Au printemps prochain, une maison de santé originale devrait ouvrir ses portes dans le village de Launois-sur-Vence, dans les Ardennes. Le couple d’infirmiers qui en est à l’origine fait lui-même les travaux, et avec leurs fonds propres. Cette initiative pourrait être un succès : la maison de santé qui n’est pas terminée affiche déjà complet.

 

Avec leurs compétences en maçonnerie et leur envie d’exercer en groupe, Vincent Caruel et son épouse, infirmiers libéraux, ont décidé de créer leur maison de santé avec leurs propres investissements. Installés depuis trois ans dans le village de Launois-sur-Vence (Ardennes), ils avaient envie d’un local mieux placé et envisageaient de construire. “Mais on s’est dit qu’on pourrait faire plus grand et installer d’autres professionnels de santé avec nous. On a décidé de se lancer dans une maison de santé”, confie Vincent Caruel.

 

“C’est un sacré pari”

Dans un premier temps, ils ont essayé de contacter les professionnels de santé des alentours pour leur proposer de travailler ensemble, sans succès. L’engagement des professionnels étant indispensable à toute demande de subvention, il faudrait se passer de fonds publics. “C’est un sacré pari, mais on avait la conviction que ça allait marcher”, assure l’infirmier. Dans ce village de 800 habitants, les professionnels de santé ne sont pas légion. “On a ce qu’il faut en médecins généralistes, mais ils sont proches de la retraite”, explique Vincent Caruel. Aux alentours, trois autres petites villes de 1 000 habitants et une population plutôt vieillissante. De quoi donner au couple d’infirmiers la confiance de se lancer pour financer leur projet avec leurs propres fonds.

“En suivant un peu l’actualité, j’ai vu que beaucoup de maison de santé se créaient dans les campagnes”, confie Vincent Caruel. Il en visite deux, pour se faire une idée des travaux qui l’attendent et parle de son projet au maire du village. Il est enchanté par l’idée. Il y a quelques années, la construction d’une maison de santé avait été évoquée, sans suite faute de médecins. Un terrain est donc disponible, et cédé au couple d’infirmiers. Les banques acceptent de les suivre et leur accordent un crédit. “On est sur un investissement de 150 000 euros. Pour le moment, on rentre dans notre budget. Mais il faut dire qu’on fait tout tous seuls, à notre rythme.” Un architecte a été sollicité pour les plans. Le couple assure les travaux lui-même, chaque week-end.

 

Annonce sur Leboncoin.fr

Rapidement, une annonce postée sur Leboncoin.fr séduit un ambulancier, puis une dentiste. “J’ai eu beaucoup d’appels de magnétiseurs ou relaxologues, d’esthéticiennes… Mais je voulais vraiment axer sur des professions de santé reconnues, il fallait que ce soit sérieux”, explique l’infirmier. Avant même la fin des travaux, les trois bureaux sont donc déjà occupés. Le bâtiment de 100m² sera construit en respectant les normes d’accessibilité pour les personnes handicapées, comme devront l’être tous les établissements recevant du public dès 2015. Une raison de plus, pour quelqu’un qui cherche à s’installer, de venir ici, estime Vincent Caruel. “Arriver dans un local où tout est déjà aux normes, c’est déjà un avantage. C’est l’assurance de ne pas avoir de travaux à faire.”

Même si l’établissement affiche déjà complet, les demandes continuent d’affluer. “Une kiné s’est proposée récemment. Mais son installation est encore en négociation, parce qu’on ne dispose plus d’assez de place, assure Vincent Caruel. Donc on projette d’agrandir nos locaux.”

Pas de médecin généraliste pour le moment dans ce projet collectif, mais l’infirmier entrepreneur se donne du temps. « Si dans les cinq ou dix ans on arrivait à attirer un jeune médecin généraliste, je trouverai ça vraiment bien. Pour la coordination des soins, si on pouvait directement s’adresser au bureau d’à côté, on aurait une qualité de soins meilleure encore.” Mais pour le moment, le village compte encore quelques généralistes que Vincent Caruel entend ménager. S’il se décide à agrandir, dans quelques temps, il proposera à ceux qui le souhaitent de les rejoindre. “Mais ce n’est pas à moi à aller chercher les professionnels de santé. Je n’ai pas la prétention de remplacer les pouvoirs publics. Si tout se passe bien, un généraliste viendra peut-être de lui-même.”

S’il n’a jamais travaillé en maison de santé auparavant, cet infirmier n’y voit que des avantages : tant pour les professionnels de santé qui s’y installeront que pour les habitants de la région. Celui qui a exercé pendant 10 ans à l’hôpital avant de s’installer en libéral regrette les échanges entre soignants et apprécierait de rompre un peu son isolement. “Et notre idée, c’est que si d’autres professions de santé viennent exercer à nos côtés, ça nous ferait une bonne publicité pour notre propre métier. En venant voir la dentiste ou la kiné, les patients verront aussi notre plaque”, espère-t-il.

 

“Indépendance”

Et puis l’ouverture d’une maison de santé dans un village pourrait attirer de nouvelles familles à s’y installer. “Les gens aussi sont contents d’avoir nos services à disposition. On va être à côté de l’école. Ce qui veut dire qu’une jeune maman peut mettre son enfant sur le fauteuil de la dentiste dans les cinq minutes qui suivent la sortie de l’école.”

L’ouverture est prévue pour le printemps prochain. “On fera peut-être une petite inauguration avec les officiels”, en forme de main tendue vers ceux qui n’ont pas toujours répondu présent pour les soutenir dans leur initiative. “Dernièrement, la première vice-présidente du conseil général m’a demandé comme ami sur Facebook. J’ai trouvé ça très drôle”, confie Vincent Caruel, qui s’avoue finalement très satisfait d’avoir pu se débrouiller tout seul pour mener à bien son projet. “Finalement, je préfère garder mon indépendance.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier