Antépénultième séance de négociation à la CNAM, autour de la rémunération des équipes de soins de proximité. Derrière la confrontation des projets, un consensus pourrait poindre entre les 48 participants et l’assurance maladie, avant la date limite fixée par Marisol Touraine, au 31 juillet. Mais le mystère demeure toujours sur le montant de l’enveloppe.

 

Etant donné la complexité du sujet (dixit le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie) une séance de négociations supplémentaire sur la rémunération des équipes interprofessionnelles sera nécessaire le 16 juillet, avant la ’der des ders’ du 23 juillet pour espérer boucler le dossier d’ici la fin du mois, ’dead line’ imposée par Marisol Touraine.

Au-delà de cette limite et à défaut d’accord, la ministre a plusieurs fois rappelé son intention de passer par un règlement arbitral pour donner du corps à ce qui doit fonder l’architecture de la stratégie nationale de santé, pour les soins de proximité. Mais Claude Leicher, le président de MG France, est optimiste. “Les libéraux de santé ont une meilleure compréhension du travail en équipe du contenu de la coordination et de ses modalités d’organisation. Ils réalisent que le libre choix du patient sera respecté qu’il n’y aura pas de lien de suggestion entre les différents intervenants. La CNAM va procéder à un relevé de conclusions, qui donnera lieu à une mise en forme pour la fin du mois de juillet. Un habillage juridique devrait être prêt pour le début septembre”.

Mais à écouter d’autres participants, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. “On est encore loin d’un accord. On ne sait rien du montant de l’enveloppe qui sera allouée, on sent bien que l’hôpital est en train de sortir hors les murs alors que les libéraux ont deux boulets aux pieds, le tiers payant généralisé et l’accessibilité des locaux”, résume le Dr Jean-Paul Hamon, le président de la FMF. Son syndicat demande qu’une rémunération soit versée en échange de la coordination et de la continuité des soins, mais il refuse l’idée d’une “protocolisation à tous les étages”, une critique qui vise tant la CNAM que MG France. Le syndicat de généralistes – qui vient récemment de constituer un “Collectif pour les soins primaires” avec les infirmières du SNIIL et les pharmaciens de l’USPO – est arrivé en négociation en produisant un power point où il défend le principe de contrats-types dans le cadre juridique des accords conventionnels interprofessionnels (ACI), où les engagements de chaque professionnel ou de chaque structure impliqués dans cette organisation sont décrits.

Trois niveaux d’intervention et de rémunération sont imaginés par le syndicat : autour du patient, avec rémunération annuelle et rôle particulier (coordination, surveillance effective) alloué à un membre de l’équipe, médecin ou infirmier, qui serait mieux rémunérés que les autres pour cette tâche. “Il y aurait présence obligatoire du médecin traitant, toujours une infirmière et le cas échéant, un troisième professionnel”, explique Claude Leicher. Le deuxième niveau concernerait la rémunération au pôle ou à la maison de santé, constituée en SISA (Société interprofessionnelle de soins ambulatoires). “La volonté est de pérenniser et étendre les nouveaux modes de rémunération (NMR)”, témoigne le Dr Leicher. Une rémunération forfaitaire annuelle serait partagée entre les professionnels, en fonction de ce qu’ils auront décidé de faire, entre eux. Enfin, l’assurance maladie ne semble pas convaincue par le troisième niveau imaginé par MG France à l’échelle d’un territoire, pour dispenser de l’éducation thérapeutique par exemple à un nombre de patients donnés. Trop flou. “Il y a de l’argent, beaucoup d’argent dans le système de santé français. La santé, c’est 12 % du PIB. On doit tous chercher à mieux utiliser nos ressources communes”, veut espérer Claude Leicher en s’interrogeant sur le montant de l’enveloppe qui pourrait être affectée aux soins coordonnés.

La CNAM, elle aussi, a fait usage du rétro- projecteur. Résumé des séances précédentes, rappel de l’engagement de la caisse nationale à “favoriser le virage ambulatoire” en rationnalisant les parcours, en écourtant ou évitant les séjours en milieu hospitalier. S’agissant des nouveaux modes de rémunération, la CNAM a affiché ses “commandes” : engagement à valoriser une meilleure coordination des diverses interventions, et résultats en termes de santé publique et d’efficience du système de soins.

Cette rémunération, selon la CNAM, serait inscrite dans le respect de l’ONDAM et pourrait être fixée de manière forfaitaire, par patient et par an. Elle serait modulée selon le degré d’intervention des différents professionnels de santé impliqués, professionnels de santé libéraux exerçant ou non dans un cadre de structures regroupées. Enfin, elle pourrait être modulée, chaque professionnel la percevant en regard de l’atteinte des objectifs fixés en termes de qualité du service rendu. Elle peut aussi être versée à la structure, telles que les maisons pluridisciplinaires ou les centres de santé.

Pour sa part, l’UNPS (Union nationale des professions de santé), qui regroupe tous les professionnels de santé moins les libéraux de santé du Collectif pour les soins primaires est beaucoup moins “protocolisante”. Elle défend l’idée d’un accord cadre définit par l’ACIP (accord cadre interprofessionnel), avec des cotations transversales à toutes les professions, affectées de coefficient selon la complexité, la durée du programme, du plan ou du protocole. Présidée par le Dr. Jean-François Rey, l’UNPS souhaiterait que des déclinaisons soient prévues dans les conventions mono-professionnelles et que la synthèse médicale revienne, “par principe”, au médecin traitant. Pour le travail en équipe (réunions, échanges d’informations), l’UNPS imagine une cotation EQU, transversale et facturée par chaque membre de l’équipe, affectée de coefficients, définie dans l’ACIP avec déclinaison dans les conventions mono-professionnelles. Car l’UNPS demande que cette rémunération soit accessible à d’autres professionnels qui ne sont pas regroupés, et qu’au-delà de la prochaine année d’expérimentation, ces dernières concernent actuellement 147 sites alors que de nombreux professionnels postulent, les ENMR soient transformées en un mode de rémunération différent et pérenne.

“Il est de notre intérêt de conclure”, résume le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF-CSMF. Il faut trouver un consensus car, à défaut, ce seront les ARS qui organiseront les soins coordonnés en régions. Mais nous ne savons pas encore quel sera le montant de l’enveloppe et il n’est pas question que nous acceptions d’importe quoi. La prise en charge des patients en ALD par des soins coordonnés en libéral peut faire économiser beaucoup d’argent à l’assurance maladie…”. Or, prié de suivre une cure d’amaigrissement, l’hôpital cherche dès aujourd’hui des parts de marché hors les murs. “Il nous faudra nous battre pied à pied en région, car dans le cadre de la future loi santé, l’hôpital peut tout à fait écraser la pratique libérale pour survivre”, redoute Luc Duquesnel. “Il est clairement demandé aux professionnels libéraux de s’organiser en ville pour accueillir les patients dont le temps d’hospitalisation va raccourcir. Pour la 4ème fois le directeur de la CNAMTS menace qu’en absence d’accord l’hôpital viendra faire le travail en ville”, s’énerve Jean-Paul Hamon, le patron de la FMF.”Le même jour, la ministre envoie un message clair en allant visiter l’hôpital de Tulle qui vient d’inaugurer un service mobile de surveillance des patients atteints d’AVC… Fermez le ban”, grince-t-il.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne