L’annonce officielle du nouveau report à jeudi prochain de l’examen définitif du projet de loi de santé par les députés, irrite les syndicats médicaux qui avaient immédiatement interrompu le mouvement de grève de vendredi dernier dès l’annonce des attentats sur Paris. Remisant leurs banderoles, ils restent très mobilisés pour le mois de décembre où le Sénat examinera à son tour, le projet de loi. Sans espoir de le changer, puisque c’est l’Assemblée qui aura eu le dernier mot.
 

 

Initialement fixé au lundi 16 puis repoussé au lendemain à cause de la réunion des parlementaires en congrès exceptionnel à Versailles, puis re-décalé au jeudi 19 novembre, l’examen du projet de loi de santé par les députés ne passe pas auprès des syndicats médicaux qui le combattent depuis plusieurs mois. “On le vit très mal, nous avions mobilisé les députés et sénateurs contre ce projet de loi. Nous demandons un moratoire jusqu’à la tenue des états généraux de la santé, le 11 janvier dernier. Mais même Christian Jacob, le président du groupe LR à l’Assemblée, n’a demandé que huit jours de délai”, maugrée Jérôme Marty, le président de l’UFML.

 

“La loi de santé sera adoptée dans les 48 heures”

C’est la deuxième fois que l’organisation remballe calicots, banderoles et décommande cars et wagons de TGV, après que les attentats de Charlie Hebdo, en janvier dernier, ont interrompu le mouvement de grève et manifestation national prévu contre le TPG et la loi de santé… “C’est à chaque fois une grosse perte financière mais nous allons rester mobilisés, reconnaît le Dr Marty. Les tee-shirts, banderoles et écharpes nous servirons en décembre prochain, au moment du vote définitif de la loi. Dès que nous aurons le calendrier précis des jours de vote – ce que le gouvernement distillera au dernier moment – nous fixerons les dates de la grève.”

“On nous impose un passage en force, confirme le Dr Jean- Pierre Door, député LR du Loiret. Il avait demandé un report de la loi de santé en 2016 – puisque Manuel Valls a accepté de reporter le congrès des Maires à l’année prochaine. Mais Marisol Touraine a été très claire à l’Assemblée : la loi de santé sera adoptée dans les 48 heures. “C’est une fin de non recevoir. On va nous imposer d’examiner entre 6 et 700 amendements en 48 heures. On est coincés, puisque nous devons terminer l’examen du PLFSS (budget) 2016, lundi prochain”…

Mobilisé mais très amer, tel est donc l’état d’esprit du Dr Eric Henry, le président du SML et du Mouvement pour la santé de tous. “Ce n’est pas très loyal. Alors que nous avons été corrects en annulant immédiatement les manifestations prévues, le gouvernement profite de l’état d’urgence, et de la tenue prochaine de la COP 21, pour passer sa loi comme un rouleau compresseur”, lâche-t-il en reconnaissant que la profession est “enfermée entre une attitude éthique et médicale, le refus de choquer les gens et tous les interdits liés à l’état d’urgence”.

Le Dr Henry se dit “anesthésié” par cette situation, “inquiet”, alors qu’en proposant à Manuel Valls un moratoire jusqu’à la réunion de la Conférence de santé, la profession lui permettait “une sortie honorable, qu’il n’a pas voulu emprunter. Le gouvernement est atteint de surdité. Il demande l’unité nationale des partis, il aurait pu avoir l’unité sociétale et la paix sociale. Mais non, ils veulent l’état d’urgence sans paix sociale”…

 

“Profiter de la situation pour passer la loi quand même, c’est une provocation”

Parmi les indignés, on compte également le Dr Jean-Paul Hamon, le président de la FMF. “Un report de deux jours, c’est une provocation. Lors de la grève du 13 novembre, 80 % des cabinets et les deux tiers des cliniques ont fermé. Et les médecins ont immédiatement interrompu le mouvement pour se rendre disponibles. On ne peut accepter cela !”

Selon le président de la FMF, les médecins sont prêts à recommencer. “Profiter de la situation pour passer la loi quand même, c’est une provocation. Si elle est votée, Marisol Touraine sera responsable de la rupture totale entre les professions de santé et le gouvernement”, prédit-il.

“On a l’impression que, malgré tout ce qui se passe, cette loi de santé demeure la priorité du gouvernement” renchérit Luc Duquesnel, le président de l’UNOF. “Les médecins ont cessé leur mouvement, les tours de garde ont été doublés pour que les patients ne viennent pas encombrer les urgences, les chirurgiens et anesthésistes ont rejoint les hôpitaux en masse… et rien.” Le président de l’UNOF (généralistes de la CSMF) garde également les yeux fixés sur le mois de décembre, période de l’ultime examen du projet de loi par le Sénat, sans aucun espoir puisque c’est l’Assemblée qui aura eu le dernier mot.

“Si la ministre décide de maintenir le vote, elle va aux devants de grosses déconvenues. Les médecins sont furieux, ils avaient voté le principe d’une grève illimitée, ils voulaient monter sur Paris. Je prédis un mouvement très fort parmi les médecins libéraux et particulièrement, les médecins généralistes, dès le 1er janvier, puisqu’elle privilégie l’affrontement”. Accompagné par un gros travail d’information en direction des patients, puisque les syndicats FO, la CGT et Sud Santé ont, unanimement, rejeté le principe du TPG, précise Luc Duquesnel. “On se sent soutenu, il faut que les patients viennent avec nous”, ajoute-t-il.

 

“Le gouvernement n’a pas à donner une contrepartie aux médecins”

Mais le président de MG France ne suit pas ses confrères syndicalistes sur le même terrain revendicatif. Très affecté à titre personnel par ce drame, Claude Leicher veut se joindre au deuil national “par respect pour les victimes, tout le monde doit être concentré”, précise-t-il. Pour lui, le gouvernement “n’a pas à donner une contrepartie aux médecins qui ont interrompu leur grève. Ils l’ont fait par respect, sans rien demander en retour”. Le médecin généraliste estime que l’interruption de la grève “n’a rien à voir avec la loi de santé, il s’agit d’attentats terrifiants”. Mais le président de MG France précise que le désaccord entre son syndicat et la loi de santé demeure. “Le TPG n’a pas disparu, mais il sera temps de le redire, lorsque la vie démocratique aura repris son cours”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne