“La rémunération des médecins sera augmentée. La question est de savoir sous quelle forme, de quelle manière et à quel rythme”. Phrase signée Marisol Touraine qui pose toute la problématique de la négociation conventionnelle qui s’est ouverte entre les syndicats représentatifs et l’Assurance Maladie. “Il y a un tel retard, que les revalorisations hypothétiques à venir ne seront qu’un simple rattrapage. Pas de quoi combler les énormes attentes des médecins”, commente en écho le Dr Luc Duquesnel, le Président de l’UNOF-CSMF. De son côté, se référant à la lettre de cadrage de la Ministre de la Santé, en décembre, et aux orientations de son conseil de l’UNCAM, le directeur de la Caisse Nationale, Nicolas Revel, se donne l’ambition générale de structurer les prises en charge au travers des rémunérations liées au parcours de soins, gage d’efficience….

Il y aura donc gros problème puisque l’ONDAM de 1,75 % laisse peu de place à des rêves de jours meilleurs pour la médecine générale, en cette période de guérilla tarifaire pour le C à 25 euros. Nicolas Revel n’a d’ailleurs pas été le dernier à siffler la fin de la récréation en rappelant que 2 euros sur le C, comme le demandent les médecins généralistes, équivalent à 550 millions d’euros par an. “Il est évident que nous ne signerons pas pour une convention de plusieurs milliards d’euros. Il faudra faire des choix, assumer des priorités et envisager peut être plusieurs étapes”, avait-il déclaré peu avant le début de la négociation conventionnelle. “Il y a tellement de retard qu’il faudrait un effort supplémentaire. Or, on part sur un effort moindre par rapport aux précédentes négociations conventionnelles…”, grince Luc Duquesnel.

Voilà donc comment la partie se présente : une négociation tarifaire musclée alors que les caisses sont presque vides.

Or, dans la plateforme commune, qui regroupe les revendications des cinq syndicats de médecins libéraux qui vont s’assoir à la table de la CNAM, figure notamment en bonne place la demande d’une CCAM des actes cliniques, tenant compte de la durée et de la complexité des actes.

“Une visite à domicile pour une réunion de coordination pour un patient en soins palliatifs ou une réunion dans le cadre de l’HAD, c’est trois quart d’heure au minimum”, rappelle le Dr Duquesnel. Un travail que les médecins généralistes assument fréquemment pour le prix d’une visite, ce qui satisfait évidemment, la direction de la CNAM. “Mais les jeunes ne vont jamais se contenter de cela. Si le directeur se moque bien de savoir si la visite est longue ou courte, les médecins veulent une prise en charge de cette réalité dès maintenant”, insiste le patron de l’UNOF-CSMF. Une bonne prise en charge garante du respect du parcours de soins, et qui évite les hospitalisations inutiles.

Or, à la CNAM ou à l’UNCAM, on pense collectif. On se dit ouvert au financement d’une fonction de coordination lorsque plusieurs médecins d’un même territoire seront réunis au sein d’une plateforme pour prendre en charge des patients complexes. On veut également poursuivre la réorganisation de la médecine de ville, notamment par le biais du regroupement des professionnels de santé. Et il semble acquis, pour l’UNCAM, que la nouvelle convention devra s’articuler sur l’accord conventionnel interprofessionnel de février 2015, fixant une rémunération propre aux structures pluri-professionnelles … Pas certain que ce soit vers là que les syndicats aient tous envie d’aller, dans les conditions financières proposées… “Nous voulons que les médecins généralistes aient les moyens suffisants, ROSP ou pas, pour se doter d’un secrétariat. Cela n’a rien à voir avec la plateforme de la CNAM. Ce n’est pas la CNAM qui nous aidera à prendre les rendez-vous de notre patient à l’issue de notre consultation”, s’agace Luc Duquesnel. “On a le sentiment qu’il y a de la part de la direction de la CNAM, une méconnaissance, une déconnexion, volontaire ou pas, de la réalité du travail effectué par le médecin généraliste dans son cabinet”, ajoute-t-il.

L’exemple du PAERPA est parlant. L’un après l’autre, l’Union National des Professions de Santé (UNPS) puis le Collège de Médecine Générale se sont retirés du comité de pilotage de l’expérimentation destinée au maintien à domicile des personnes âgées dépendantes. Ces structures sont parties pour protester contre l’hospitalo-centrisme du mécanisme, qui ne tient pas compte des modes d’intervention des professionnels libéraux autour du malade. Toutes les régions sont en difficultés à cause de cela sauf une, la région du Dr Duquesnel et son territoire de la Mayenne, qui a pris les choses autrement. Le secret : ce sont les médecins généralistes et les infirmières libérales le plus souvent qui élaborent le projet personnalisé de soins (PPS) et non pas l’hôpital ou l’ARS. Le bonus : la Mayenne a même obtenu un financement complémentaire de l’ARS pour le suivi de ces PPS assuré par des infirmières libérales dédiées. “S’il n’y a pas d’argent pour le suivi, les PPS n’ont aucun intérêt”, souligne Luc Duquesnel en connaissance de cause.

Mais l’heure est aux économies, avec l’exemple de la rémunération des médecins généralistes pour inciter au dépistage colo-rectal. Le test ayant changé, la convention signée avec la CNAM doit être revue, la rémunération proposée pourrait être divisée par deux au minimum (par exemple de 1031 à 430 euros par généraliste pour 101 tests). “Le directeur coupe la dotation en deux et veut ventiler l’autre moitié autrement. Il s’agit d’un tour de passe-passe où l’on reprend d’une main aux généralistes une partie de leur rémunération d’aujourd’hui pour leur redonner demain sous forme d’une soit disant revalorisation pour effectuer d’autres missions”.

Le panorama est sombre donc. Etant donné les échéances politiques prochaines et l’absence de perspectives tarifaires réalistes à court et moyen terme, “la probabilité est très élevée, plus élevée que pour les autres négociations conventionnelles, qu’un nombre important de syndicats ne signent pas”, prédit le patron de l’UNOF-CSMF.