Alors que de nombreux décès d’internes ont été déplorés depuis le début de l’année, des représentants de l’InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) appellent étudiants, médecins, et professionnels de santé à faire entendre leur voix pour faire cesser l’omerta.

 

“Je suis à bout, je n’en peux plus…”, “Je suis en train de m’effondrer”, les stigmates de la détresse manifeste des internes ne cessent de s’accumuler. La souffrance est omniprésente dans nos études. Des violences plurielles subies par les étudiants en médecine, tant sur les bancs des amphithéâtres que dans les stages réalisés, sont mises en évidence par toutes les enquêtes publiées ces dernières années.

Les internes débutent trop souvent leur internat après avoir déjà vécu une maltraitance systémique qui les fragilise. Celle-ci persiste tout au long de leur formation comme le rappellent tristement les thèses d’Amélie Jouault et de Sara Eudeline de 2020. 99.3% des internes de médecine générale ont déjà dû faire face à au moins un type de violences, qu’elles soient d’ordre psychologiques, physiques ou sexuelles.

 

 

Récemment, notre profession a déploré de trop nombreux décès d’internes. Leur qualité de vie au cours de cette période de formation intense est mise à mal par des facteurs connus et reconnus, notamment des conditions de travail regrettables, sources évidentes de mal-être.

Mais aujourd’hui, l’heure n’est plus au constat. La colère gronde face à l’absence de mesures pérennes et concrètes. Non-respect incessant du temps de travail, défauts d’encadrement en stage et absence d’accompagnement en cas de conflits sont le triste quotidien des internes traversant des périodes difficiles. Depuis des années, l’ensemble de leurs représentants alertent les instances et peinent à faire entendre la détresse des étudiants à laquelle ils sont confrontés régulièrement dans leurs missions. Malgré les promesses répétées des ministères, des enseignants, des doyens et de l’ensemble des acteurs de notre formation, nous sommes toujours et encore témoins de situations inacceptables sur le terrain, preuve de l’absence d’actions efficaces instaurées.

Pourtant, des solutions simples existent pour agir sur certains facteurs de risque objectifs. Concernant le temps de travail, l’échec des instances pour garantir son respect strict nécessite d’enfin appliquer une tolérance zéro. Les outils existants de calcul du temps de travail comme les tableaux de service, pourtant mis en place depuis 2015, doivent être utilisés et des mesures de contrôle systématiques de ceux-ci doivent être instaurées. Les entorses à la loi ne peuvent rester impunies et doivent donner lieu à des sanctions pour les auteurs de ces infractions avérées. Ces mesures impérieuses, pourtant inscrites dans les accords du Ségur de la santé, se font toujours attendre, tandis que les internes continuent de s’épuiser. Ce drame humain touchant les soignants de demain ne pourra cesser tant que les engagements des acteurs ne se traduiront pas sur le terrain.

 

 

Les faits de harcèlement, relevant pourtant d’un cadre pénal, sont trop souvent réglés par une simple médiation, dans un entre-soi favorisant la loi du silence. L’omerta dans le domaine de la santé est trop souvent la règle en l’absence de recours clairement identifiés permettant un accompagnement dans l’ensemble des démarches. Il n’est plus entendable aujourd’hui que le milieu médical se dédouane de ses responsabilités en blâmant l’absence de témoignages des étudiants pour justifier son inaction quand 93.9 % des internes en médecine générale ont vécu plusieurs situations de violences durant leurs études. Les causes sont enracinées dans une culture compétitive valorisant l’oubli de soi au profit des institutions et le respect de l’autorité comme fonctionnement optimal. Il est temps que le débat s’ouvre afin d’entamer une transition vers un modèle respectant l’humain avant tout. Il n’est plus possible de se reposer sur les capacités de résilience des internes pour espérer maintenir à flot le système de santé.

Si ce changement de paradigme aurait pu se réaliser progressivement à travers le dialogue et l’échange constructif il y a encore quelques temps, l’urgence actuelle et l’absence de remise en question concomitante nécessitent une prise de position forte. Nous appelons aujourd’hui l’ensemble des internes, médecins, professionnels de santé, conscients des enjeux humains associés, à faire entendre leur voix. Les soignants en souffrance, bien que souvent silencieux, ne sont pas une minorité. Nous les soutiendrons aux côtés de leurs syndicats représentatifs pour enfin initier le changement tant attendu.

Nous sommes les soignants de demain, engagés au quotidien à vos côtés. Pour que nous puissions mener à bien nos missions, actuelles comme futures, prenez soin de nous et agissons ensemble pour changer la donne !

 

Anne Goulard, interne et porte-parole de l’ISNAR-IMG et Raphaël Dachicourt, interne et Premier Vice-président de l’ISNAR-IMG.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale

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