200 euros, mensualisés jusqu’à la fin de mes études. En échange je m’engage à m’installer dans le département pendant 5 ans au minimum dans une maison pluridisciplinaire avec au moins 50% d’exercice libéral. C’est intéressant parce que cela me permettra de travailler aussi à l’hôpital si je le souhaite. M’installer 5 ans dans la Sarthe ne me fait pas peur après plusieurs années passées en Roumanie. C’est un joli département.

Cette expérience en Roumanie a été très importante. Si c’était à refaire je le referais. Cela m’a permis d’avoir un avis plus humble sur la médecine. Beaucoup râlent après le système de soins français, ça n’est pas le cas des étudiants de Cluj. En Roumanie nous étions les ambassadeurs de la France et à notre retour en France nous serons les ambassadeurs de la Roumanie. Ça me va.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne