C’est un mystère vieux de plus de trois millénaires qui vient d’être résolu. Avec des méthodes dignes de la police scientifique, une étude publiée lundi 17 décembre par le British Medical Journal lève le voile sur les circonstances de la mort violente de Ramses III, dernier grand souverain du nouvel empire d’Egypte, sur lequel il régna de -1186 à -1154.

 

 

Emmenée par l’ancien secrétaire général du Conseil suprême des antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, ainsi que par Albert Zink, spécialiste des momies et notamment de celle d’Ötzi, l’homme des glaces, cette équipe a fait passer un scanner à la momie de Ramsès III.

 

Egorgé

Ils ont découvert que le souverain avait subi une très grave blessure à la gorge, juste sous le larynx. L’étude décrit, cachée sous d’épaisses bandelettes de lin, une ouverture de 7 centimètres de long, sans doute réalisée à l’aide d’une lame extrêmement coupante : l’entaille, très profonde, va jusqu’aux vertèbres cervicales. La lame a tranché tous les tissus de la face antérieure du cou, trachée, œsophage et tous les gros vaisseaux sanguins passant dans la région. Comme les embaumeurs n’incisaient jamais à cet endroit du corps, il ne peut s’agir d’une blessure post-mortem. Ramsès III a donc été égorgé et sa mort quasiment immédiate.

Sur les images obtenues grâce au scanner, les chercheurs ont aussi eu la surprise de détecter un petit objet d’environ 15 millimètres de diamètre, inséré dans la blessure. Il semble, après reconstitution de cet objet, qu’il s’agisse d’une petite amulette, un œil d’Horus, semblable à celles que les embaumeurs laissaient dans les incisions qu’ils faisaient pour vider le corps de ses entrailles, le but étant en quelque sorte d’assurer la guérison de la plaie. Le dépôt de l’amulette ne dit pas que les embaumeurs ont effectué l’ouverture mais il marque leur volonté de soigner la blessure pour la vie du pharaon dans l’au-delà.

Plus curieux encore, la momie de Ramsès III n’est pas la seule qui figure dans cette étude. Les chercheurs se sont également intéressés à une momie aussi anonyme qu’étrange, celle de l’"homme E", qui se trouvait avec celle de Ramsès III et d’autres momies royales, dans une cachette à l’abri des pilleurs de tombeaux.

 

Impur

Il s’agit d’un homme jeune, âgé de 18 à 20 ans, selon l’étude de ses os. Son corps a subi un processus très inhabituel de momification. Le scanner a montré que ni son cerveau ni ses autres organes n’avaient été retirés : il n’y a pas eu d’embaumement. De plus, la momie a été recouverte d’une peau de chèvre, un matériau que l’on n’utilisait pas d’ordinaire puisqu’il était considéré, explique l’étude, comme "rituellement impur". Il semblerait donc qu’on ait voulu faire subir à ce cadavre une espèce de punition.

Pour en savoir plus, les chercheurs ont réalisé une analyse génétique sur les deux momies afin de déterminer si elles avaient un lien familial, en comparant notamment leur chromosome Y. Résultat : les deux hommes étaient de la même lignée, probablement père et fils étant donné la différence d’âge. Et les auteurs de l’étude de suggérer que l’inconnu pourrait bien être… Pentaouret, fils de Ramsès III et organisateur d’un complot meurtrier contre son propre père.

 

Tragédie antique

Car la mort violente de Ramsès III s’apparente à une véritable tragédie antique, qui se déroule en 1155 av. J.-C. Souverain depuis plus de trois décennies, Ramsès III avait un successeur désigné : un fils, aussi nommé Ramsès, qu’il avait eu avec sa première épouse.

Mais cela n’était pas du goût de tous, et une autre épouse de Ramsès III, Tiy, monta une conspiration de harem pour que son fils Pentaouret accède au trône. Parmi la trentaine de conjurés, on trouve aussi des hauts fonctionnaires et des militaires. Comme le relate Nicolas Grimal dans son Histoire de l’Egypte ancienne"le plan était aussi simple que diabolique : les criminels avaient décidé d’agir lors de la célébration de la Fête de la Vallée à Medinet Habou en utilisant, entre autres procédés, l’envoûtement à l’aide de figurines magiques. Ils échouèrent et se retrouvèrent devant un tribunal composé de douze hauts fonctionnaires civils et militaires. La majeure partie des conspirateurs (dix-sept) fut exécutée. Sept furent autorisés à se suicider. Parmi eux, Pentaouret."

Toute cette partie de l’histoire est connue grâce aux minutes des procès figurant sur des papyrus qui sont parvenus jusqu’à notre époque. Mais jusqu’ici,  personne ne savait ce qu’il était advenu de Ramsès III suite au complot. Désormais, les chercheurs ont établi que la tentative d’assassinat sur la personne de Ramsès III a bien réussi, mais que le reste du coup d’Etat a échoué. Sous le nom de Ramsès IV, l’héritier initialement désigné pour régner succéda à Ramsès III.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : M.D, avec Lemonde.fr.