En retard de quelques mois pour passer sa thèse, Franck Beucher, généraliste remplaçant dans une région sous-dotée, a demandé une dérogation au Conseil de l’Ordre pour que lui soit renouvelée sa licence de remplacement. Sa demande a été refusée ce qui plonge le praticien dans une situation délicate, sans pouvoir travailler mais avec des charges à payer.

 

Le cahier de rendez-vous est plein jusqu’au 17 mai, mais Franck Beucher qui assurait deux journées par semaine dans le cabinet de médecine générale de Saint-Romain-sur-Cher (Loir-et-Cher) ne pourra plus honorer ses consultations. Le jeune homme a dépassé le délai réglementaire des trois ans post-études pour passer sa thèse. Sa licence de remplacement n’a pas été renouvelée.

“Je devais passer ma thèse au plus tard fin 2015, mais j’ai eu un empêchement personnel qui m’a fait prendre du retard. D’autant que j’ai énormément remplacé ces dernière années”, commente Franck Beucher. Le jeune généraliste a bien tenté de demander une dérogation auprès du Conseil de l’Ordre, mais elle a été refusée. Franck Beucher ne peut donc plus exercer la médecine jusqu’au passage de sa thèse. Excepté en acceptant un poste de FFI (Faisant fonction d’interne) à l’hôpital, avec le salaire qui va avec. “Je fais de la médecine générale depuis près de 4 ans, je ne me vois pas du tout retourner à l’hôpital, surtout pour un poste de FFI”, s’insurge le généraliste remplaçant, qui doit désormais attendre quelques mois pour, enfin, passer sa thèse.

 

“Je vais être obligé de prendre un crédit”

Bilan, Franck Beucher se retrouve dans une situation financière compliquée avec des charges à payer mais plus aucun revenu. “Je vais être obligé de prendre un crédit pour payer mes charges. Entre l’URSAAF et les impôts, je vais en avoir pour près de 22 000 euros”, déplore-t-il.

Une situation qui agace au plus haut point le Dr Jacques Sicard, très fraîchement retraité mais qui faisait travailler Franck Beucher. “Il y a 8 ans, il y avait 15 médecins dans notre canton de 18 000 habitants. Aujourd’hui il n’y en a plus que 5, dont ma femme qui a 60 ans et qui ne va pas tarder à déplaquer. Franck voyait 25 à 30 patients par jour. On l’embête pour des raisons administratives et dans le même temps le Conseil général dépense 15 000 euros pour faire venir des médecins roumains”, s’insurge le praticien qui ne comprend pas le refus de dérogation.

 

“La thèse n’ajoute aucune compétence médicale bénéfique pour les patients”

“Je partage totalement le sentiment de Jacques Sicard. Il s’agit là d’un gâchis d’une ressource rare”, s’indigne le député du Loir-et-Cher, Martin Lalande. “La thèse est certes traditionnelle mais je pense qu’elle n’ajoute aucune compétence médicale bénéfique pour les patients”, juge-t-il avant de poursuivre, “Franck Beucher remplissait une fonction indispensable dans l’offre de soins du canton”. Le député estime donc qu’il faudrait plus de souplesse dans l’octroi des dérogations pour que ces dernières soient mieux adaptées à la réalité actuelle. “Je vais voir s’il ne faut pas adapter le cadre juridique à la réalité démographique”, prévient le député.

En attendant, les dérogations restent exceptionnelles à l’Ordre. “Nous ne pouvons faire de dérogation que lorsque l’on nous donne une date de thèse précise avec un justificatif de la fac”, explique le Dr Philippe Paganelli, président du Conseil départemental de l’Ordre des médecins d’Indre-et-Loire, dont dépend Franck Beucher. “Dans le cas de cette personne, il n’avait plus de licence de remplacement depuis un moment et aucune date de thèse précise. Il est complétement en dehors des clous. C’est de l’exercice illégal de la médecine”, indique le Président de l’Ordre. “Etant moi-même généraliste libéral, je comprends que cela pose un problème mais il y a un règlement. Même avec la meilleure volonté du monde je n’aurais rien pu faire. Ce jeune homme a été négligent. Si jamais il y avait une plainte contre lui, c’est nous qui serions en tort”, justifie le Dr Paganelli.

Des arguments qui ont du mal à passer pour Franck Beucher. “Je comprends leur réaction mais je ne demandais que quelques mois. Je me retrouve vraiment dans une situation difficile. Il faudrait mieux s’adapter aux différentes circonstances”, estime-t-il avant de rappeler qu’il n’est pas le seul à vivre de telles situations. “Je suis prêt à travailler dans une région déficitaire et l’on me met dans une situation vraiment délicate, c’est très difficile à vivre. D’autant que les patients sont très en demande”, déplore Franck Beucher. Le jeune homme devrait passer sa thèse début octobre. Il attend d’avoir une date définitive et va redemander une dérogation.

“Il faut retenir de cette histoire qu’il est impératif pour les étudiants en médecine d’être très vigilants sur leur délai de passage de thèse”, rappelle le Dr Philippe Paganelli.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin