C’est officiel. Le déremboursement des médicaments anti-Alzheimer vient d’être acté par sa publication au Journal officiel. Agnès Buzyn, co-signataire avec la HAS d’un avis défavorable en 2016 a maintenu ce cap en tant que Ministre de la Santé, malgré la pression des associations de malades. Elle explique en exclusivité pour Egora les raisons de ce déremboursement et les modalités de sa mise en place.

 

Egora : Marisol Touraine avait renoncé à dérembourser les médicaments anti-Alzheimer en 2016, malgré les recommandations de la HAS jugeant un SMR insuffisant. Pourquoi ce changement de cap ?

Agnès Buzyn : Le déremboursement des médicament anti-Alzheimer c’est l’abandon d’une prise en charge inefficace, les médicaments dont le SMR est insuffisant, pour se concentrer sur une prise en charge efficace : une prise en charge pluridisciplinaire adaptée, avec une coordination des professionnels de santé et un parcours organisé des malades. Il n’était pas possible de dérembourser les médicaments anti-Alzheimer tant que les outils de cette prise en charge non médicamenteuse n’étaient pas en place. Une nouvelle étape, importante, vient à cet égard d’être franchie : la Haute Autorité de santé, le 25 mai dernier, a émis des recommandations pour que le parcours de soin de tous les patients soit personnalisé, à chaque étape de leur maladie, avec un guide et des fiches pratiques pour “mettre en place un parcours de soins et d’accompagnement adapté” pour les patients souffrant d’Alzheimer et de maladies apparentées. Avec cette nouvelle étape, suffisamment d’outils sont maintenant en place pour que les conditions du déremboursement soient réunies.

 

Selon la HAS, ces médicaments présentent des effets indésirables importants. Pourquoi ne pas tous les retirer du marché ?

La HAS évoque en effet, dans son avis, d’importants problèmes de tolérance, et c’est un élément dont elle a tenu compte pour estimer que ces médicaments ont un SMR insuffisant. Mais la question du retrait du marché est une autre question. Dans notre système, l’accès au marché est contrôlé par l’ANSM (et l’agence européenne, l’EMA), dont le rôle est d’apprécier la sécurité des médicaments, en examinant leur rapport bénéfice/risque ; mais la HAS n’est pas sur les questions de sécurité, elle examine une autre question, en aval, celle de savoir si le médicament apporte quelque chose sur le plan thérapeutique et s’il mérite donc d’être remboursé. Un médicament peut être inutile, donc ne pas mériter d’être remboursé, sans être pour autant dangereux, donc retiré du marché. A ce stade, les médicaments anti-Alzheimer ont un SMR insuffisant, donc ne méritent pas d’être remboursés, mais leur rapport bénéfice/risque n’a pas été remis en cause, donc ils ne sont pas retirés du marché.

Que proposez-vous aux patients aujourd’hui suivis et qui n’auront plus de traitement demain ? Que dire à leurs aidants ?

Les soins dans le cadre de la maladie d’Alzheimer reposent avant tout sur une prise en charge pluridisciplinaire adaptée, non médicamenteuse. Et nous faisons beaucoup en la matière :

– pour améliorer la prise en charge des patients, le rôle des médecins généralistes dans le dépistage et l’accompagnement des personnes malades a été récemment renforcé. Ils disposent de plus nombreuses possibilités d’effectuer des consultations longues au domicile des patients, pour faire le point sur la maladie et s’assurer d’une prise en charge de qualité;

– l’accompagnement des aidants de personnes malades, dont le rôle est essentiel au quotidien, a en outre été renforcé, grâce à une augmentation continue du nombre de plateformes d’accompagnement et de répit qui leur apportent conseils et soutiens;

– les Équipes Spécialisées Alzheimer (ESA), qui permettent une prise en charge des patients à des moments clés de leur maladie, se développent par ailleurs sur l’ensemble du territoire. Et, par ailleurs, la recherche continue pour améliorer la prise en charge des malades et trouver de nouveaux traitements. La France consacre presque 1% du budget total de la recherche publique, soit environ 50M€ par an aux recherches sur les maladies neurodégénératives et la démence. C’est plus que ce que font le Canada, le Japon, le Royaume Uni ou l’Allemagne.

Concrètement, comment et quand le processus de déremboursement va-t-il se mettre en place ?

L’arrêté prononçant le déremboursement a été signé et publié au Journal officiel. Mais il n’entrera en vigueur que deux mois plus tard (au 1er août, Ndlr), pour laisser aux patients, avant que le déremboursement soit effectif, le temps de revoir leur médecin traitant, qui pourra leur expliquer les raisons de cette décision, et leur proposer de nouvelles actions en s’appuyant sur le guide parcours publié par la HAS. Par ailleurs les financements rendus disponibles par le déremboursement seront orientés vers les structures qui accueillent les malades et l’amélioration de leur prise en charge.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin

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