Étudiante en cinquième année de médecine à Toulouse, Carla Valette cartonne sur le réseau social Tik Tok grâce à des vidéos de vulgarisation médicale. Avec plus d’un million d’abonnés sur son compte en quelques mois, la future médecin garde la tête sur les épaules et veut en profiter pour faire de la pédagogie sur des sujets souvent tabous et compliqués, grâce à un contenu accessible au plus grand nombre.

 

Elle cumule des centaines de milliers voire des millions de vues sous chacune de ses vidéos… A 23 ans et en à peine quatre mois, Carla Valette, étudiante en cinquième année de médecine à Toulouse, est devenue une véritable star des réseaux sociaux. La recette de son succès ? Des séquences de 15 à 30 secondes de vulgarisation médicale, postées sur le nouveau réseau social en vogue : Tik Tok.

Hypertension épididymaire, appendicite, chirurgie de réassignation sexuelle, dysfonctionnements érectiles, frottis, accouchement… Stéthoscope autour du cou, elle se filme sur tous types de sujets. Une seule condition : que le contenu aille “droit au but” et soit accessible à tous, professionnels de santé, étudiants en santé ou non. “On tourne souvent autour du pot pour dire des choses simples, il y a trop de formulations, trop de mots inutiles. Pour aller d’un point A à un point B, certaines personnes font des détours. Moi, ça m’énerve depuis des années. Je ne veux pas reproduire ça, sinon je me soûlerai toute seule”, plaisante la jeune femme. C’est d’ailleurs, à ses yeux, ce qui explique la popularité de ses vidéos. “Tout le monde aime les choses concises. Je pourrai ajouter des choses, mais non, je ne veux pas faire un cours d’une heure. Et puis si j’ai envie de dire d’autres choses sur un même sujet, je peux faire une deuxième vidéo.”

 

@carla.valette

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Tout commence en avril 2020. La future médecin décide, comme 11 millions de Français, et parce que c’est alors la mode, de télécharger l’application Tik Tok, qui permet de poster en ligne des créations vidéo filmées en “mode selfie”. Elle l’utilise d’abord personnellement, publie du contenu pour s’amuser, “de temps en temps”. Mais quelques mois plus tard, en novembre, il lui devient difficile de concilier son passe-temps avec ses études. “Ce n’était pas tellement compatible. Je me suis dit ‘pourquoi pas intégrer de la médecine sur Tik Tok pour faire d’une pierre de coup : que l’un soit complémentaire de l’autre’”, raconte Carla Valette.

La jeune femme décide alors de s’inspirer de médecins étrangers, eux aussi présents sur le réseau social. “Ils ont énormément de followers* et surtout, ils sont médecins. Moi, j’ai voulu reprendre l’idée, sans leur piquer les sujets. Mes vidéos, je les fais avec mes propres sujets de santé, avec ma personnalité, ma touche. Je m’inspire de ce que je vois autour de moi, ce que je regarde sur Tik Tok”, explique-t-elle. Et sa touche, Carla Valette la soigne. Ses vidéos sont dynamiques, sur des sujets souvent tabous avec quelques illustrations – graphiques, photos, témoignages – des sous-titrage de mots clés mais aussi des émoticônes. Pour choisir ses thématiques, elle passe d’ailleurs du temps à observer les questions qui reviennent le plus souvent sur les réseaux sociaux. “J’essaie d’analyser ce qui pourrait ramener le plus de monde possible sur une vidéo, ce qui pourrait donner envie au maximum de gens de rester sans swiper*”, poursuit-elle, se décrivant comme “une étudiante en médecine qui fait des vidéos de vulgarisation médicale en les rendant fun et accessibles à toute personne qui s’intéresse au fonctionnement de son propre corps”.

Sans grande surprise, ce sont les sujets liés à la sexualité qui reviennent le plus souvent. “Mais ce qui intéresse le plus, au-delà du côté sexe, c’est tout ce qui touche à l’appareil génital : masculin, féminin et même la transsexualité”, précise-t-elle. “Ça fait rire et puis, il y a pas mal de mystère autour de ça, on ne comprend pas toujours comment telle chose fonctionne, ou alors on a des aprioris. Grâce à mes cours et aux connaissances que j’ai de base, j’arrive à apporter un peu plus de justesse. Et ça plaît énormément”. Sa vidéo sur les ondes de choc pour traiter les dysfonctionnements érectiles a, par exemple, atteint les 22 millions de vues après avoir été diffusée dans le monde entier.

 

 

“Enormément” est un faible mot. En quatre mois, elle a gagné plus d’1,1 millions d’abonnés sur son compte. “Ça donne le sourire, je m’y attendais pas”, reconnaît-elle, la voix enjouée. “Sur Tik Tok, la croissance peut être rapide quand on tient un concept qui plaît, qui est cohérent. Mais avoir 1 million en 4 mois… C’est énorme”, confie-t-elle, sans encore réaliser cet engouement si soudain. A un an des ECN, la jeune femme, qui enchaîne aussi les interviews, ne compte pour autant pas se mettre la pression pour continuer à produire et poster plus de contenu. “Je ne me pose pas de questions, je fais les choses comme elles viennent. Et puis, on a besoin d’avoir des échappatoires et des loisirs en médecine”, estime-t-elle avant de préciser qu’elle souhaite tout de même essayer de poster une vidéo par jour.

Exercice de vulgarisation

Pour préparer son contenu, Carla Valette se plonge souvent dans ses cours. “Je regarde s’il n’y a pas des mots qui peuvent m’aider à mieux résumer. Parfois, un mot, un seul mot, permet de résumer une phrase et moi, je cherche des raccourcis”, détaille-t-elle. Mais elle ne se contente pas de ses notes, poussant souvent ses recherches sur Internet, allant fouiller les référentiels. “Un truc que j’adore, c’est d’aller sur urofrance.org. Je trouve tout pour les hommes, j’ai appris tout ce qu’il fallait là-dessus”, raconte Carla. En plus de rendre un sujet synthétique pour tous, elle en profite donc pour réviser. Pour garder du temps pour ses études, elle tourne en général ses vidéos en début d’après-midi, entre 13h et 15h. “En 15 secondes, il y a moyen de faire une vidéo sans trop de préparation, il suffit que je me mette à mon bureau et que je parle”, selon elle.

Si certains thèmes sont rapides, d’autres en revanche lui prennent plus de temps. Ainsi, elle a réalisé il y a quelques semaines une vidéo sur la glaire cervicale. “J’avais utilisé du miel, du fromage blanc, de l’œuf sur des protections hygiéniques, justement pour expliquer comment tout cela change en fonction du cycle. Ça demande plus de travail mais le rendu était sympa”, s’amuse l’étudiante. Autre conséquence de son succès, la jeune femme est de plus en plus sollicitée par ses abonnés pour évoquer des thèmes spécifiques. Le plus dur, c’est donc “de choisir lequel faire en premier”, s’amuse Carla Valette.

 

 

 

Une vie “normale”

Si elle cartonne en ligne, rien n’a toutefois changé dans la vie de la jeune femme. “Je ne croise personne dans la rue, j’ai l’impression qu’on ne me connaît pas. Le contraste est énorme”, témoigne-t-elle, en suggérant que ses abonnés ou confrères, en stage, n’osent peut-être pas lui parler de son activité.

Aussi volontaire dans ses études que face caméra, celle qui fonctionne à mille volts se voit bien plus tard “faire quelque chose de ses mains”, sans s’avancer sur le choix d’une spécialité. “Ça dépend du classement final. J’aime quand ça bouge donc j’aimerais peut-être faire de la chirurgie dans ma spé. J’aimerais moins me retrouver derrière un bureau toute la journée. Ça élimine certaines spés, ça m’amène vers d’autres…”, suggère-t-elle en laissant planer le doute.

Une fois sa spécialité choisie, la jeune femme pense d’ailleurs à monter de nouveaux projets, comme une chaîne Youtube. “Mais ça, les questions d’avenir, je me les poserai quand j’aurai eu mon internat, quand j’aurai passé les ECN avec ma spécialité et que je me serai ‘rangée” dans une spé’”, tempère-t-elle, la tête sur les épaules. “A ce moment, je pourrai réfléchir à des choses encore plus travaillées. Peut-être aussi y mettre des moyens, car pour faire une chaîne, quelque chose de cohérent, il faut des talents de montage. Ça demande une contrepartie financière pour avoir quelque chose de propre et qui marche bien. Donc on verra plus tard”, conclut Carla Valette.

 

* Follower : personnes abonnées à un compte sur un réseau social.
* Swiper : zapper en balayant à l’aide de son doigt sur un smartphone

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marion Jort

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