Ostéopathie

L’ostéopathie n’a été reconnue officiellement que récemment comme une thérapie complémentaire. Les principes qui la sous-tendent, – peu scientifiques -, de même que les risques parfois graves qui lui ont été associés, font que cette pratique a longtemps fait l’objet de scepticisme de la part des professionnels de santé, mais aussi du grand public. Cependant, avec sa reconnaissance et sa réglementation en 2002, et dans un contexte de défiance globale vis-à-vis des thérapeutiques traditionnelles, la profession est en plein essor. Et ce d’autant plus qu’elle propose des solutions non médicamenteuses et non chirurgicales pour un ensemble de pathologies fonctionnelles banales et très fréquentes. Alors, dans notre série sur les thérapies complémentaires et leur éclairage scientifique, réalisée à la suite de la tribune de 124 professionnels de santé anti “pseudo médecines à l’efficacité non prouvée”, voici le troisième épisode : l’ostéopathie.

 

Que dit la science sur cette discipline qui peut faire l’objet de titres et mentions autorisés sur les plaques et ordonnances des médecins ?

Les ostéopathes ont connu une très forte croissance démographique ces dernières années, le nombre de praticiens étant passé de 4 000 en 2002 à 26 000 aujourd’hui. En effet, c’est seulement en 2002 que la médecine manuelle – ostéopathie a été reconnue officiellement et réglementée au travers de la loi de 2002 (loi Kouchner) et des décrets de 2007. “L’usage professionnel du titre est réservé aux personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l’ostéopathie, délivrée par un établissement de formation agréée par le ministère chargé de la Santé. L’exercice de l’ostéopathie, de par la loi, est actuellement effectué par des professionnels de santé diplômés d’État (médecins, kinésithérapeutes, sages-femmes, infirmières) et par des professionnels issus d’écoles de formation spécifique agréées sans diplôme d’État” rappellent J.J. Renzulli et al. (Rev Fr Dommage Corp 2017-4,385-98). En conséquence, la formation des ostéopathes reste très hétérogène. Les indications de l’ostéopathie varient même d’une école à l’autre. “Certaines se limitent aux troubles touchant la colonne vertébrale et les membres ; d’autres incluent également des troubles digestifs, génitaux urinaires ou neuropsychiatriques” précisait ainsi une “Evaluation de l‘efficacité de la pratique de l’ostéopathie” publiée le 30 avril 2012 par l’Inserm (U 669), sous la direction de Caroline Barry et Bruno Falissard.

Les ostéopathes sont actuellement mieux connus du grand public et ont intégré les établissements hospitaliers. Cependant, si les Français sont de plus en plus nombreux à y avoir recours, leurs connaissances sur le sujet sont encore floues. Ainsi, selon un sondage de 2010 réalisé par OpinionWay pour le Syndicat de Médecine Manuelle-Ostéopathie de France (Smmof), plus de neuf sondés sur dix considèrent que l’ostéopathie permet essentiellement de soigner des problèmes de dos et 37 % des personnes interrogées croient que l’ostéopathie est réservée aux adultes.

Des effets indésirables parfois graves ont par ailleurs été rattachés à l’ostéopathie. Alors quelles sont les données scientifiques sur lesquelles repose la reconnaissance officielle des pratiques ostéopathiques ? Et celles en évaluant les risques ?

 

Trois principes fondamentaux

La Haute Autorité de Santé (HAS) n’a pas établi à ce jour de recommandations globales dans ce domaine.

