Dans une journée de généraliste bien remplie, se glissent très souvent des demandes de soins non programmés. Certains médecins en comptent même jusqu’à une dizaine par jour. Pourtant, la majorité parvient à y répondre dans les 24 heures. Deux généralistes nous dévoilent leurs recettes.

 

“Mes créneaux de rendez-vous sont pleins trois jours à l’avance. J’ai été obligée de mettre en place un créneau libre de 11h à 11h 45 pour les demandes de soins non programmés”, explique Doc Arnica*, médecin généraliste en Alsace.

La demande de rendez-vous en urgence, les médecins généralistes connaissent bien. L’Union régionale des professionnels de santé (URPS) d’Ile de France vient d’y consacrer une enquête. Il apparaît même que plus de 40 % des généralistes ont 6 à 10 sollicitations quotidiennes de soins non programmés. Et la majorité des médecins interrogés y répondent dans les 24 heures. “La capacité d’absorption de ces demandes est importante, souligne le Dr Georges Siavellis, qui a participé à la rédaction de ce rapport. Ça dépend beaucoup de la façon de travailler du médecin. Quand on est en groupe par exemple, on peut s’aider entre confrères. Mais généralement, on essaie de garder un créneau pour répondre à ces patients.”

 

Un temps réservé dans la journée

“Il y a encore un an et demi, j’étais en consultation libre toute la journée. Mais mes horaires débordaient tout le temps, je ne m’en sortais pas. Aujourd’hui, avec ce système de créneau libre, je suis à trois quarts de mes consultations sur rendez-vous. Je trouve que c’est déjà pas mal”, poursuit la généraliste.

Comme Doc Arnica, près de 70% des médecins interrogés pour l’enquête de l’URPS, se réservent un temps dans la journée pour répondre aux demandes de soins non programmés. Il s’agit le plus souvent de créneaux laissés libres, dans la journée, mais de nombreux médecins assurent aussi ces consultations imprévues sur rendez-vous après leur matinée ou après-midi de travail.

C’est notamment le cas d’Armance*, installée dans les Hautes-Pyrénées. “Quand la secrétaire part, à 17 heures, les rendez-vous sont arrêtés à 18 heures. Je garde la tranche horaire au-delà de 18 heures pour les demandes urgentes inopinées. Elles sont très variables selon les saisons, de 0 à 5 environ.” Pour cette généraliste, une bonne organisation et prise en charge de ces demandes non programmées sont fondamentales. “Une organisation minimale peut améliorer la qualité des soins et pallier au manque de médecins… L’idée est d’organiser au maximum les soins pour assurer le chronique et l’urgence, en ne travaillant que sur rendez-vous, et éviter que le non-urgent du point de vue médical le devienne à cause de l’organisation et des retards de prise en charge.”

 

“J’ai dû faire la police au début !”

Mais c’est un travail de longue haleine, et notamment de pédagogie auprès des patients. “Les explications aux patients sont primordiales pour faire comprendre que ce sont les soins qui priment, et pas leur agenda. Ca fait des années qu’on y travaille avec mon associé et notre secrétaire.”

Quand elle démarre sa journée, Armance a généralement une dizaine de rendez-vous déjà pris. La journée se comble au fur et à mesure. “Mais la secrétaire propose des délais selon les motifs.” Pour un renouvellement, de la gynéco ou la visite d’un nourrisson, c’est deux ou trois jours. Aux patients qui ont des traitements chroniques, on rappelle qu’il faut prendre rendez-vous trois à quatre jours à l’avance. “On explique que ça nous permet d’assurer l’urgence à des horaires où la pharmacie est encore ouverte par exemple, assure Armance. Ça marche de mieux en mieux, mais ce n’est pas du tout ancré dans notre culture ici. J’ai de la famille au Canada. Là-bas, ils trouvent logique et non négociable le délai proposé par la personne à qui ils demandent le RDV, qui est accordé selon le motif et rarement le jour même.”

Pour Doc Arnica, généraliste en Alsace, les débuts non plus n’ont pas été faciles, mais la mise en place de ce créneau libre s’avère un bon système. “J’ai dû faire la police au début !”, lâche la généraliste dans un sourire. Il a fallu expliquer aux patients que ce créneau libre était un peu particulier. “Il faut leur dire que ce n’est pas le moment de venir pour ce qui peut être fait plus tard, pour les dossiers lourds. Je veux que ce soit une consultation où les gens n’attendent pas des plombes. Ce sont des consultations simples, des grippes en période d’épidémie, des arrêts de travail…”

Pas toujours évident, pour le patient, de comprendre que son cas n’est pas si urgent qu’il le croit. “Les patients ne mesurent pas l’urgence, parfois il s’agit de simples formalités administratives !”, regrette le Dr Georges Siavellis de l’URPS Ile-de-France et vice-président de l’UNOF.

 

“A 19 heures, je mets le répondeur”

De temps en temps, il arrive aussi à cette généraliste alsacienne de prendre des patients entre deux rendez-vous.”C’est super rare, mais ça m’arrive. Quand on m’appelle pour un bébé qui a 40°, quand ce sont de vraies urgences de médecine générale, je dis ok. Même si dans 99% des cas, il s’agit d’urgences ressenties, sinon c’est le SAMU. Aux patients qui ont rendez-vous et qui attendent, j’explique la situation. En général ça va, comme je suis plutôt à l’heure, ça ne râle pas trop.”

Enfin, autre moyen de répondre rapidement à une demande d’un patient : le téléphone. Selon une précédente enquête de l’URPS de Franche Comté, 42% des généralistes conseillent chaque jour trois à cinq patients pour répondre à une demande de soins non programmés. Et ils sont même 22% à conseiller six à dix patients par jour par téléphone. “De plus en plus de patients appellent pour demander conseil pour la nuit, en disant qu’ils rappelleront le lendemain pour éventuellement consulter. Les patients commencent à comprendre qu’il vaut mieux une consultation frais le matin, que crevé en nocturne sans pharmacie ouverte derrière”, souligne Armance. Pas question pour autant de donner son numéro de téléphone personnel. “A 19 heures, je mets le répondeur et ensuite ils passent par le 15.”

 

Rémunération ?

Mais alors, se pose la question de la rémunération de ces consultations particulières. Si certains ont émis l’idée d’une cotation spécifique pour ces demandes de soins non programmés, elle ne séduit pas ces deux généralistes.”Je n’en vois pas l’intérêt, vu que ça fait partie de notre activité”, glisse Armance. En revanche, pour ce qui est des conseils téléphoniques, c’est une autre histoire. “Ça devient très chronophage, quelle que soit l’heure. Alors je me demande parfois comment valoriser ce temps, vu qu’il évite des actes, et donc des revenus. Mais de là à facturer, c’est compliqué…”

Pourtant la revendication ne date pas d’hier. Elle est partagée par le Dr Georges Siavellis. “Beaucoup de patients se font des diagnostics sur internet et nous appellent ensuite pour confirmer. C’est du temps médical qu’on perd ! Si c’est compliqué de mettre en place une rémunération spécifique, il faut au moins reconnaître que c’est un acte médical, et pas un simple renseignement. Il y a du contenu médical, et donc une responsabilité. Il faut que ce soit reconnu comme tel.”

 

* Pseudonymes des généralistes sur Twitter

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier