Ils ont remis sur pied des joueurs en un temps record, défiant parfois les pronostics de la communauté médicale. A grands renfort d’acupuncture, de placenta de jument et de mystère, ces médecins intriguent. A quelques jours du coup d’envoi de la Coupe du monde de football, zoom sur ces mystérieux praticiens.

 

 
Dr Müller-Wohlfahrt : l’homme qui “plonge dans les muscles”

Brillant médecin pour les uns, gourou sulfureux pour les autres, l’Allemand Hans-Wilhelm Müller-Wohlfahrt, médecin du Bayern Munich et de l’équipe nationale, est un monstre sacré de la médecine sportive, aux méthodes parfois discutées mais prisées des plus grands champions et entraîneurs.

Toutes les stars du football allemand sont passées entre ses mains. Mais aussi des sportifs iconiques comme le sprinter Usain Bolt, ou le tennisman Boris Becker. La liste de ses patients est une anthologie du sport mondial et témoigne de l’importance de la médecine dans le sport moderne.

Diagnostic juste, dès le premier examen

Son passeport dit qu’il a 75 ans, mais on pourrait lui en donner quinze de moins. Et lorsqu’il jaillit du banc de touche pour aller soigner un joueur, sa longue crinière grise évoque bien plus les fantasques footballeurs des années 1970 que l’ambiance feutrée d’un cabinet médical du XXIe siècle.

Il passe les doigts sur la partie douloureuse, ferme les yeux, et écoute ses sensations : “Je vois avec les doigts”, affirme-t-il, “je plonge dans le muscle, je me repère dans l’anatomie et je peux dire s’il y a des lésions”.

“Ce qui m’impressionne le plus”, témoigne Joachim Löw, le sélectionneur de la Mannschaft championne du monde, “c’est sa capacité à formuler un diagnostic juste, dès le premier examen, avant de recourir aux radios et IRM modernes. Il fait cela avec ses mains, qui doivent avoir quelque chose de magique…”

Deuxième père

Magie ? Pas le moins du monde, répond celui que ses amis appellent Mull : “J‘ai diagnostiqué 35 000 blessures musculaires dans ma vie. J’ai acquis ces capacités par l’exercice quotidien, comme un pianiste ou un violoniste”.

“Le Doc est depuis longtemps un deuxième père pour moi”, avoue ainsi le jeune retraité Usain Bolt, le meilleur sprinteur de tous les temps. Le Jamaïcain n’avait que 16 ans lorsqu’il a rencontré le médecin : junior prometteur, il était alors perclus de douleurs dont aucun praticien ne trouvait la cause. Müller-Wohlfahrt a découvert une scoliose et l’a traitée. Le gamin des Caraïbes et le “grand-père” allemand se sont liés d’amitié. “Je peux l’appeler jour et nuit et si c’est nécessaire, il saute dans le premier avion pour venir me soigner“, assure Bolt, cité dans une biographie de Müller-Wohlfahrt qui vient de paraître en allemand.

Dans ses mémoires, Müller-Wohlfahrt consacre un chapitre entier à régler ses comptes, en termes durs, avec un coach dont il jugeait les méthodes dangereuses pour la santé des joueurs. “Administrer des anti-douleurs pour remettre un joueur sur pied, ce n’est pas mon style”, écrit Müller, “car je ne sous-estime jamais les symptômes et je n’essaie pas de les dissimuler”. “Je me suis décidé très tôt pour une médecine naturelle et contre les agents chimiques”, ajoute-t-il, “et pendant longtemps mes méthodes alternatives m’ont valu le rejet de mes confrères. Dans un monde de l’orthopédie qui était dominé par la chirurgie et la cortisone, on me regardait comme un renégat”.

Sang de veau

Son usage intensif d’Actovegin, un acide aminé à base de sang de veau, qu’il administre en infiltrations intra-musculaires, lui a aussi valu des railleries, voire des soupçons de charlatanisme. Les propriétés thérapeutiques du produit n’ont en effet jamais été démontrées par la science, et il n’est pas approuvé par la Food and Drug Administration des Etats-Unis, l’autorité qui délivre les autorisations d’usage des médicaments.

