Pour marquer la fin de 2013, nous avons demandé à plusieurs personnalités de revenir sur les événements marquants de l’année et d’évoquer leurs perspectives pour 2014. Aujourd’hui, Catherine Lemorton, députée PS et présidente de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Pharmacienne d’officine de profession, elle est aussi présidente du groupe d’études sur la toxicomanie et les addictions.

Egora.fr : Quels ont été vos “tops” de l’année 2013 ?

Catherine Lemorton : L’annonce d’une stratégie nationale de santé, avec un parcours de soins prévu pour le patient. Enfin. Ce n’est plus le patient qui s’organise par rapport au parcours de soins, ce sont les soins qui vont s’organiser par rapport à lui. On remet le patient au centre du système. Bon, ça reste à mettre en place. Mais en tout cas, les principes sont écrits noir sur blanc. Et le lancement de la concertation sur les projets de loi sur le vieillissement. En gros, on s’occupe enfin de l’adaptation de la société au vieillissement. Ca ne reste pas un vain mot. Enfin, on envisage la dépendance.

Il y a aussi la prise en charge à 100% des IVG et de la contraception pour les mineures. Ce n’est quand même pas rien. Et l’élargissement du droit à la CMU complémentaire à 400 000 personnes de plus. Qui auront des tarifs opposables, plus de franchises à payer, plus de forfait. Ce n’est pas rien 400 000 personnes. Et 350 000 personnes vont pouvoir bénéficier de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire et pourront de fait accéder plus facilement au système de soins.

Quels ont été vos “flops” de l’année 2013 ?

Les chiffres affligeants des conduites addictives dans notre pays. Pour moi, c’est la démonstration d’une société qui va particulièrement mal. Et ça ne date pas de l’arrivée de François Hollande au pouvoir. Il y a 13,4 millions de personnes qui ont expérimenté le cannabis dans leur vie. On a quand même 500 000 consommateurs réguliers. L’addiction à l’alcool est croissante. Bon, l’addiction au cannabis a stagné, mais les expérimentateurs sont de plus en plus jeunes. Or on sait que si on commence jeune, on va finir plus tard et on va avoir plus de mal à s’en sortir. Un jeune qui commence à 19 ans pour être avec ses copains de fac, on peut penser qu’à 23 ans il a fini. Pour celui qui commence à 13 ans, ça va être plus compliqué. Ca veut dire qu’il rentre dans l’addiction pour oublier son adolescence. Il passe son adolescence en survol, et quand il retombe dans la vie adulte, il ne s’est pas construit.

On parle des substances illicites, mais les addictions à l’alcool, au tabac sont tout aussi inquiétantes. C’est le constat de 40 ans de politiques publiques. Et c’est un échec total.

Pour moi, c’est affreux. Parce que c’est toute une partie de notre jeunesse qui est sacrifiée là-dedans. Le délitement de notre société est tel, que pour beaucoup de nos jeunes, le refuge c’est la drogue, l’alcool… et je ne parle pas de celui qui va tomber dans la toxicomanie. On ne peut plus faire la fête sans se mettre carpette au bout de trente minutes. Et je ne suis pas en train de faire de la morale. J’aime boire un coup. Mais que moi je me prenne une cuite de temps en temps à 52 ans – c’est rare mais ça peut m’arriver -, ce n’est pas grave du moment que je ne prends pas la voiture. Mais quand ça touche des gamins de 16 ans, ça veut dire qu’ils veulent oublier des choses. Ils veulent vivre un moment où ils oublient leur vie. C’est toujours gênant, chez un jeune.

Quels sont vos vœux pour 2014 ?

Je souhaite que mes ‘Tops 2013’ se traduisent dans des lois, et que les quelques éclaircies du marché de l’emploi soient confortés. Parce que pour financer toutes les mesures de santé publique, la protection sociale dans le cadre d’une stratégie nationale de santé, il faut relancer l’emploi. C’est sur les cotisations que repose l’équilibre budgétaire. Tout ça n’est pas déconnecté. On ne pourra faire une vraie stratégie nationale de santé que si on a les moyens. Et avoir les moyens, ça veut dire relancer l’emploi et la croissance.

Quelles seront vos bonnes résolutions pour 2014 ?

Je vais essayer de prendre du temps, un peu, pour lire autre chose que des textes de loi et des rapports. Je ne fais que ça depuis 18 mois. Je relirai Joyeux Noël, d’Alexandre Jardin. C’est sur la double face des gens, sur la page qu’on veut montrer et la page réelle de notre vie. J’en ai d’autres qui s’accumulent, mais je n’ai pas le temps de les lire. Le prochain, ce sera Léo Ferré vu par sa belle-fille. C’est mon chanteur préféré. Je voudrais bien pouvoir m’attaquer à ce livre-là.

Source :
www.egora.fr
Auteur : F. Na