Après des années de déni tant de la part de l’Etat que de l’assurance maladie, l’imminence de la faillite de l’ASV (allocation supplémentaire vieillesse) revient subitement un sujet prioritaire. Une raison pour cela : tous les syndicats médicaux représentatifs  – hormis la FMF – ont fait  du sauvetage du troisième étage de la retraite du médecin libéral, un préalable à toute signature conventionnelle. Le gouvernement l’a bien compris, qui organise une série de rencontres quadripartites (syndicats médicaux, assurance maladie, Carmf et Etat) sur le sujet de l’ASV. La deuxième réunion de ce type s’est tenue hier, au ministère de la Santé et 

deux choses sont désormais certaines : l’ASV vivra au-delà de 2012, mais son sauvetage sera douloureux. Pour tout le monde.

« Il y a un consensus syndical sur le sujet, l’ASV ne disparaîtra pas », commente le Dr Claude Leicher, le président de MG France. Le régime issu du contrat conventionnel, mis en place en 1971 en contrepartie du respect des honoraires du secteur 1, et financé aux 2/3 par l’assurance maladie qui y verse les honoraires différés des praticiens conventionnés stricts, sera sauvé des eaux. La profession en a fait une affaire d’Etat,  car l’ASV représente aujourd’hui, près de 40 % de la retraite du médecin.

Même la Fédération des médecins de France, alliée à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) qui plaide pour sa fermeture en a convenu : la solution de la fermeture avec paiement des droits acquis est impossible à réaliser techniquement. Tout simplement parce que cette solution coûte 23 milliards d’euros et que « personne n’a l’argent nécessaire.  C’était un mirage de vouloir le faire croire », argumente Claude Leicher.

Trois pistes de réforme ont été présentées hier :   jouer sur le prix des cotisations, sur celui du  niveau des pensions et enfin, sur l’âge de départ à la retraite, qui pourrait passer de 65 à 67 ans pour toucher l’ASV à taux plein. S’ajoute un dernier item : la longueur de la période envisagée pour le retour à l’équilibre. Le choix peut se porter sur une période courte – mais brutale pour les médecins – ou plus longue, ce qui représente un effort financier plus acceptable sur le court terme, mais aussi plus coûteux sur le long terme. Les avis ne sont pas tranchés à ce sujet, la  Csmf penchant plutôt pour un effort important et court, qui permettrait d’envisager, explique Michel Chassang, son président, une hausse du prix du point « d’ici cinq ou six ans ».

A priori, un mix des deux premières pistes semble inéluctable. La cotisation des actifs pourrait doubler  et passer de 1 360  à 2 720 euros par an, ce qui représente un alourdissement de 113 euros  par mois, déductible fiscalement pour un médecin du premier secteur. La facture serait bien plus salée pour les médecins du secteur 2, qui règlent la facture à 100 %, sans prise en charge par les caisses. Pour eux, il pourrait être envisagé une part de proportionnalité, en fonction des revenus.

Parallèlement, les allocations des retraités baisseraient. Soit par le biais d’un gel de la valeur des points pendant au moins six ans, soit par le biais d’une  amputation de valeur, selon un  taux échelonné entre 15 et 33 %  calculé en fonction de la durée choisie pour le retour à l’équilibre. « Le gel de la valeur du point semble tenir la corde, explique Michel Chassang. Cette solution est moins douloureuse que la réduction du montant de la pension, ce qui serait extrêmement pénalisant, surtout pour les titulaires d’une pension de réversion ». Toujours  en débat, ce point  va faire l’objet d’études sur  les différentes solutions techniques envisageables.  

Enfin,  la troisième solution,  le recul de l’âge de départ à la retraite fait grincer toutes les dents libérales. »Les médecins sont fatigués, les deux premières solutions suffiront », lâche Claude Leicher.  « Il faut déjà que la Carmf nous dise ce qu’elle compte faire pour le régime complémentaire. En discuter avant n’a pas de sens », ajoute le président de la Csmf qui pencherait pour une solution « à la carte ».

Un problème reste en suspens : le niveau d’intervention de l’assurance maladie, qui devra mettre la main à la poche pour sauver le régime qu’elle finance aujourd’hui aux trois quart. Or,  la note serait très salée : 250 millions d’euros supplémentaires par an dans l’hypothèse d’un doublement du montant de la cotisation… On comprend qu’elle demande à réfléchir.

« Cette négociation se fera dans le cadre de la convention médicale, et elle conditionnera notre signature », explique Michel Combier, le président de l’Unof (médecins de famille de la Csmf). « La Cnam a beau jeu de fustiger les dépassements d’honoraires des médecins du secteur 2. Si elle est logique avec elle-même,  elle se doit d’encourager les médecins conventionnés stricts. Nous serons intraitables », explique-t-il.

Selon les premières projections des actuaires de la Carmf, où l’on a rentré ces différents paramètres dans les ordinateurs, le système redeviendrait largement excédentaire en 2035.  Comment, d’ici-là, répartir les efforts entre les actifs et les retraités ?  « Il ne faut pas faire fuir les jeunes avec des hypothèses de taux de rendement de 5 % (contre 45 % au début de l’ASV), le régime s’effondrerait carrément faute de cotisants.  Nous devons trouver un juste milieu », expose Claude Leicher, en insistant sur le fait  que le régime aura retrouvé son équilibre lorsque les jeunes installés partiront à la retraite.

Autre inconnue : l’attitude du gouvernement qui, jusqu’ici, a toujours renâclé pour  mettre en place une réforme douloureuse si peu de temps avant une présidentielle. La loi de financement de la sécurité sociale 2006, ouvrait la voie à la réforme, mais celle-ci est restée lettre morte pour les médecins, alors que toutes les autres professions concernées par l’ASV allaient à Canossa.  « Tous les syndicats veulent une réforme pour de bon, répond le président de MG France, nous sommes sortis de l’idéologie, ce n’est pas un enjeu syndical ». « Ce sera douloureux, du sang et des larmes », lui répond en échos Michel Chassang.

Alors, autant porter le fardeau à plusieurs…

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne