L’affaire du Mediator aura accéléré le départ du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire (Afssaps), Jean Marimbert,  qui, après 7 ans de fonction,  faisait hier soir ses adieux aux agents de l’établissement mais aussi à certain nombre de représentants institutionnels du monde de la santé. Dans un discours offensif, il a cherché à « rétablir la dignité de cette agence ». « Non l’Afssaps n’est pas un organisme inféodé aux laboratoires ou complaisant à leur égard (…), non l’agence n’est pas un organisme qui aurait perdu le sens de la vigilance ou de la précaution (…). Non l’agence n’est pas un repère d’incompétents où les évaluateurs  internes seraient prisonniers des diktats des experts externes (…). Non, il n’est pas impossible de diriger l’agence et de prendre des décisions de police sanitaire si l’on n’est pas soi-même médecin », a-t-il martelé, en rappelant que « malgré sa qualité de non-médecin », il avait décidé pour le Mediator le retrait d’une des deux indications en 2007 et le retrait total du produit en 2009. Et en prenant pour exemple « la transparence et la fiabilité du système de pharmacovigilance » mis en place pour la gestion de la pandémie grippale.

Ce conseiller d’Etat, énarque, n’a pas caché son émotion, alors que depuis le « jour charnière du 16 novembre 2010 », date de la présentation de l’étude demandée à la Cnamts par l’Afssaps et destinée à « cerner l’impact délétère que l’usage et le mésusage de ce produit avait pu avoir pendant les 35 années où il a été sur le marché », l’Agence « s’est retrouvée seule face à une bourrasque violente, irrésistible ». Le patron sortant de l’Afssaps a ainsi évoqué cet organisme, « bon élève du système de santé publique devenu en quelques semaines le cancre (…) vilipendé par une grande partie des médias et pour tout dire maudit ».Il a néanmoins admis « le manque de discernement collectif face à une habile présentation du produit, l’absence à certains moments-clés de convergence de toutes les données disponibles pour éclairer les choix, la succession d’occasions manquées ».

Pour autant,  si toutes les leçons doivent être tirées sans complaisance, ce doit être aussi, « avec le souci de ne pas faire table rase du passé ». Selon lui, « il est totalement illusoire de croire que l’on pourrait se passer d’un organisme public comme l’agence pour gérer au quotidien les multiples analyses et les multiples choix qui sont liés aux produits de santé ». 

Alors qu’un rapport de l’Igas est attendu sur ce thème de  la réforme de la pharmacovigilance et du fonctionnement de l’Afssaps, le ministre de la Santé Xavier Bertrand s’est engagé mi-janvier à « rebâtir un nouveau système du médicament ». L’Afssaps devra selon lui être désormais financée par une subvention de l’Etat et non plus par les contributions de l’industrie. Et sa nouvelle direction devrait être assurée par un binôme complémentaire, composé d’un profil administratif et d’un professionnel du monde de la santé, qui auront été auditionnés par les assemblées parlementaires avant nomination définitive. Selon le Journal du Dimanche, le Pr Hubert Allemand, médecin conseil national de la caisse nationale d’assurance maladie, serait pressenti pour occuper ce poste. Pour le profil administratif, deux noms circulent selon le Figaro : Didier Tabuteau, directeur de la chaire santé à Sciences Po et premier directeur général de l’Agence du médicament (1993-1997), qui a pourtant signifié n’être pas l’homme qu’il fallait à ce poste et Michel Ballereau, ancien directeur adjoint de cabinet de Philippe Douste-Blazy (2004-2005).

PAS D’AMM EN BELGIQUE DES 1977

Par ailleurs, révèle aujourd’hui le Figaro, au lendemain de la publication par l’Afssaps de la liste des 77 médicaments placés sous vigilance accrue (lire article associé), la Belgique a refusé de commercialiser le Mediator dès 1977, en arguant de « l’effet anorexigène de la molécule ». Dans un document daté du 24 novembre 1978, et alors que le médicament est sur le marché français depuis un an, le patron de l’Inspection générale de la pharmacie motive son refus d’autorisation de mise sur le marché, en soulignant les « lacunes importantes » qui existent encore dans le dossier toxico-pharmacologique et « l’absence d’étude de toxicité à long terme ». « L’action hypoglycérimédiante, hypocholestérolémiante invoquée n’est pas suffisamment étayée, l’effet anorexigène de la molécule pouvant à lui seul expliquer certainement beaucoup de résultats soi-disant favorables obtenus », écrit-il.

« L’affaire du Médiator a secoué le monde médical. Les médecins libéraux  demeurent très préoccupés  par les conséquences  éventuelles sur leurs prescriptions médicamenteuses », réagit aujourd’hui la Fédération des médecins spécialistes de France, qui réaffirme que « les médecins  ne peuvent être tenus pour responsables  d’éventuelles complications fonctionnelles ou vitales secondaires à  la prescription des médicaments dans le cadre de leur AMM ».  Quant à la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), elle indique que « le Gouvernement a oublié de prévenir en amont les médecins qui ont découvert la fameuse liste (des médicaments sous surveillance) au journal de 20 heures, alors qu’ils sont en première ligne ». Le syndicat présidé par Michel Chassang  « attire l’attention sur les difficultés auxquelles les médecins sont actuellement confrontés face à des patients plongés dans l’angoisse vis-à-vis de leur traitement en l’absence de toute information officielle et sans aucun support » et regrette « la précipitation médiatique des autorités ». Il rappelle notamment que le ministère de la Santé dispose depuis la pandémie grippale H1N1, des adresses mail de tous les médecins pour les informer en temps réel en cas de problème sanitaire.