Le père de la physique moderne, Isaac Newton, est l’une des nombreuses personnalités historiques chez qui  on retrouve la présence simultanée d’une pathologie mentale et d’un très haut niveau de créativité.

 

Les liens entre créativité et folie sont observés depuis l’antiquité. Van Gogh, Nietzche, Churchill et bien d’autres souffraient de maladie mentale sévère. Il en serait de même du père de la physique moderne, Isaac Newton (1642-1727), si l’on en croit le travail qu’ont présenté au 4e Congrès Français de Psychiatrie, C. Benizri,  F. Hozer (CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre) et J. Houenou (CHU Albert Chenevier Mondor, Créteil).

La correspondance de Newton permet de savoir qu’il a traversé à l’âge de 50 ans (en 1692-93) un syndrome dépressif majeur de 18 mois avec des caractéristiques psychotiques. Cet épisode survient 3 ans après le décès de sa mère, après une période de surmenage et la perte de plusieurs manuscrits dans un incendie de son laboratoire d’alchimie.  

 

Concoctions

Après avoir effectué une recherche bibliographique dans les bases de données Pubmed et Google Scholar et consulté des biographies historiques, les auteurs émettent deux hypothèses diagnostiques : l’intoxication au mercure et le trouble bipolaire.

L’intoxication au mercure a d’abord été évoquée, précédé d’une exposition chronique liée à d’innombrables expérience d’alchimie à partir de 1677 à base de métaux lourds. Il se serait assoupi plus d’une fois dans son laboratoire, en présence de ses concoctions. Il  les aurait même goûté à de nombreuses occasions, décrivant le mercure comme "strong, sourish, ungrateful".

L’analyse de ses cheveux par absorption spectrophotométrique retrouve du chlore, de l’or, de l’arsenic, du plomb, de l’antimoine et du mercure (197 ppm alors que la norme est de 5,1 ppm).

Plusieurs éléments de la symptomatologie sont concordants avec une intoxication au mercure : tremblements, insomnie, modification de la personnalité, idées délirantes, troubles amnésiques et de la concentration, confusion mentale. En revanche, certains symptômes cardinaux semblent absents comme les symptômes gastro-intestinaux, la stomatogingivite, l’asthénie, une desquamation cutanée, un syndrome cérébelleux et des déficits neurologiques.

 

Prophète final

L’analyse clinique de sa biographie révèle en fait une symptomatologie psychiatrique plus proche du diagnostic de troubles bipolaires, avec notamment la notion que les troubles ont précédé ses expériences alchimiques sur les métaux lourds. En faveur de cette hypothèse, les fluctuations de l’humeur et du comportement depuis l’enfance  retrouvée par ses biographes, la labilité et l’hyperréactivité émotionnelle, les crises de colère. Il aurait  présenté un premier épisode en 1664 à l’âge de 22 ans, avec une période de surmenage et d’insomnie suivie d’une période de dépression.

Ensuite, sa correspondance permet de retrouver une succession sur des cycles de deux ans de périodes d’excitation, avec hyperactivité, anorexie, diminution du temps de sommeil, excès d’enthousiasme, euphorie et haut niveau de créativité, entrecoupées de périodes de dépression avec apathie, repli social, présentation négligée, perte de confiance en soi, éléments d’autodévalorisation (avait peur des critiques et du rejet de ses publications) et arrêt de travaux en cours.

C. Benizri note  aussi des thèmes délirants congruents à l’humeur : hypochondrie, indignité, persécution, mysticisme, idées de grandeur (a cru être le "prophète final").

Il ressort donc que l’intense productivité intellectuelle de Newton était associée à ses périodes d’excitation psychomotrice. Les auteurs concluent : "Est-ce l’impact de la pomme ou la folie qui  a le plus aidé Newton à découvrir la gravitation ?"

 

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Dr Philippe Massol