L’Assurance maladie vient de publier le bilan ” satisfaisant” de la ROSP depuis sa mise en place par la convention 2011. Un taux d’atteinte global pour les médecins généralistes et les MEP passé de 52,9 % à 68,3 % entre 2012 et 2015, une rémunération moyenne de 4 500 euros par médecin, 6 750 euros par médecin généraliste traitant. Les syndicats qui négocient avec la CNAM veulent maintenant “médicaliser” la ROSP, et la rendre à la profession, pour bonifier les conditions d’exercice des médecins de proximité. Une idée qui fait son chemin.

 

Le timing est parfait : tandis que les négociateurs de la convention médicale marquaient un “break” pour laisser aux différentes délégations syndicales le temps de prendre un peu le vert durant ces vacances scolaires, l’Assurance maladie sortait le bilan de quatre années de ROSP (rémunération sur objectif de santé publique), instaurée par la convention 2011. Un bilan qualifié de positif par Nicolas Revel, le président de la CNAM, qui y trouve même de nombreux “points de satisfaction”. “Une communication promotionnelle”, a grincé le président de la FMF, Jean-Paul Hamon.

 

4 500 euros en moyenne versés à 90 000 médecins libéraux

Pour parler clair, en termes économiques, une prime d’un montant moyen de 4 500 euros est versée à 90 000 médecins libéraux (généralistes, médecins à exercice particulier, cardiologues et gastro-entérologues), calculée sur l’année 2015. Ce qui représente une augmentation de 7 % par rapport à 2014. Et parmi ces 90 000 médecins éligibles, ce sont évidemment les médecins généralistes qui s’en tirent le mieux, avec une prime moyenne de 6 750 euros… De quoi faire (un peu) passer la pilule amère du blocage du C depuis 2011, alors que les caisses sont presque vides et que les syndicats médicaux – en phase sur ce point dans leur plate-forme commune – brandissent des revendications tarifaires qui se chiffrent au total, en milliards d’euros en années pleines.

“Mais heureusement que les généralistes ont la ROSP, ce serait catastrophique sinon”, s’indigne le Dr Claude Leicher, le président de MG France. Il a calculé, en se fiant aux derniers chiffres de la DRESS (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), qu’un médecin qui aurait choisi une autre spécialité que la médecine générale, aurait un revenu supérieur de 49 %, pourcentage qui saute à 78 % si l’on tient compte de l’amplitude horaire des médecins de famille… Même démonstration si l’on prend comme base, les chiffres tout juste publiés par la CARMF à partir des déclarations fiscales 2014 : le différentiel entre le BNC d’un médecin généraliste et d’un médecin spécialiste est de 30 000 euros (74 460 euros pour un MG, 104 000 pour un spécialiste). Sans commentaire. “Toutes les politiques qui incitent à l’installation des jeunes doivent d’abord se pencher sur la réalité des chiffres”, le patron du syndicat monocatégoriel.

“Il faut maintenant élargir la ROSP à toutes les spécialités”, renchérit le Dr Jean-Paul Ortiz, qui se fait un plaisir de rendre à Cesar ce qui est à Cesar et rappeler que c’est son syndicat – en duo avec le SML – qui a mis en place la ROSP dans le cadre de la convention 2011, “sous les commentaires peu amènes des autres syndicats”… L’extension de la ROSP à toutes les spécialités faisait pourtant partie des engagements de la convention 2011, mais cette promesse s’est perdue en route. “Qu’est-ce qu’on attend ? Le directeur de la Cnam lui-même reconnaît qu’elle est un gage d’amélioration de la qualité des soins. Elle fait maintenant partie de la rémunération des libéraux”.

Autre point de consensus entre les syndicats médicaux : la nécessité d’un “forfait structure”, qui permettrait au praticien de se recentrer sur son travail médical, en délégant à un collaborateur, les tâches administratives ou de coordination des cas lourds et complexes.

