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Contrainte à l’installation : un tiers des médecins sont pour

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a dévoilé en décembre les résultats de sa “grande consultation”. Les inquiétudes et aspirations de plus de 30 000 médecins ont été analysées. Elles aboutiront à un livre blanc qui sera publié le 26 janvier. En attendant, les données de l’enquête en disent long sur l’état d’esprit de la profession.

 

“Il est important de donner la parole aux médecins et de recueillir leur avis, leurs attentes et leurs proposition sur le système de santé de demain. Il y a un malaise dans la profession qui s’exprime de plus en plus fortement”, a indiqué le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l’Ordre, en introduction de la présentation des résultats de la “grande consultation”. Alors que la loi de santé a été définitivement votée aujourd’hui, le président de l’Ordre a souhaité que cette parole donnée aux médecins puisse entre-autre “corriger la loi de santé“. “Car la loi ne peut être applicable que si elle est partagée”, a-t-il estimé, avant d’ajouter “J’ai la conviction que le système de santé va devoir être repensé”.

 

“Il y a là une matière inégalable”

Si près de 35 000 médecins ont pris la peine de répondre à cette grande enquête, un peu plus de 30 000 questionnaires rendus complets et envoyés dans les délais ont pu être dépouillés. “Toute la profession s’est mobilisée. Cette enquête permet de porter la voix des médecins qui ont le sentiment, à raison, de ne pas être écoutés par les décideurs. Jamais une institution n’avait été capable de recueillir l’avis de plus de 30 000 professionnels”, s’est félicité le Dr Patrick Romestaing, vice-président de l’Ordre. “Il y a là une matière inégalable. D’autant que la représentativité entre les différentes professions du corps médical a été quasi parfaite”, a surenchéri Bernard Sananès, président d’Elabe, l’institut d’étude en charge de la “grande consultation”.

Ainsi, 16 000 généralistes, 14 000 spécialistes, 5 000 hospitaliers, 800 médecins du travail ou encore 200 médecins conseils de l’Assurance maladie ont consacré plus de 20 minutes de leur temps à répondre au questionnaire. En parallèle, un sondage réalisé en miroir avec l’enquête sur près de 4000 usagers du système de santé a également été mené.

La prégnance d’un sentiment de malaise chez l’ensemble des médecins ressort largement de l’étude. En effet, si 89% d’entre eux se disent fiers d’exercer une profession qui constitue avant tout une vocation, ils estiment que l’exercice du métier est aujourd’hui trop contraint et dévalorisé. 97% des médecins confient subir trop de contraintes réglementaires, économiques et administratives, qui empiètent sur leur temps médical, et 91% d’entre eux estiment que leur mission de service public est mal reconnue. “On ne comprend plus rien à ce métier, avec une ministre qui ne nous valorise pas. Le ministre de la Défense défend les militaires, la ministre de la Santé casse du médecin du matin jusqu’au soir”, confie un médecin interrogé. “Les ARS ont une évolution autoritaire avec des démarches coercitives, humiliante et vexatoire”, ajoute un autre confrère.

 

“Je veux retrouver mon temps de médecin”

83% des médecins ont le sentiment d’une dégradation du système de santé depuis 10 ans, un constat que partagent 63% des Français. En cause, le pilotage de la santé par les pouvoirs publics jugé insatisfaisant par 93% des médecins. Pour autant, 61% des médecins souhaitent que le contrôle de la santé reste aux mains des pouvoirs publics, quand 20% aimeraient que le système de santé s’ouvre aux acteurs privés.

Réforme numéro un à mettre en place pour 98% des médecins : augmenter le temps médical en réduisant la complexité administrative. “Je veux retrouver mon temps de médecin. Je n’ai pas été formé pour faire de la compta”, confie un médecin interrogé. Un autre constate que le temps administratif a doublé en 20 ans. “Le médecin veut soigner. C’est pour soigner qu’il a fait médecine. Or, aujourd’hui, son temps médical est embolisé par des tâches administratives, ce qui est source de frustration. C’est vrai pour tous les médecins, pas seulement pour les libéraux ! C’est un point capital à prendre en compte”, a résumé le Dr Bouet.

La lutte contre les inégalités territoriales est également une priorité pour plus de 8 médecins sur 10. Etonnamment, 31% des médecins se disent favorables à une contrainte à l’installation en fonction des besoins territoriaux. 66% sont contre. Quant au conventionnement sélectif, 48% y sont défavorables. 25% adhèrent à l’idée et 27% refusent de se prononcer.

“Les médecins ne sont pas rétifs au changement. Ils ont des choses à dire dans le cadre de l’évolution de leur métier. Ils ne sont pas figés sur le passé”, a conclu le Dr Bouet. “Le débat politique qui nous attend sera majeur. Il commence à peine, et cela malgré le vote de la loi de santé. La grande conférence de santé sera un point de démarrage et non un aboutissement des discussions”, a promis le président de l’Ordre.

Les résultats détaillés de la “grande consultation” sont visibles sur le site de l’Ordre des médecins.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : S. B.