Début 2013, Yassine S., français de 24 ans, obtient l’autorisation des autorités belges de s’installer comme psychologue. En quelques mois, les patients affluent dans le cabinet de cet impressionnant psy, surdoué, diplômé de Harvard et très charismatique. Sauf qu’en réalité, il n’a jamais mis les pieds dans cette prestigieuse université et n’a jamais suivi le moindre cours de psychologie. Recherché par la justice, Yassine s’est aujourd’hui volatilisé.
 

 

C’est l’histoire d’un jeune garçon ambitieux qui a tenté le tout pour le tout pour réaliser ses fantasmes. Yassine S. a grandi en région parisienne et se destine à une carrière militaire. En 2011, à 22 ans, il intègre l’école de la marine de Brest. Il y reste sept mois, mais se lasse. Car le jeune homme se découvre une toute autre passion : la psychologie. Il s’enferme alors des heures durant, pour tout lire et apprendre toutes les théories, seul. Yassine veut devenir psychologue, c’est sa vocation. Le problème, c’est qu’il n’a pas la patience de s’inscrire à l’Université.

C’est ainsi qu’en 2013, à 24 ans, Yassine se rend en personne au ministère, à Bruxelles pour présenter un dossier d’équivalence et demander une autorisation d’exercer comme psychologue. Dans le dossier, il joint un diplôme de la prestigieuse université de Harvard et une copie de son mémoire de fin d’étude. Naturellement, tout est faux, et, malgré un CV trop parfait pour être vrai, il obtient sans problème son agrément et entame une brillante carrière…

 

Frapper plus fort

Yassine commence par proposer à une association de quartier de monter une permanence psychologique pour enfants, gratuite. Il veut se tester. Du côté des patients cela fonctionne, ils sont à l’aise avec ce psy aimable et à l’écoute. Yassine prend donc confiance et décide de frapper un peu plus fort.

Il a alors l’idée de booster sa notoriété en créant un site internet à son nom, aujourd’hui supprimé, dans lequel il met en avant son diplôme de Harvard et gonfle encore un peu son CV en prétendant travailler pour de prestigieux hôpitaux belges dans lesquels il n’a non plus jamais mis les pieds. Il y détaille aussi son approche qui conjugue “une approche cognitivo-comportementale, la thérapie des schémas précoces de Young, les approches de la troisième vague comme la thérapie de pleine conscience – mindfulness therapy – et la psychothérapie basée sur l’analyse fonctionnelle”. Les patients n’y comprennent certainement rien, mais sont conquis. Yassine multiplie sa présence sur le web, les réseaux sociaux, les forums… Et ça fonctionne. Il est contacté par de plus en plus de monde et improvise son cabinet dans son appartement qu’il partage avec sa compagne.

 

Une plaque à son nom

Face à l’afflux de patients, Yassine demande au cardiologue qui possède un cabinet dans le même immeuble de partager sa salle d’attente. Celui-ci ne consulte que deux jours par semaine et accepte sans problème. Il faut dire que le jeune psy sait séduire : serviable, charismatique, toujours à l’écoute des autres… Personne dans son entourage ne peut imaginer qu’il est en réalité un terrible imposteur. Si bien que, quand il pose à l’entrée de l’immeuble une plaque à son nom, juste au-dessus de celle du cardiologue, ce dernier est décontenancé, mais ne dit rien.

Pendant un an, le faux psychologue traite des centaines de patients sans que personne ne se doute de rien. Pourtant, en s’inventant un CV exemplaire, Yassine a commis une erreur. Parmi les confrères réputés avec qui il aurait travaillé, il cite une certaine Virginie Leblicq, psychologue clinicienne. Cette dernière, qui a croisé une seule fois l’imposteur dans un centre de santé, est surprise de voir son nom sur le site internet du faux docteur. Elle décide donc de mener sa petite enquête. Elle rencontre des confrères et des patients du jeune français et découvre qu’il avait des méthodes étranges, pratiquant des techniques de “manipulations mentales” qu’il aurait soit disant apprises à Harvard. Il a des propos parfois violents avec des patients, va même jusqu’à insulter un enfant qui a un retard mental, et prétend avoir travaillé pour les services secrets… Virginie Leblicq en réfère à la commission des psychologues de Belgique, qui s’empare de l’affaire, un an plus tard. Naturellement, celle-ci découvre que Yassine n’a jamais été à Harvard, elle porte plainte et interdit au faux psy d’exercer.

Pourtant, bien qu’il ne figure plus sur aucun registre officiel, Yassine continue de recevoir ses patients pendant plusieurs mois. La commission décide alors d’agir en rendant publique la supercherie. Elle fait passer des messages sur les réseaux sociaux, les forums et dans les centres où il consulte. Yassine est démasqué et prend la fuite. Les autorités belges ont totalement perdu sa trace. Il n’a plus de téléphone, plus de site internet, a reloué son appartement en quelques heures et s’est totalement volatilisé.

Dans une grande enquête consacrée à ce faux psy de Harvard, L’Obs a réussi à retrouver son père, en région parisienne, qui tente d’expliquer le parcours de son fils : “Il est choqué par l’ampleur du scandale et voudrait pouvoir tourner la page, confie-t-il. Une fois lancé dans son activité, il a été dépassé par son succès et ne savait plus comment faire marche arrière. Il aimait ses patients et voulait faire le bien, à sa manière.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A. B.

 

Avec L’Obs et LaCapitale.be