“Les médecins ont besoin d’un secrétariat sur place pour se recentrer sur le cœur de leur métier”, affirme le Dr Ortiz, soulignant que trop peu de médecins libéraux peuvent se permettre de financer ce poste budgétaire. Selon les statistiques de la CNAM, 56 % des généralistes (76 % s’ils sont en groupe, 34 % s’ils exercent en solo) ont un secrétariat, dans 20 %, d’un seul secrétariat téléphonique.

 

Non aux secrétaires de la Cnam

Jean-Paul Hamon appuie cette revendication. Le forfait qu’il imagine s’élèverait à 38-40 000 euros par an, comportant un forfait soins non programmé et maîtrise de stage (autour de 30 000 euros pour la CSMF qui y met moins de choses). Pour tous, il pourrait trouver un financement partiel en extrayant de la ROSP l’indicateur “organisation du cabinet” commun à tous les médecins (environ 1 200 euros par an), afin de construire un financement autonome dédié à l’organisation du cabinet.

“Le financement ne serait que partiel. Ces 100 euros par mois permettent de rembourser une partie des frais liés à l’équipement informatique du cabinet, précise le président de MG France. On parle d’un poste budgétaire d’environ 36 000 euros annuels”

En revanche, unanimement, les syndicats repoussent la proposition de la CNAM, de mettre ses agents à leur disposition au travers d’une une plateforme dédiée au suivi et à la coordination des parcours complexes de patients âgés ou en ALD. ” Une organisation du type Prado de suivi de retour anticipé à domicile par des paramédicaux ou des sages-femmes, les généralistes n’en veulent pas, s’énerve Claude Leicher. Elle est construite par les ARS sans coordination avec le médecin traitant. Pour nous, il s’agit d’une perturbation de notre activité !”.

Autre piste suivie par la CNAM : une simplification des forfaits existants et une augmentation du forfait médecin traitant, lequel comporterait une partie consacrée au financement de l’activité de coordination, éligible pour des médecins exerçant en groupe, calculé en fonction des caractéristiques de la patientèle. Autant de discussions qui auront lieu en fin de négociation, vers le mois de juin.

 

Médicaliser la Rosp

S’agissant enfin, du contenu de la ROSP, toutes les parties semblent d’accord pour le faire évoluer et le “médicaliser”, résume Jean-Paul Ortiz. Le directeur de la CNAM a souligné les points positifs en matière de qualité des soins, d’efficience de la prescription et de modernisation des conditions d’exercice. Ainsi, le taux d’atteinte global pour les médecins généralistes et les MEP est passé de 52,9 % à 68,3 % entre 2012 et 2015. Quinze indicateurs cliniques sont en progression (suivi des patients diabétiques, prescription de benzodiazapines ou d’antibiotiques notamment), mais quatre sont mal orientés, concernant la prévention et le dépistage. La prochaine convention devra “prolonger l’effort conformément aux orientations données par le ministère de la santé (lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme)” a insisté la CNAM.

Les syndicats ont acté dans leur plate-forme commune leur intention de confier aux sociétés savantes Collège de médecine générale (CMG) d’un côté et sociétés et syndicats de spécialités d’autre part, le soin d’élaborer des indicateurs et de les valider scientifiquement, au plus près de la pratique et des dernières données de la science. “Le CMG a rédigé collégialement un document ROSP qui a été remis jeudi à l’assurance maladie”, confirme Claude Leicher. “A la profession d’élaborer les indicateurs et leurs cibles, et à la négociation de déterminer leur valorisation financière, le nombre de points en fonction des priorités déterminées par le gouvernement”, résume le patron de la CSMF.

La réussite des indicateurs d’efficience économique, qui auto-financent la ROSP, souligne Claude Leicher, pourraient permettre de trouver les financements qui manquent pour permettre à la médecine de famille d’opérer le tournant ambulatoire salué par tous. (+ 9 points depuis 2013 sur le prescription de génériques notamment).

Au total, l’ensemble de la ROSP a représenté une dépense brute pour la CNAM de 404 millions d’euros pour 2015 (contre 377,4 millions en 2014), entièrement provisionné par l’ONDAM, se félicite l’assurance maladie.

Reprise des négociations, jeudi 28 avril, avec à l’ordre du jour, précisément, la ROSP.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne