La loi de modernisation du système de santé au Sénat sera examinée entre le 14 septembre et le 6 octobre prochain. En juillet dernier, le texte a été largement élagué par la commission des affaires sociales. Le Dr Alain Milon, médecin généraliste, sénateur LR (ex UMP) du Vaucluse et président de la commission des affaires sociales revient pour Egora sur ce projet de loi.
Egora.fr : Le Sénat est perçu comme un ultime recours pour les syndicats de médecins opposés à loi de santé. Ces derniers ont d’ailleurs prévu une grève avant le vote de la loi par les sénateurs. Peuvent-ils compter sur les sénateurs pour édulcorer la loi ?
Dr Alain Milon : Oui, c’est évident ! La loi, telle qu’elle est sortie de l’Assemblée nationale a été hyper gonflée. La loi du gouvernement faisait 50 articles et celle de l’Assemblée nationale en a fait 205. Notre commission des affaires sociales en a déjà supprimé une cinquantaine.
Nous avons réintroduit dans l’organisation territoriale les libéraux, les spécialistes et les cliniques privées, en maintenant le service public hospitalier.
Nous avons évidemment aussi supprimé le tiers payant généralisé.
L’Assemblée aura le dernier mot. Pensez-vous honnêtement que les modifications du Sénat seront maintenues ?
(Rires) Il est clair que le Sénat va voter un projet de loi qui sera complétement différent de celui sorti de l’Assemblée nationale, projet soutenu par la majorité du Sénat et par l’opposition de l’Assemblée. Même si au bout du compte, ce seront l’Assemblée nationale et la majorité présidentielle qui auront le dernier mot sur cette loi, cela ne devrait pas durer plus de deux ans… Entre temps, des propositions pourront être faites dans le cadre de la campagne présidentielle qui modifieront profondément l’organisation territoriale de la santé.
Concrètement, si la droite revient au pouvoir, aura-t-elle l’intention de réécrire une nouvelle loi de santé, en supprimant notamment, le tiers payant généralisé ?
D’ici à la campagne présidentielle, nous ferons une proposition d’organisation de la santé, tant dans son financement que dans son organisation territoriale et dans le respect de la médecine libérale.
Quelle solution alternative trouver à la mise en place du tiers payant généralisé ? Comment trouver un compromis entre la volonté des patients et celle des médecins ?
Pour les patients, tout ce qui semble être gratuit a l’air positif. En réalité, cela coûte très cher pour tout le monde. D’un point de vue personnel, je pense que la vraie proposition concrète serait d’abord de revoir le mode de financement de la sécurité sociale. Je suis assez favorable à un système unique, généralisé et universel. Il y a aujourd’hui plusieurs régimes de sécurité sociale, les cotisations salariales et patronales, les différentes taxes sur les boissons ou le tabac et il y a aussi ce que l’on paye aux mutuelles ou au complémentaires. Si l’on regroupait tout cela dans une caisse unique et universelle, je suis persuadé que l’on pourrait faire des économies considérables. Cela permettrait également de ne plus mettre les médecins sous la coupe des mutuelles et des complémentaires.
En tant que médecin généraliste, comment avez-vous vécu l’annonce de la mise en place d’un tiers payant généralisé ?
Je l’ai vécu comme une rupture unilatérale de contrat moral entre l’Etat et les médecins. Jusqu’à présent, lorsqu’un étudiant s’inscrit dans une fac de médecine il a deux possibilités : la médecine hospitalière salariée ou la médecine libérale. Il y a un contrat moral avec l’Etat qui stipule que l’étudiant pourra s’installer comme il l’entend. Or la mise en place du tiers payant généralisé est une rupture de la part de l’Etat de ce contrat puisque désormais, les médecins ne peuvent plus s’installer en libéral. Ou alors s’ils le font, ils deviennent salariés des mutuelles et de la sécurité sociale.
Craignez-vous pour l’avenir de la médecine libérale ?
Je suis optimiste de nature et je pense que l’on va changer de président dans peu de temps donc non, je ne crains pas pour la médecine libérale. Les citoyens et les médecins sont attachés à leur système de santé et mettre en place le tiers payant, c’est mettre les médecins sous la coupes des complémentaires et des mutuelles, un peu comme ce qui existe déjà pour l’optique…
Puisque vous êtes quelqu’un d’optimiste, quels sont les éléments positifs que vous reconnaissez à cette loi ?
Il y en a au moins un qui me semble extrêmement important. J’avais constaté qu’il y avait dans ce pays deux directions de la santé. Une direction légitime du ministère et une direction paritaire de la caisse nationale de l’Assurance maladie et des travailleurs salariés. Dans cette loi, la direction de la CNAMTS est remise sous l’autorité du ministère et cela me semble être un bon point.
Est-ce pour vous le seul point positif ?
Oui.
Comment jugez-vous l’article sur les pratiques avancées ?
J’avais fait un rapport avec la sénatrice Catherine Génisson sur les délégations de tâches et les pratiques avancées donc j’étais assez d’accord sur le sujet mais on ne peut pas considérer que cela soit un point positif dans la mesure où c’est le constat de ce qui existe ou qui est déjà en train de se mettre en place. C’est bien de le mettre dans la loi mais cela n’est pas une avancée, c’est juste un constat.
Quels ont été les ratés de cette loi selon vous ?
Il aurait d’abord fallu faire mieux dans la concertation. La volonté de départ était de modifier en profondeur la loi HPST. Cela a été fait d’une manière extrêmement politique, sans concertation avec les professionnels de santé. On a pu voir ce que cela a donné. Des commissions de concertations n’ont été mises en place avec les professionnels que lorsque l’examen du projet de loi est arrivé à l’Assemblée. Cette démarche aurait dû être faite avant, en amont, de manière à ce que les professionnels de santé soient vraiment inclus dans cette volonté de modernisation du système de santé.
Contrairement à la plupart de vos collègues de droite voire même de gauche, vous vous prononcez en faveur de la PMA (procréation médicalement assistée) pour tous les couples et de la GPA (gestation pour autrui). Si la droite revient aux affaires aurez-vous la volonté de faire avancer le débat sur ces questions ?
Oui tout à fait. Je pense que la PMA et la GPA doivent être autorisées sur le territoire national, ne serait-ce que pour aller dans le sens de ceux qui vont contre la marchandisation du corps humain par exemple. Pour l’instant tout cela se fait à l’étranger sous forme de marchandisation. Si c’était légalisé en France cela permettrait un contrôle sérieux. Tout se ferait sous forme de don.
J’espère dans le temps faire évoluer les mentalités de mes collègues sur le sujet. Cela ne va pas être facile mais ça se fera quand même.
Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin