Lors de l’examen par la chambre haute du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022, ce vendredi 12 novembre, les sénateurs ont étudié les mesures d’accès direct à certaines professions paramédicales, et ont ajouté des garde-fous. Ces derniers ont également introduit d’autres mesures coercitives, qui ont ébranlé les médecins, dont l’objectif est d’améliorer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Qu’ont-ils approuvé, qu’ont-ils modifié ? Le point.

 

Tous les regards des représentants des professionnels de santé étaient rivés, ce vendredi 12 novembre, sur la chambre haute, qui poursuivait l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. Les votes de plusieurs articles, qui ont suscité les inquiétudes des uns et les encouragements des autres, étaient en effet particulièrement attendus. Notamment, les articles 40 et 41 adoptés par l’Assemblée nationale et qui introduisent l’accès direct à certaines professions paramédicales. L’Ordre des médecins et les syndicats de la profession se sont effectivement unis de manière tout à fait inédite pour rejeter en bloc ces évolutions, dont ils craignent qu’elles vident “de sens la notion de médecin traitant”.

Les sénateurs ont néanmoins donné leur feu vert à ces dispositions, la plupart introduites par voie d’expérimentation, mais ajouté un certain nombre de “garanties”. Ce mardi 16 novembre, aura lieu le scrutin public solennel sur le PLFSS 2022. La commission mixte paritaire étudiera ensuite le texte modifié par le Sénat, et rendra ses conclusions le vendredi 26 novembre. Sauf si une nouvelle lecture est décidée.

 

Prescriptions de corrections visuelles par les orthoptistes : oui, mais pas pour tous les patients

D’abord, les sénateurs ont approuvé l’accès direct aux orthoptistes (article 40 du PLFSS), tel que validé par l’Assemblée nationale, et ce, malgré les levées de boucliers des ophtalmos. Certains “critères exigeants” ont néanmoins été ajoutés par voie d’amendement. Ainsi, les orthoptistes pourront prescrire des corrections visuelles (lunettes et lentilles), sans consultation préalable chez l’ophtalmo, mais uniquement pour des patients d’une certaine tranche d’âge – comme cela est inscrit dans le projet de décret : les 16-42 ans, et “ayant une faible correction”, a précisé le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

Les textes d’application seront pris après avis du Conseil national professionnel d’ophtalmologie, d’après un amendement de la commission des Affaires sociales, validé ce vendredi par les sénateurs. “Cette mesure a pour objectif d’améliorer l’accès aux soins visuels, tout en garantissant une prise en charge sécurisée pour les patients, a défendu le secrétaire d’État. En plus de réduire les délais de rendez-vous, la mesure permettra de recentrer le travail des ophtalmologistes sur le traitement des pathologies oculaires complexes, comme la DMLA ou le glaucome.”

 

 

Alors que le président de l’Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet, dénonçait quelques jours plus tôt sur Egora.fr le manque de concertation avec les différents acteurs, conduisant le Parlement à statuer sur une mesure jugée “dangereuse”, Adrien Taquet a rejeté cette accusation. “Personne ne peut dire qu’il n’y a pas eu de concertation […]. Il y a eu un rapport sur la filière visuelle fait par l’Igas et qui a été rendu public en janvier 2020. Depuis, il y a eu plus d’une année de discussions et de concertation avec l’ensemble de la filière, les syndicats des uns et des autres. On ne peut pas nous accuser de ne pas avoir concerté et de débarquer comme cela avec une mesure. Ce n’est pas vrai.”

 

 

Accès direct aux kinés et orthophonistes conditionné à l’avis des autorités sanitaires

Concernant l’accès direct aux orthophonistes et aux kinés exerçant dans une structure de soins coordonnés, les sénateurs ont inséré, dans le texte, une mention précisant que le décret fixant les modalités des expérimentations devra être pris en Conseil d’État “après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Académie nationale de médecine”. Objectif : s’assurer que la disposition soit conforme “aux principes de qualité et de pertinence des soins”. Les expérimentations dureront trois ans et seront réalisées dans 6 départements d’une même région. Leur généralisation sera conditionnée à un rapport d’évaluation qui devra être transmis au Parlement.

 

 

Feu vert total pour la primo-prescription par les IPA

La primo-prescription pour des prescriptions médicales obligatoires par les infirmières en pratique avancée (IPA) a, quant à elle, reçu un avis favorable de la chambre haute. Elle devrait ainsi être expérimentée dans trois régions.

 

Instauration d’un conventionnement sélectif pour les jeunes médecins

Ajouté par la commission des Affaires sociales, un amendement, qui a été adopté, prévoit par ailleurs de conditionner, “à compter du 1er novembre 2022”, le conventionnement d’un médecin à la réalisation d’un remplacement dans une zone sous-dotée en médecins pour une durée d’au moins 6 mois. Dans le texte, l’objectif affiché est d’encourager les jeunes médecins à réaliser leurs premiers remplacements dans les zones sous-dotées. Ce qui n’est pas de l’avis des organisations étudiantes et des jeunes praticiens, qui se sont toutes insurgées contre cette disposition, qui a été prise “sans concertation” et “sans distinction de spécialité”.

Le Gouvernement a émis un avis défavorable : “Cela créé des effets de bords, de concurrence, de contournement et nous ne pensons pas que cela est la bonne solution”, a indiqué Adrien Taquet. “Depuis le début du quinquennat nous avons mis en place un panel de solutions adaptables à chaque contexte local : soutien à la réalisation des stages en ambulatoire […], développement de l’exercice coordonné, déploiement des assistants médicaux […] et signature des premiers contrats de début d’exercice.”

 

 

Création de zones franches médicales

Toujours dans une volonté de lutter contre les déserts médicaux, le Sénat introduit la création de zones franches médicales – sur le modèle des zones franches urbaines, au sein desquelles s’appliqueraient “des exonérations de cotisations sociales aux médecins généralistes et spécialistes” afin de rendre ces territoires attractifs. Cela “constituerait un levier supplémentaire pour redéployer, vers les zones les plus médicalement dépourvues, des médecins déjà installés dans des zones plus denses qui pourraient installer un cabinet secondaire ou envisager une réinstallation”, font valoir les sénateurs.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Louise Claereboudt

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