Philippe Even, le pourfendeur de l’industrie pharmaceutique, le chasseur de statines et de conflits d’intérêts, va démissionner de la présidence de l’Institut Necker, association qui gère des crédits émanant des firmes pharmaceutique dont on vient d’apprendre qu’elle le rémunère. Lourde atmosphère, alors que Corruption et crédulité en médecine, le dernier livre du Pr Even, sort ce jeudi en librairie (Ed. Cherche Midi).

 

C’est pour que ses prises de position vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique “ne nuisent pas aux chercheurs”, que le Pr Even a décidé de se retirer de la présidence de l’Institut Necker, vient-il d’expliquer à Egora.fr. Cet institut est une association loi 1901, qu’il ne faut donc pas confondre avec l’Institut Necker Enfants-Malades, Institut de recherche Inserm/CNRS/Université Paris Descartes dirigé par le Pr Xavier Nassif. Une lettre formalisant officiellement cette décision de démission devrait partir en fin de semaine. “J’ai 83 ans, je ne passe plus le matin que pour signer quelques papiers, j’écris des livres. Les équipes de Necker, Cochin, Toulouse, Brest pouvaient redouter que l’Industrie leur retire son soutien. J’ai préféré m’écarter pour rassurer les chercheurs”, explique le professeur.

 

“Je n’avais rien à déclarer”

Une version qui n’est pas partagée par tout le monde. Car les détracteur du Professeur – et ils sont nombreux depuis ses déclarations intempestives en 1985 sur le traitement du VIH/sida par la ciclosporine – affirment que c’est bien pour faire cesser le scandale naissant que ce dernier démissionne. Ils s’indignent ainsi que le Professeur émérite de l’université Paris Descartes, pourfendeur infatigable des malhonnêtetés en tout genre, n’ait pas déclaré ce lien d’intérêt sur le site transparence.santegouv.fr où sont répertoriés tous les contrats, conventions et avantages liant les professionnels de santé aux firmes pharmaceutiques.

Or, une dépêche APM a bel et bien démontré que le Pr Even était rémunéré depuis de longues années par l’Institut Necker à hauteur de 887 euros nets par mois, ce qui représente un salaire. “Je n’avais rien à déclarer. L’Institut gère une enveloppe d’environ 4 millions d’euros, émanant pour un tiers de l’industrie et pour les 2/3 restants de grandes fondations. 6 % sont prélevés pour financer les frais fixes et les salaires. Dont le mien. En tant que gestionnaire, je touche effectivement 887 euros nets par mois, ce qui est fort peu vu le travail effectué ces dernières années. Ma démission n’a rien à voir avec tout cela.”

 

“Le Pr Even a menti dans sa déclaration d’intérêts”

“Erreur d’appréciation”, s’est contenté de commenter le Dr Sébastien Borde, le président du FORMINDEP, l’association de formation continue très en pointe dans la lutte pour la transparence et contre les conflits d’intérêts, dont Philippe Even est très proche. Le professeur a d’ailleurs écrit une longue lettre à l’association pour s’expliquer, alors que la dépêche de l’APM commençait à faire des vagues. “Je ne remets pas en cause sa sincérité, ni sa légitimité dans sa lutte contre les conflits d’intérêts”, ajoute Sébastien Borde. Il n’empêche, lui aussi membre du FORMINDEP, le Dr Dupagne, animateur du célèbre blog Atoute.org, n’a pas mâché ses mots en apprenant ces faits il y a une semaine, soulignant sur Twitter, non la somme incriminée, il est vrai très modeste, mais le fait que “le Pr Even a menti dans sa déclaration d’intérêts”.

Une démission semblait inéluctable.

Alors cette affaire “fait désordre”, comme le relève un observateur, alors que le brulot Corruption et crédulité en médecine, conçu pour être un sacré coup d’éditeur, sort en librairie. Entouré du plus grand secret et d’une vraie paranoïa pour éviter les fuites, l’ouvrage est programmé pour devenir le prochain best-seller du Pr Even. Et le Cherche Midi frappe fort. Extraits de la note d’éditeur qui incite les lecteurs à cesser de prendre tout de suite certains médicaments – il est vrai, après conseil du médecin traitant :

“Comment l’industrie pharmaceutique est-elle devenue la plus riche du monde ? Comment les firmes falsifient-elles les études de centaines de médicaments ? Ce livre est violent, car les faits qu’il dénonce sont violents”, peut-on lire. “Infiltrée à tous les niveaux politiques, administratifs, universitaires et médicaux nationaux et internationaux, l’industrie pharmaceutique est aujourd’hui, selon l’ONU, hors de tout contrôle.

Le livre s’appuie sur une analyse complète de la littérature scientifique pour prouver que : le cholestérol est sans danger et les statines inefficaces pour protéger des infarctus et des AVC. Elles sont un toxique lent ; les antiagrégants (7 millions de Français concernés), vingt-cinq fois plus chers que l’aspirine, ruinent la Sécurité sociale ; les nouveaux anticoagulants (1 million de Français concernés), aussi ruineux, incontrôlables et sans antidote, sont responsables de centaines d’hémorragies mortelles.

Résultat : plus de 2 milliards de dépenses inutiles et entre 500 à 1 000 décès par an en France ! Il faut cesser de les prendre, avec l’accord de son médecin.”

Dernière phrase sans doute rajoutée sur les conseils des avocats…

 

“Even a toujours été un peu excessif”

“Philippe Even a toujours été un peu excessif dans son expression et son rejet des statines”, reconnaît le Pr Bernard Debré, co-auteur du Guide des 4 000 médicaments inutiles ou dangereux, autre bestseller qui a valu à ses deux auteurs, une condamnation du Conseil de l’Ordre des médecins à un an d’interdiction d’exercice pour manquement à l’obligation de confraternité et de prudence. Dictionnaire publié en 2012, écoulé à 200 000 exemplaires, où les deux professeurs retraités ne déclaraient aucun lien d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique. “Mais tout ce que dit le Pr Even est vrai, ce ne sont pas des mensonges, c’est un honnête homme. Enfin, je n’ai pas encore lu le livre…”, botte en touche Bernard Debré.

 

Corruption et crédulité en médecine est disponible ce jour, en librairie.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne

 

Article paru le 10 septembre sur www.egora.fr.