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Ici, les habitants créent leur centre de santé

A Poitiers, un centre de santé inédit est sur le point de voir le jour dans un quartier populaire. Il sera géré par un groupe d’habitants qui se démènent depuis près de 10 ans pour monter leur projet. Les locaux sont trouvés, deux médecins sont recrutés, et il ne manque plus que 15 000 euros pour que les consultations commencent.

 

Un centre de santé, sans but lucratif, créé par les habitants et géré par les habitants… Ces deux médecins en avaient rêvé. Ce sera bientôt une réalité. Dès le mois prochain, ils devraient recevoir leurs patients dans le tout nouveau centre de santé des Trois-cités, installé dans un quartier de Poitiers classé en zone prioritaire. Ce projet, original et inédit, est né de l’implication d’un groupe d’habitants “militants” qui ont mis des années à concrétiser leur idée.

Tout commence en 2006. Le bailleur social de ce quartier de 12 000 habitants lance un grand projet de rénovation du quartier dont le centre névralgique doit être un immeuble intergénérationnel, avec une multitude de services. Un projet qui semblait alors bien loin des préoccupations des locataires de ce quartier poitevin très précaire. Un groupe d’habitants a donc décidé de se monter en association pour proposer un “contre-projet” pour leur quartier.

 

“A 99%, les personnes ont évoqué les problèmes de santé”

“On a fait circuler un questionnaire aux locataires pour savoir quelles seraient leurs priorités, se souvient Fernande Cormier, présidente de l’association baptisée “l’Espoir”. A 99%, les personnes nous ont évoqué les problèmes de santé et d’accès aux soins.” Face à ce constat, l’association a fait réaliser un diagnostic santé du quartier par des experts qui n’ont fait que confirmer les besoins en matière sanitaire.

Trois médecins sont installés actuellement aux Trois-cités, deux sont en âge de partir à la retraite et tous sont débordés. Dans ce quartier où le taux de chômage avoisine les 30% les enjeux en matière de santé sont énormes : “Il y a un grand mal-être chez les habitants, de l’isolement, de nombreux problèmes psychologiques, de l’alcoolisme…”, explique la présidente de l’association.

C’est pourquoi l’association s’est mise en tête de monter un centre de santé au plus près des habitants. Mais si la demande de soins, très importante, devrait sans problème suffire à faire vivre le centre une fois que les consultations auront commencé, l’association a quand même besoin de 60 000 euros pour démarrer le projet : 35 000 euros d’investissement en matériel et 25 000 euros de fonds de roulement. Il a donc fallu partir à la chasse aux dons et aux subventions. Le bailleur social du quartier a mis à disposition un local gratuitement jusqu’en janvier, la région a déboursé 27 000 euros, et plusieurs députés de la Vienne ont puisé dans leur réserve parlementaire.

 

3 500 euros par mois avec sept semaines de vacances

Du côté de la mise en place du projet, là aussi l’association a eu de nombreux soutiens, des associations locales, de l’ARS et surtout de la Fédération nationale des centres de santé, qui les accompagne. Du côté de l’Ordre, en revanche, c’est porte close. “Ils défendent une autre médecine, ils n’ont pas de vision prospective sur l’avenir”, regrette Fernande Cormier. Pourtant, elle en est certaine, ce système alternatif à la médecine libérale a tout pour fonctionner et séduire les médecins.

Preuve en est le nombre de candidatures de praticiens prêts à venir exercer au centre de santé. Deux sont déjà recrutés. L’un travaille en Ehpad, l’autre pour l’Education nationale. “On espère en recruter un troisième si tout se passe bien. Une sage-femme s’est montrée intéressée également.” Les médecins, salariés, seront payés 3 500 euros par mois, avec sept semaines de vacances, mais l’association compte bien les augmenter dans quelques mois. Le centre de santé sera ouvert toute la semaine de 8h à 20h et le samedi matin. Mais ce n’est pas seulement ce statut de salarié qui a séduit les praticiens, mais aussi ce projet porté par les habitants. Le centre de santé des Trois-cités, à but non lucratif, sera géré par une association de gestion qui compte 10 “militants”, tous habitants du quartier. Là où la plupart des centres de santé est géré par des mutuelles, ce modèle de fonctionnement à but non lucratif représente un véritable atout pour ces deux généralistes, avec un tiers neutre qui prend en charge la partie commerciale de la relation de soin, confient-ils.

 

Une souscription sur la plateforme de financement participatif

Les deux généralistes ont également planché sur la “philosophie” de ce centre qui promet une prise en charge “globale” des patients. La structure fonctionnera selon trois axes : un accès aux soins facile payé entièrement en tiers payant, la prévention et surtout l’éducation à la santé. “Nous voulons un centre de santé de proximité, ouvert à tous et où l’écoute des plus fragiles sera primordiale”, insiste Fernande Cormier.

Après des mois de travail et de réflexion, le projet devrait finalement se concrétiser le 2 novembre prochain. Si tout se passe bien. Car, il manque encore 15 000 euros au budget fixé. En début de semaine, l’association a mis en place une souscription sur la plateforme de financement participatif Ulule. Les habitants du quartier ont mis la main à la pâte pour confectionner des “docteurs koala” en peluche, mascottes du centre de santé, qui seront offertes aux donateurs. En 3 jours, 48 personnes ont déjà contribué et 3 089 euros ont été collectés. Aux Trois cités, on croise les doigts pour atteindre l’objectif d’ici un mois. Sans quoi, il faudra attendre… Encore.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu