Que peut-on extraire de positif de la future loi de santé, rebaptisée loi de modernisation de notre système de santé ? Tant d’espoirs ont été soulevés par le discours de déshospitalisation de la Ministre et son fameux virage libéral, que la déception est à l’image de l’attente. “C’est un immobilisme total, le gouvernement ne veut pas toucher à l’enveloppe de l’hôpital”, constate le Dr. Luc Duquesnel, le Président de l’UNOF-CSMF.
Avancée tarifaire octroyant des moyens à la médecine de proximité pour assumer ses nouveaux rôles ? C’est encore une fin de non-recevoir de la part de Marisol Touraine, malgré l’exaspération des médecins généralistes qui entament leur quatrième année de blocage du C. La Ministre qui agite son sempiternel “13ème mois”, lié à la ROSP, “une augmentation de 10 % depuis 4 ans. Ce n’est pas négligeable”, a-t-elle encore pointé à RTL, le 31 mars, journée santé morte.
Et de renvoyer les médecins libéraux au calendrier initialement fixé : la négociation de la convention 2016, après les élections professionnelles (dont la date n’est pas fixée) pour des revalorisations en 2017. Comme si rien ne s’était passé depuis novembre dernier, pas de grève des télétransmissions et de la PDSA, pas de manif monstre, pas de fermetures de cabinets et de journées santé morte. Et pas de déroute électorale. Rien, malgré l’unité syndicale et un rapprochement sur le terrain des idées, entre les deux frères ennemis de jadis et poids lourds de la médecine générale, l’UNOF-CSMF et MG France. Grande fermeté encore de la Ministre vis-à-vis de l’opération CS + MPC = 25 euros, lancée par le syndicat monocatégoriel. Toujours sur RTL, la Ministre a prévenu que l’assurance maladie “prendrait les mesures qui s’imposent” envers les généralistes qui coteront le C à 25 euros.
Rien, mais tout de même, une forme de chantage, induit par le propre choix du gouvernement qui a fait publier le règlement arbitral pour l’exercice interprofessionnel en soins primaires. Celui-ci est doté d’une grille tarifaire plutôt désavantageuse pour les pionniers, ces médecins qui se sont déjà lancés dans l’aventure, ont fait des investissements, notamment pour les systèmes d’information. Et risquent bien d’avoir des lendemains qui déchantent avec une dotation qui diminue. Chantage, car la Ministre a suggéré le 20 mars dernier à La Rochelle, aux 700 médecins généralistes venus aux 4ème journées de la Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé (FFMPS), qu’à enveloppe constante, les choix devront se porter, soit entre une revalorisation portant sur le C, soit sur la rémunération des équipes en soins primaires formalisées. Autrement dit, Marisol Touraine a placé dos à dos les syndicats, qui défendent une augmentation de la consultation, et la FFMPS, qui plaide pour les rémunérations des équipes. Belle manière de jeter de l’huile sur le feu en considérant que ces deux partenaires placés sur un pied d’égalité, ont à s’entendre face à la CNAM.
“Mais ce mode d’organisation ne concerne que 10 % du corps médical, s’insurge Luc Duquesnel. C’est dérisoire par rapport aux enjeux du maintien à domicile. Que va-t-il se passer pour les praticiens non regroupés ? Comment les 90 % restant vont-ils pouvoir s’impliquer dans la nouvelle architecture de la loi de santé qui prévoit, dans les comités territoriaux, une prise en charge des patients, sous la responsabilité des médecins traitants. Quel sera le rôle de la mission d’appui ?” Toutes ces questions n’ont pour l’heure pas de réponse. Sauf une absence criante de moyens et pas de revalorisation du C.
Et l’inquiétude est d’autant plus forte qu’en parallèle de ces contraintes budgétaires extrêmement fortes, pesant essentiellement sur la médecine libérale, contrebalancées par un discours volontariste sur le virage libéral, le directeur général de l’offre de soins (DGOS), Jean Debeaupuis, joue une partition radicalement différente devant les directeur d’hôpitaux. Ne vient-il pas de les exhorter à “devenir les directeurs des territoires”, y compris des équipes de soins primaires et du secteur médico-social ? Une déclaration non démentie, en opposition frontale avec le discours de la Ministre de la Santé.
Moralité : “Cette politique est illisible. Les discours sont différents, à géométrie variable, selon l’interlocuteur, conclue Luc Duquesnel, qui justifie et appuie l’opposition forcenée des médecins généralistes à la mise en place à marche forcée du tiers-payant généralisé.
“Ce refus, c’est un cri du cœur”, décrypte-t-il. Un cri, malheureusement, que le gouvernement qui se bouche les oreilles, se refuse à entendre.