Virus connu, existence de traitements et de vaccin efficaces et bien tolérés – même si leur utilisation était jusqu’à présent essentiellement cantonnée à la lutte contre le bioterrorisme… les experts estiment que malgré la diffusion du virus de la variole du singe dans la population, nous avons les moyens de lutter et d’endiguer cette maladie infectieuse.

 

Les éléments dont nous disposons actuellement concernant l’infection par la variole du singe, ou Monkeypox, sont plutôt rassurants, si l’on en croit les experts du sujet qui étaient réunis par l’ANRS maladies infectieuses émergentes, lors d’un point presse jeudi 2 juin. Ainsi, au 31 mai, 321 cas étaient signalés dans l’Union européenne (dont 120 cas en Espagne, 96 au Portugal, 26 aux Pay-Bas) ; et 236 en dehors (dont 179 cas au Royaume-Uni). Aucun décès n’est survenu, et « très peu de formes graves », complète Alexandra Mailles, épidémiologiste à la direction des maladies infectieuses de Santé publique France (SPF). « Ce sont en grande majorité des hommes, et se déclarant comme ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Et parmi eux, il existe une proportion significative de personnes rapportant avoir plusieurs partenaires. » En France, on dénombre au 31 mai 33 cas, dont 24 en Ile-de-France ; mais aucune hospitalisation, et aucun décès.

La proportion exacte d’HSH reste inconnue, pour des raisons de confidentialité et de risque de stigmatisation, mais « c’est la majorité ». La spécialiste précise, cependant, que la variole du singe n’est pas considérée comme une infection sexuellement transmissible. Elle se transmet par contact avec une peau ou une muqueuse lésée. Mais il est à noter une forte proportion des lésions génitales dans les cas actuels, liés à ce mode de transmission.

Sur le plan diagnostique, la distinction avec une varicelle peut poser problème, d’autant que la période épidémique a commencé. « Classiquement, la varicelle ne donne pas de lésion palmoplantaire, ni d’adénopathie. Et la variole donne parfois des éruptions qui peuvent être douloureuses », détaille le Pr Xavier Lescure, infectiologue au service de maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat Claude-Bernard (AP-HP).

 

 

Des complications sont possibles, d’ordre neurologique de type encéphalitique, ou pneumologique, ainsi que des surinfections, en plus de possibles séquelles disesthétiques.

L’origine du virus de la variole du singe est le monde animal. Il pourrait s’agir de rongeurs. « Mais il existe trop peu d’études sur le sujet, déplore le Pr Steve Ahuka Mundeke, chef du département de virologie à l’Institut national de recherche biomédicale de la République démocratique du Congo (RDC), pays endémique pour la variole du singe. Et la recherche n’a pas spécifié précisément quels sont les réservoirs », précise-t-il.

En outre, le Monkeypox est un virus à ADN, qui a la réputation de rester relativement stable, même si la forte transmissibilité interhumaine qui est constatée actuellement interroge ; car en RDC, elle ne représente qu’un tiers des cas (deux tiers liés aux animaux).

 

Des traitements curatifs initialement prévus dans le cadre du bioterrorisme

Autre motif de réassurance, le fait que l’on dispose de plusieurs traitements curatifs possibles. Il s’agit en premier lieu du tecovirimat, un antiviral qui inhibe une des phases terminales de la réplication virale. Il dispose d’une autorisation de mise sur le marché européenne et américaine, en tant que traitement antivariolique dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme. Mais son efficacité serait très large sur les orthopoxvirus, genre auquel appartiennent donc à la fois le Monkeypox, le virus de la variole et celui de la vaccine. Le tecovirimat présente cependant quelques contre-indications, et en particulier, les enfants de moins de 13 kg, par manque de données ; ainsi qu’une utilisation restreinte chez la femme enceinte, pour la même raison. En outre, il peut donner lieu à plusieurs interactions médicamenteuses, un peu à l’image du Paxlovid, en particulier avec des anti-infectieux, des antidiabétiques ou des anxiolytiques.

Il est administré par voie orale ou injectable en 2 fois par jour. Il doit être administré dans les 6 premiers jours de l’infection, pour une durée totale de 14 jours. Sur des modèles animaux, il a montré une efficacité assez puissante. Et sa tolérance à l’échelle humaine semble très bonne, même si ces données reposent sur de faibles effectifs. Les principaux effets indésirables répertoriés sont des céphalées et des troubles digestifs.

Dans ce domaine des antiviraux, il existe quelques alternatives, en cas de contre-indication. Il s’agit du brincidofovir, une molécule qui vise initialement le CMV, mais qui agit également sur les poxvirus. Il a l’avantage d’être utilisable sous forme orale, et dès la naissance. Mais « son efficacité semble inférieure à celle du tecovirimat », précise le Pr Xavier Lescure.

Ensuite on a potentiellement contre le Monkeypox des immunoglobulines, des anticorps sécrétés et générés par des humains suite à une vaccination antivariolique, utilisables principalement chez la femme enceinte et les enfants en bas âge.

 

 

Et parmi les perspectives thérapeutiques, on peut citer le plasma sanguin, d’autres antiviraux (en particulier des anti-nucléosidiques) en développement actuellement, qu’il va falloir tester, ou encore des anticorps monoclonaux.

Le Dr Lescure précise qu’actuellement, l’indication d’un traitement curatif contre le Monkeypox n’est pas systématique du fait de sa bénignité. Son utilisation est réservée à une infection grave, en cas de lésions cutanées très nombreuses, de complications systémiques (encéphaliques, pneumologiques …), ou de terrains fragiles (immunodéprimés, enfants, femmes enceintes…).

Sur le plan de la recherche, un projet de cohorte observationnelle est en cours de finalisation pour mieux connaitre l’histoire naturelle de la maladie, l’impact de la prise en charge, et évaluer la thérapeutique (essentiellement le tecovirimat). Il y a aussi une perspective d’essai clinique aux Etats-Unis, et un projet concernant la prophylaxie post exposition.

 

Un vaccin probablement efficace

Sur le plan vaccinal aussi, il y a des raisons d’être optimiste. « La situation est beaucoup plus favorable qu’avec le coronavirus, car nous avons la chance d’avoir des vaccins et de connaitre déjà l’immunité », affirme la Pre Brigitte Autran, professeure émérite d’immunologie à la faculté de médecine de Sorbonne Université, et membre du Centre de recherche en immunologie et maladies infectieuses de Paris (Cimi-Paris). En fait, on ne dispose pas de vaccin dirigé à proprement parler contre le Monkeypox, mais on en a contre la variole. Or les virus de la variole, de la vaccine et le Monkeypox sont, en quelques sortes, des « cousins » très proches, appartenant au genre des orthopoxvirus. « C’est une famille dans laquelle il y a de l’immunité croisée », assure la spécialiste. Et, de la même façon qu’on a réussi à éliminer la variole grâce à un vaccin contre sa « cousine », la vaccine, on peut vraisemblablement utiliser efficacement le vaccin antivariolique contre le Monkeypox.

Les vaccins antivarioliques historiques, dits de 1ère et 2ème générations – directement issus de la découverte d’Edouard Jenner au 18ème siècle – étaient vivants réplicatifs, extrêmement puissants, et apportaient une protection efficace en une seule injection. En revanche, ils étaient contre-indiqués chez les patients immunodéprimés ou ayant certaines pathologies cutanées. Dans les années 50-60, a donc été développé, par un laboratoire allemand, le vaccin de 3ème génération (MVA ou Imvanex). Il n’est pas réplicatif, et ne possède pas les précédentes contre-indications. Mais il a l’inconvénient de nécessiter deux injections à 1 mois d’intervalle pour obtenir la même protection. « Le gros avantage est la sécurité de ce vaccin, qui est maintenant tout à fait établie », assure la Pre Autran, et que l’on a pu mesurer, en particulier, lors des dernières grandes campagnes antivarioliques en Allemagne menée dans les années 60, chez des patients sous corticoïdes ou ayant des pathologies cutanées extensives. En outre, on utilise aussi le MVA pour des candidats-vaccins en tant que vecteur, par exemple pour un vaccin contre le VIH ; ce qui confirme sa très bonne sécurité.

Pour autant, on ne dispose d’aucun chiffre précis en vie réelle de l’efficacité de ce vaccin contre la variole car la maladie était déjà éradiquée en Allemagne au moment de son utilisation. Et contre Monkeypox, on dispose d’études qui montrent une efficacité de 100% sur des modèles de primates, en vaccination préventive. « On n’a pas d’évidence, mais de très bons éléments qui suggèrent une efficacité importante, de l’ordre de celle de la vaccine contre la variole », résume la Pre Autran.

Ce vaccin, jusqu’à présent indiqué, là encore, dans la cadre de la lutte contre le bioterrorisme, est utilisé de manière compassionnelle contre le Monkeypox en prévention en post-exposition. « Son statut devrait changer prochainement », précise Brigitte Autran. La longue période d’incubation du virus (1 à 3 semaines, et en moyenne 14 jours) a, en effet, l’avantage de permettre une bonne efficacité dans cette utilisation. Il faut définir les cas contacts et la 1ère injection est idéalement administrée dans le 4-5 premiers jours suivant le contact pour augmenter le taux d’anticorps. Le vaccin empêche le développement de l’infection et la diffusion du virus, et peut ainsi bloquer, par là même, sa transmission.

En revanche, « pour l’instant, du fait du nombre relativement limité de cas, et de la faible gravité, il n’y a pas lieu de concevoir de grandes campagnes de vaccination générale », affirme la Pre Autran. Selon elle, des stocks ont été constitués pour faire face à une alerte bioterroriste ; et « les capacités de production du monde industriel sont bien là ». Mais les quantités et lieux de stockage sont couverts par le secret défense.

 

Premières vaccinations réalisées en France

Une cohorte ANRS de surveillance des cas-contacts va être mise en place pour évaluer les sujets qui bénéficient de cette vaccination post exposition, en les comparant aux sujets contact qui auraient refusé la vaccination.

Les premières vaccinations de cas contacts en France ont été réalisées. « Au 1er juin, moins d’une dizaine de patients avaient été vaccinés sur Paris et Bordeaux », a ajouté le Dr Lescure. Ce chiffre assez restreint – même si on n’en est qu’au tout début – peut s’expliquer par le fait que tous les sujets contacts ne sont pas éligibles à la vaccination, mais aussi par un certain degré de refus.

 

[D’après la Conférence de l’ANRS maladies émergentes.]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche

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