Manifestation contre l’université portugaise Fernando Pessoa, expulsion des locaux… La pression contre la nouvelle faculté privée qui se joue du numerus clausus en formant des élèves à des professions réglementées ne faiblit pas. Mais il en faut plus pour faire peur aux dirigeants de l’école. L’ouverture d’un cursus de médecine est même prévue “d’ici trois ou quatre ans”. Les dirigeants de la faculté semblent se moquer du préavis envoyé en décembre dernier, leur intimidant de quitter les lieux le 28 juin prochain.
Cette antenne de la Faculté portugaise Fernando Pesoa, installée près de Toulon, propose des formations en sciences de la santé sans passer de concours, mais moyennant 7 500 euros par an. En délivrant un diplôme portugais à ses élèves, la faculté leur assure qu’ils pourront pratiquer en France. “Les diplômes obtenus sont valables dans toute l’Union européenne. La reconnaissance est automatique pour l’odontologie, la pharmacie, les sciences humaines et sociales. Pour les autres formations (orthophonie, physiothérapie), chaque Etat peut vérifier le niveau d’enseignement pour autoriser l’exercice sur son territoire”, est-il stipulé sur le site internet du centre Pessoa.
Des propos que dénoncent le CNPS, les dentistes de la CNSD et les orthophonistes de la FNO. Michel Chassang, président de la CSMF et du CNPS, accuse le centre Pessoa de ne pas posséder “les accréditations nécessaires pour dispenser des formations à l’étranger ni délivrer les diplômes correspondants.” Selon lui, la faculté “prétend former des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens, des orthophonistes et des diététiciens, en annonçant que les diplômes délivrés seraient valables dans toute l’Union Européenne et au-delà, moyennant une formation payante. Ce faisant, elle institutionnalise le contournement des numerus clausus ou quotas existants pour ces différentes professions”.
Une pétition baptisée “Fermons Pessoa” vient d’être mise en ligne par la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE). La Fédération a calculé qu’il faudrait débourser 47 500 euros pour devenir chirurgien-dentiste ou pharmacien et 37 500 euros pour obtenir le sésame d’orthophoniste. “Diplômes achetés = santé des Français menacée”, résument les étudiants.
Du côté du gouvernement, le problème dérange. En décembre dernier, la ministre de l’Enseignement supérieur Geneviève Fioraso annonçait avoir “demandé à la rectrice de l’Académie de Nice de déposer une saisine auprès du Procureur de la République de Toulon sur l’usage abusif du terme université”. Michel Perrot, directeur du centre hospitalier intercommunal de Toulon – La Seyne (CHITS), qui héberge l’Université Fernando Pessoa, avait également fait part à la faculté portugaise de son intention de rompre le bail d’un an le 28 décembre 2012. Une information attestée par la Ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine dans une lettre à l’attention de Michel Chassang envoyée le 8 mars dernier. “Le préavis étant de six mois, l’Université Fernando Pessoa devra quitter les lieux pour le 28 juin 2013”, écrit-elle.
Un déménagement qui n’inquiète pas outre mesure Bruno Ravaz, vice-président du centre universitaire Fernando Pessoa. “Il y a encore des locaux vides en France. Nous serons bien là l’année prochaine. Depuis la loi de 1875, il y a encore une liberté d’enseignement en France”, annonce le vice-président. Et l’ouverture d’un jardin des plantes est même prévue. “C’est obligatoire pour pouvoir enseigner la pharmacie. Cela montre bien que nous respectons la loi française”, se justifie Bruno Ravaz. Le cursus de pharmacie sera donc ouvert dès la rentrée prochaine. Les professeurs seront des docteurs en pharmacie “diplômés des universités française”, souligne-t-il.
Malgré toutes les pressions, le vice président du centre Pessoa reste zen. “Nous continuons notre route malgré les menaces et l’opposition”, indique-t-il avant d’ajouter “Ce ne sont que des contestations corporatistes. Certains se sentent plus concernés par l’ouverture de notre faculté que par les problèmes des déserts médicaux en France. Ils ne cherchent qu’à défendre leurs petits privilèges”, déplore Bruno Ravaz qui note cependant que “les médecins sont ceux qui ont la vision la plus saine” de cette polémique. Des propos qui ont fait enrager le CNPS…
Car l’ouverture du cursus de médecine est dans les cartons et se rapproche dangereusement. “D’ici trois ou quatre ans, cela sera mis en place”, annonce Bruno Ravaz, qui songe à l’achat d’une clinique. “C’est compliqué, il faut beaucoup d’autorisations mais nous y travaillons”, indique-t-il. Il prévient d’ores et déjà que les stages se dérouleront au Portugal. “La langue n’est pas un problème, les élèves reçoivent des cours de portugais dès la première année”.
Alors que l’inertie des pouvoirs publics semble patente, le bras de fer ne fait que commencer…