Passer au contenu principal

Usés de masser leurs patientes hystériques, des médecins créent le vibromasseur !

A la fin du XIXe siècle, de très éminents chercheurs étaient convaincus que pour soigner l’hystérie féminine (un terme pseudo-médical employé pour décrire toutes sortes de symptômes liés à la féminité), rien ne valait des massages génitaux. Mais las de pratiquer eux-mêmes, manuellement, le remède, ils inventent le tout premier vibromasseur.

 

C’est une historienne américaine, Rachel Maines qui s’est pour la première fois penchée sur l’invention du vibromasseur. Dans son livre, Technologie de l’orgasme, elle montre que ces outils du plaisir féminin n’ont rien à l’origine d’une invention féministe.

Au départ, la chercheuse s’est intéressée à l’histoire… des tricots. Et c’est en feuilletant un magazine du début du XXe siècle qu’elle tombe sur une publicité pour une marque de vibromasseurs. L’objet ne ressemble en rien aux joujoux phalliques colorés qu’on connaît, mais s’apparente plus à un fer à repasser ou à une perceuse.

Après quelques recherches, elle découvre avec stupeur que l’histoire de ces appareils vibrants est intimement liée à la médecine, et à une “maladie” connue depuis l’Antiquité : l’hystérie. Le terme étymologique du mot hystérie est “hysterion” qui désigne l’utérus féminin. Classée comme maladie par le monde médical masculin depuis l’Antiquité en Europe et en Asie, l’ensemble des traités de médecine la caractérisent par des accès de mélancolie, de puissantes crises de nerf provoquant parfois des actes de comportement extravagants ou violents, des tentatives de suicides, des infanticides, voire, dans les pires des cas, le meurtre du mari. Bien entendu, il s’agit là d’une vision masculine pour décrire des symptômes qui ne concernent que les femmes. Et au XIXe siècle, les médecins avaient le diagnostic de l’hystérie plutôt facile.

Les scientifiques étaient persuadés que l’hystérie était le fait d’un désir d’orgasme insatisfait qui agite les femmes mal conçues. Un remède était donc prescrit : la “stimulation dactyle” ou le “pénétrationnisme” : le médecin masse lui-même les zones érogènes de sa patiente.

Ce n’est d’ailleurs pas nouveau. On trouve une trace de cette méthode au XIIIe siècle déjà : Arnaldus de Villanova recommande l’usage du godemiché pour guérir les veuves et les religieuses en état de transe. Et à la fin du XVIIIème siècle, on voit apparaître des cures thermales destinées aux femmes, avec des appareils hydriques que Rachel Maines décrit comme des “douches pelviennes”. En France, jusqu’en 1860, la méthode la plus répandue est de braquer un jet d’eau hyper puissant sur l’entrejambe de ces dames.

Mais les massages pelviens ennuient les médecins qui confient souvent la tâche à une infirmière ou une sage-femme. Et il faut dire qu’ils ne sont pas vraiment d’une grande efficacité. Heureusement, l’arrivée de l’électricité allait leur ôter ce fardeau. A la fin du XIXe siècle arrive donc la première “machine de massage électrique”, conçue par le docteur John Butler. Puis ce fut au tour des “électrodes vaginales”, de “l’excitateur vulvo-utérin” et de “l’electro-spatteur” doté d’une fourchette vibrante. Ces “machines” ressemblent alors plus à des engins de torture qu’à des outils de plaisir. Mais ils permettent aux médecins de procurer le tant-attendu orgasme à leur patiente en seulement quelques minutes.

Le premier vrai vibromasseur sort en 1883 : c’est le “percuteur mécanique à ressort” de Joseph Mortimer Granville. “Cette découverte a été une claque pour les féministes du début des années 70, explique Christian Marmonnier, auteur de Gode’s Story aux éditions Seven 7. Elles ignoraient que les médecins avaient à ce point tronqué une partie de la sexualité des femmes, à une époque où la masturbation était formellement proscrite.”

Les thérapeutes, eux n’y voyaient rien de sexuel. Ils ne concevaient pas que ces dames puissent ressentir du plaisir autrement que par pénétration. Les patientes, elles, n’étaient pas dupes et défilaient dans les cabinets médicaux.

Il faudra néanmoins attendre 1920 pour qu’un premier vibromasseur portatif soit vendu directement à la consommatrice. L’engin marche à la pression hydraulique, ou grâce à une pédale. Les campagnes de pub de l’époque vantent “la jeunesse et le bien-être” que procure cet engin vibrant. On conseille aux maris d’en offrir à leurs épouses. Les photos montrent des femmes très chastes qui posent leur appareil sur leur joue ou sur leur nuque. Mais le succès est là : le vibromasseur devient rapidement le cinquième appareil électroménager le plus vendu, après la machine à coudre, le ventilateur, la bouilloire et le toaster…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[Avec Historien-sans-frontiere.com, tdg.ch et nouvelobs.com]