Müller-Wohlfahrt reconnaît lui-même être un “médecin empirique” et ne pas s’appuyer sur la recherche médicale, mais sur le retour d’expérience de ses patients. Il affirme d’ailleurs avoir testé sur lui-même absolument toutes ses formules.

Et quand ses pairs lui reprochent de n’avoir jamais publié le moindre article scientifique pour expliquer et démontrer les bienfaits de ses traitements, il rétorque qu’il n’a pas eu le temps. “Le travail auprès de mes patients a toujours été plus important“, dit-il.

 

“Docteur miracle” : les guérisons expresses d’Eduardo Santos

Il est Brésilien comme Neymar et son “transfert” de Saint-Pétersbourg à Shanghai a coûté un million d’euros d’indemnités à la formation chinoise. Mais comment travaille Eduardo Santos, spécialiste des guérisons expresses et adepte, depuis son séjour en Chine, de l’acupuncture ?

Premier médecin du foot “transféré” contre un million d’euros

“Dans mon programme de remise en condition, je mélange la méthode occidentale avec ce à quoi nous sommes habitués en Asie”, expose Eduardo Santos. “Je ne peux pas arriver en Chine et demander aux joueurs chinois, qui sont suivis par la médecine chinoise depuis leur enfance : Allez, quoi, oublie ce que tu fais d’habitude. Je n’aime pas ça”. Le spécialiste âgé de 38 ans, arrivé au Shanghai SIPG en tant que premier médecin du foot “transféré” contre une indemnité d’un million d’euros, y est devenu un adepte de l’acupuncture.

Crâne chauve et bouc bien taillé, le Brésilien est officiellement “responsable du département médical” du club de Shanghai, où il se félicite d’avoir la confiance de l’encadrement technique. Il y dispose aussi d’un staff étoffé de huit personnes, toutes chinoises en partie parce qu’il voulait apprendre à leur contact. Santos affirme avoir décliné des offres de poids lourds européens pour continuer à travailler en toute liberté au sein d’un SIPG “ouvert d’esprit”. A ses yeux, certains clubs européens n’accordent pas encore assez d’importance au développement de leur département médical.

Pour moi, c’est très, très étrange“, explique le médecin qui a notamment officié aux Pays-Bas. “Ils doivent investir dans leur équipe médicale, pas uniquement pour avoir les meilleures machines du monde. Ils ont besoin d’investir pour les personnes qui travaillent ici”.

Si son avis compte, c’est qu’il a quelques succès médicaux à son tableau de chasse. Prenez Hulk, le “Monsieur muscles” du football brésilien. “A une époque, il avait de nombreuses blessures, beaucoup de problèmes. En regardant Hulk, vous vous dites : Wow, c’est un joueur très fort. Mais il avait des muscles faibles, des mollets en mauvais état“, diagnostique Santos. “Il avait beaucoup de puissance au niveau des quadriceps”, à l’avant des cuisses, “mais rien dans les mollets. Nous avons donc commencé à rééquilibrer ses muscles après une évaluation personnelle, qui nous a permis de trouver le problème et d’établir le programme de guérison et de prévention. Et depuis ? Plus de problèmes” pour l’attaquant de 31 ans.

“Docteur miracle”

Ces résultats spectaculaires suscitent pour le moins de la méfiance de la part du milieu médical international. “Je suis un scientifique, je me base sur des travaux publiés”, explique par exemple le docteur Jean-Pierre de Mondenard. “S’il veut lever les doutes, il ne doit pas rester dans le mystère parce que c’est ce mystère qui entraîne les soupçons”.

Douteux ou pas, certains viennent de loin pour consulter celui que la presse française a surnommé, avec une pointe de suspicion, “docteur miracle” en 2015, quand il a remis sur pied le défenseur David Luiz en un temps record. Alors au PSG, le Brésilien voulait absolument disputer le quart de finale de Ligue des champions contre Barcelone malgré une blessure à un mollet. Et à la surprise générale, défiant tout diagnostic, il avait pu disputer 69 minutes du match aller et l’intégralité du retour… Sans pour autant éviter la sèche élimination du PSG.

“Nous ne faisons pas de miracles”, assure malgré tout Santos, sans pouvoir s’empêcher de rosir quand on lui rapporte le surnom de “docteur miracle”. “Je fais de la science, et bien sûr les résultats que j’ai sont très, très bons.”

 

Dr Marijana Kovacevic : la “guérisseuse” des Balkans

Son look est plus proche de celui de Lady Gaga que de celui d’une diplômée en pharmacie, mais c’est bien en tant que docteur que Marijana Kovacevic s’est fait une réputation. De charlatan surtout. Sur son site web, elle décrit son activité de guérisseuse : un massage à base de placenta et une machine à électrodes (construite il y a plusieurs décennies) qui envoie des ondes sur le muscle blessé. Un système qui ne fait pas vraiment l’unanimité chez ses collègues médecins. “Ce n’est ni plus ni moins qu’un effet placebo. Elle monte la température du muscle avec sa machine, ce qui provoque une vive douleur. Une fois son massage terminé, on ressent un soulagement. C’est une réaction physiologique normale. Cette femme ne calme que la douleur, mais elle n’accélère en rien la cicatrisation. Les Africains, ils y croyaient, mais bon, c’est des gens qui croient aux gris-gris, alors…”, explique Alain Castagne, qui a officié comme ostéopathe du Ghana.

Placenta de jument

Alors qu’il souffrait de problèmes récurrents à la cuisse, l’attaquant espagnol Diego Costa, qui portait à l’époque les couleurs de l’Atlético Madrid, s’était rendu à Belgrade chez la mystérieuse guérisseuse Marijana Kovacevic pour y recevoir des soins à base d’électrodes et de… placenta de jument. Un traitement qui avait cependant été insuffisant pour le remettre pleinement sur pied. Lors de la finale de la Ligue des champions, Diego Costa avait dû quitter ses partenaires de jeu au bout de neuf minutes en raison de ses douleurs musculaires.

Parmi ses anciens patients, on retrouve aussi des stars de la Premier League, comme le joueur de Manchester United Robin van Persie. Ce dernier avait tenté fin 2009 de guérir sous les mains de Kovacevic, mais la blessure du Néerlandais nécessitait de la chirurgie. L’entraîneur Rafael Benítez serait même enthousiaste des méthodes de Marijana et aurait tenté de l’enrôler dans son staff à l’époque où le coach espagnol officiait à Liverpool.

Vibrant hommage

La polémique trouve surtout sa source dans la nature du gel qui soignerait le muscle et qui accélérerait le processus de cicatrisation. La presse anglaise avait dénoncé l’utilisation de placenta animal, ce qui n’aurait aucune incidence sur la guérison. “Le traitement serait peut-être efficace pour un autre cheval, mais en aucun cas cela ne marcherait sur un être humain”, confirme un vétérinaire.

Aux dernières nouvelles, cette énigmatique pharmacienne a soigné l’équipe serbe de water-polo masculin aux JO à Londres. Le capitaine de la sélection Vanja Udovicic, qui a tout de même décroché la médaille de bronze, lui a rendu un vibrant hommage public à Belgrade : “Après toutes les blessures, je tiens vraiment à remercier Marijana Kovacevic qui est pour moi le plus grand des médecins.” Le site web de cette guérisseuse miracle précise que le traitement employé ne conduit pas à être contrôlé positif au dopage après un dépistage. Ce sera déjà ça de gagné vu le nombre de polémiques qui entourent sa médecine.

[Avec Lepoint.fr et Lemonde.fr]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : F. Na

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