Alors que plus de 2,5 millions de personnes ont été touchées par l’épidémie de grippe en France, le problème semble ne pas avoir été pris au sérieux par le gouvernement. Des alertes avait été lancée dès le mois de décembre mais elles n’ont pas été entendues. Le plan ORSAN a été déclenché.

 

“Nous avons alerté dès le 28 décembre pour dire que le seuil épidémique de la grippe avait été franchi, puis nous avons refait une alerte le 20 janvier pour mettre en garde sur le fait que la grippe pouvait entraîner des complications sur les personnes à risques”, témoigne le Dr Christophe Demoor, médecin à l’Institut de recherche pour la valorisation des données de Santé (IRSAN)

 

Discordances

Pour publier ces alertes, l’IRSAN s’est basé sur les données envoyée par SOS Médecins. En effet, l’association envoie tous les matins, à 6 heures la listes des pathologies rencontrées par ses médecins présents sur le terrain. “Nous envoyons nos données à l’IRSAN mais aussi à l’INVS et à Open Rome”, indique le Dr Patrick Birin, vice-président de SOS médecin. “Nous avons constaté une hausse des infections respiratoires, notamment chez les personnes âgées” ajoute le praticien qui déplore ne pas avoir été entendu par les autorités. “Au travers de ses Cellules interrégionales d’épidémiologie (CIRE), l’INVS a constaté la même chose que nous. En revanche ce n’a pas été la position de l’INVS au niveau national qui, à partir des données du réseau Sentinelle, a estimé que le seuil épidémique n’était pas atteint”, témoigne le Dr Birin.

Or, la différence entre les informations données par Sentinelle et par SOS est surtout marquée par leur périodicité. SOS envoie ses données tous les jours, alors que celles de Sentinelle sont transmises chaque semaine. Autre point de discordance, “SOS fait de la médecine non-programmées à la différence des médecins traitants. Nous sommes donc en contact direct avec les épidémies, ce qui explique la différence de réactivité entre nos données et celles du réseau Sentinelle. Cela justifie également pourquoi ils ont eu deux à trois semaines de retard pour l’annonce du seuil épidémique”, estime le vice-président de SOS Médecins.

L’épidémie de grippe saisonnière 2015 a été calquée sur celle survenue aux Etats-Unis. C’est à Atlanta que le Centrepour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a constaté à la mi-janvier que la souche de la grippe avait muté de la souche Texas à la souche Switzerland, d’où l’inefficacité des vaccins. “A ce moment-là, il aurait été judicieux de mettre en place des campagnes d’informations dans les lieux à risques, comme les Ehpad notamment, afin d’éviter la propagation du virus. Il aurait fallu mettre en place des mesures simples comme l’utilisation de gel hydroalcoolique ou la distribution de gants pour les soignants”, estime le Dr Demoor.

 

Manque d’anticipation

“Une meilleure anticipation, des mesures sanitaires prises ces derniers jours aurait sûrement diminué la surchauffe hospitalière”, ajoute-t-il.

L’association des médecins urgentistes de France (AMUF) a effectivement alerté sur “la situation sanitaire catastrophique des services d’urgences”. Dans un communiqué publié jeudi 19 février, l’AMUF constate que “les services d’urgences-SAMU-SMUR doivent faire face depuis plusieurs semaines à un afflux de patients âgés présentant des décompensations respiratoires aigües dans un contexte d’épidémie de grippe”. La “sur-saturation des services d’urgence est comparable à celle de l’été 2003”, où la canicule avait fait 15 000 morts, a estimé dans la presse le président du Samu-Urgences de France François Braun.

Pour répondre à l’urgence de la situation, et alors que l’épidémie est en train de décroître, Marisol Touraine a annoncé avoir réuni lundi 23 février la Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’Institut de veille sanitaire (InVS) et des Directeurs des Agences régionales de santé (ARS). Dans un communiqué, la ministre indique avoir adressé dès le 23 janvier “plusieurs instructions aux Agences régionales de santé (ARS) pour leur demander de veiller à la prise en charge optimale des patients en ville, avec l’aide des médecins généralistes, et à l’hôpital, lorsque la situation le nécessite, avec l’aide des médecins urgentistes”. Elle ajoute que “la très forte augmentation (+ 50%) du nombre d’hospitalisations pour grippe constatée en milieu de semaine dernière a conduit au déclenchement du plan ORSAN Epidémie”.

 

Des outils déjà opérationnels

La mise en place de ce plan exceptionnel aurait permis à l’ensemble des établissements du territoire d’activer des dispositifs spécifiques pour adapter leur activité (déprogrammation d’activités non indispensables, ouverture de lits supplémentaires, renforcement du nombre de professionnels de santé dans les établissements en difficulté). Selon la Direction générale de la santé (DGS), le plan ORSAN “a pour objectif d’assurer la préparation du système de santé pour répondre à toutes les situations sanitaires exceptionnelles. Il est mis en œuvre par les ARS dans chaque région et permet d’organiser une réponse graduée adaptée aux besoins et à la situation territoriale”.

Si un délai de 3 ans a été donné aux ARS pour mettre en œuvre ce plan, les outils opérationnels de réponse face à une situation sanitaire exceptionnelle (dispositif hôpital en tensions, plan blanc des établissements de santé, plans bleus des établissements médico-sociaux …) sont d’ores et déjà opérationnels et peuvent être activés en fonction de la situation épidémique et des besoins par les ARS, indique la DGS.

En 2015, la grippe devrait concerner “entre 4,5 et 5 millions de personnes” selon Marisol Touraine.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin