En 1668, le docteur Jean-Baptiste Denis tente de soigner la bipolarité d’Antoine Du Mauroy avec une transfusion de sang de veau. Après plusieurs tentatives, le patient décède. Son épouse accuse le médecin qui accuse l’épouse d’empoisonnement. C’est finalement au tribunal que l’affaire sera réglée.

 

Perrinne Du Mauroy est inquiète : son mari, Antoine, 34 ans, agît de plus en plus bizarrement. Il se lève régulièrement la nuit, enlève ses vêtements puis sort déambuler, nu, dans les rues du village. En chantant, il tente de mettre le feu aux maisons de ses voisins. Désemparée, Perrine conduit son mari chez tous les médecins et les apothicaires de la région. Mais les remèdes et les nombreuses saignées n’y font rien, Antoine Du Mauroy a toujours ses étranges virées nocturne… Un jour, Perrine entend parler d’un médecin qui fait des miracles en transfusant des patients avec du sang d’animaux. Elle décide donc d’y conduire son mari.

 

Il faut d’abord faire évacuer le mal, avant d’injecter le remède

En 1668, en effet, le docteur Jean-Baptiste Denis, médecin de Louis XIV, fascine les scientifiques de l’époque avec ses expérimentations de transfusions. Un an plus tôt, il avait réussi la première transfusion humaine en injectant 300 grammes de sang d’agneau dans le corps d’un jeune homme de 15 ans. Un succès.

Pour ce qui est d’Antoine Du Mauroy, le médecin se décide cette fois sur un donneur bovin : un veau. Denis compte sur la placidité et la douceur de cet animal pour calmer les excitations du patient. L’opération est menée avec Emmerets, chirurgien proche du Dr Denis. C’est la quatrième transfusion réalisée par les deux médecins, le protocole est donc rôdé. Le chirurgien incise une veine du bras patient et y introduit un tube d’argent pour effectuer une saignée. En effet, il faut d’abord faire évacuer le mal, avant d’injecter le remède… 330 grammes sont ainsi prélevés. Puis, c’est le moment de la transfusion. Pour cela, il suffit juste de “brancher” l’autre extrémité du tube dans l’artère du veau, et laisser couler le sang. Au bout de quelques minutes, le patient se sent faiblir, Denis doit mettre fin à l’opération.

Antoine Du Mauroy rentre quand même chez lui. Mais ses crises de folies ne se sont pas arrêtées, loin de là. Agacée, sa femme retourne voir Jean-Baptiste Denis, pour se plaindre de l’échec de son traitement. Celui-ci ne voit qu’une explication : il n’a pas transfusé assez de sang de veau dans le corps du malade. Une deuxième opération est donc prévue quelques jours plus tard. Du Mauroy reçoit cette fois 500 grammes de sang d’animal. Mais là encore, la transfusion tourne mal, le patient est pris de fièvre et de vomissements.

 

Le trentenaire finit par se sentir mieux

En réalité, comme le fait remarquer le Dr Jean-Noël Fabiani, qui relate ce cas dans Ces histoires insolites qui ont fait la médecine, Du Mauroy venait de subir le premier “accident hémolytique lié à la destruction des globules rouges transfusés par le receveur”. Il aurait pu y rester mais, étonnamment, après quelques jours de repos, le trentenaire finit par se sentir mieux. Il reprend sa vie normale et se montre même jovial, pour le plus grand bonheur de Perrine. Mais cette embellie n’est que de courte durée. Un mois plus tard, Du Mauroy tombe malade.

Son épouse revient encore une fois trouver le médecin. Cette fois, elle se montre agressive : il faut une nouvelle transfusion ! Denis, persuadé que sa méthode ne peut être que bénéfique, s’exécute. Malheureusement, l’opération se solde, encore, par un malaise et Antoine Du Mauroy décède la nuit suivante.

Mais Jean-Baptiste Denis n’en a pas fini avec la famille Du Mauroy. Furieuse, Perrine l’accuse de charlatanisme et le traine devant le tribunal.

 

Elle cherchait à l’empoisonner à l’arsenic

Le procès a lieu le 17 avril 1668, au Châtelet. Face à Perrine Du Mauroy, le Dr Denis a choisi une défense par l’attaque. Il se souvient en effet que, quelques jours avant sa mort, Antoine lui avait confié ses doutes sur son épouse. Il était en effet persuadé que, lassée de ses crises de folie, elle cherchait à l’empoisonner à l’arsenic. Bien sûr, celle-ci nie, même si elle reconnaît avoir testé sur son mari plusieurs remèdes d’apothicaires, qui ne se sont d’ailleurs pas vraiment révélés efficaces.

De son côté, la veuve a des alliés de taille, comme le Dr de Lamartinière anti transfuseur acharné et ennemi juré de Denis. Selon lui, Denis et son équipe aurait continué les transfusions malgré les souffrances et les supplications du patient et auraient menti sur les circonstances de son décès. Ils auraient même été jusqu’à menacer Perrinne pour qu’elle se taise et lui auraient proposé une jolie somme d’argent. Denis jure en revanche que c’est l’épouse Du Mauroy qui l’aurait fait chanter en lui demandant de payer.

Finalement, les juges tranchent en faveur du médecin qui est innocenté de tous les faits. Perrine Du Mauroy, quant à elle, est condamnée pour avoir empoisonné son mari à l’arsenic. Mais dans leur décision, les juges glissent au passage l’interdiction de la transfusion sur un humain sans la validation de la Faculté de Paris… dont les membres n’apprécient pas vraiment les méthodes de Jean-Baptiste Denis. Si ce procès a permis au médecin de Louis XIV de sauver son honneur, il met un point final à ses expérimentations sur le sang humain.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

D’après Jean-Noël Fabiani, Ces Histoires insolites qui ont fait la médecine, éditions Plon.