L’Académie nationale de médecine, qui a publié le 5 mars 2013 un rapport sur les thérapies complémentaires, concède que l’ostéopathie se réclame «”d’une théorie simpliste et non dépourvue de base scientifique”, qui ne peut que “susciter la défiance des milieux scientifiques”. Il faut en effet rappeler que c’est un américain, Andrew Taylor Still, passionné d’anatomie, et déçu de la médecine traditionnelle, qui a élaboré la théorie fondatrice de l’ostéopathie, selon laquelle la guérison se trouve à l’intérieur même de notre corps. Les maladies seraient liées à un mauvais alignement des organes entrainant une “circulation difficile des fluides”. Et encore aujourd’hui “l’ostéopathie vise à comprendre les causes des symptômes du patient à partir d’une analyse des différents systèmes du corps humain dans leur ensemble. Il s’agit d’une approche dite “systémique” qui permet d’agir sur les troubles fonctionnels et sur les symptômes” résume le syndicat des ostéopathes, la Sfdo, sur son site osteopathe-syndicat.fr. Les principes fondamentaux de l’ostéopathie sont l’unité de fonction du corps humain, tant sur le plan biologique, émotionnel, que spirituel ; l’auto-défense, auto-régulation et auto-guérison ; et enfin, l’nterdépendance structure-fonction et fonction-structure.

Concrètement, l’ostéopathe réalise des actes de manipulations musculo-squelettiques et myofasciales, exclusivement manuelles et externes, pour “prévenir ou remédier à des troubles fonctionnels”. Il “effectue des actes de manipulations et mobilisations non instrumentales, directes et indirectes, non forcées” est-il précisé dans l‘article 1 du décret du 25 mars 2007. Les domaines d’intervention sont assez larges, regroupés en : ostéopathie vertébrale, crânienne, et viscérale.

 

Effet modeste sur les lombalgies

En 2006, un premier rapport de l’Académie nationale de médecine, sous la direction du Pr Louis Auquier avait mis en évidence que les manipulations vertébrales étaient les seules à avoir donné lieu à des publications analysables dans la littérature médicale. Plus tard en 2012, les conclusions du rapport de l’Inserm étaient similaires. Globalement, le nombre d’études comparatives et randomisées réalisées pour évaluer l’efficacité de l’ostéopathie était limité. “La plupart de ces études présentent de réelles limites méthodologiques (absence d’allocation des traitements en “aveugle”, critère d’efficacité subjectif, etc.)”, affirment les auteurs de l’Inserm. Ils soulignent cependant les difficultés à mener des études fiables, en particulier versus placebo, avec ce type de pratique. En outre, les résultats apparaissent inconstants : “certaines études ne montrent pas d’efficacité supérieure des manipulations ostéopathiques par rapport à un groupe contrôle bénéficiant, par exemple, de manipulation factices, d’un traitement médical classique ou de conseils hygiéno-diététiques. Certaines études montrent, elles, un intérêt modeste de l’ostéopathie en addition d’une prise en charge habituelle” détaillent les auteurs dans leur conclusion. Pour le Dr Isabelle Boutron, (Centre d’Épidémiologie Clinique, Hôpital Hôtel Dieu, Centre Cochrane Français, Inserm U 738, Université Paris Descartes), qui commentait ce texte, l’étude la plus importante concerne l’étude UK Beam Trial Team qui a randomisé 1334 patients ayant des lombalgies subaiguës pris en charge en médecine générale en quatre bras et un suivi à un an. Cette étude a montré une supériorité des manipulations versus la prise en charge courante.

En 2013, l’Académie de médecine a effectué une nouvelle revue de la littérature concernant les manipulations rachidiennes (MR). Une analyse dans PubMed a ainsi permis de recenser 250 références scientifiques supplémentaires apparues depuis 2006 sur ce thème. 200 portaient la mention d’études contrôlées randomisées. Sept revues Cochrane ont été publiées. Concernant l’effet des manipulations rachidiennes spécifiquement utilisées contre les lombalgies, qu’elles soient aigues ou chroniques, deux revues Cochrane ont été réalisées. La première (Assendelft W.J. et al. Cochrane Data Syst Rev, 2004 jan 30, CD000447) portait sur 39 essais contrôlés et randomisés (ECR). Elle concluait à une supériorité des MR uniquement par rapport à la manipulation simulée, avec une différence de 10 mm sur une EVA de 100 mm, et aux “thérapies jugées inefficaces”. Mais aucun avantage statistique ou clinique n’était mis en évidence par rapport aux antalgiques, à la thérapie physique, aux exercices ou à l’école du dos. Le fait que la MR soit effectuée isolément ou en association n’influençait pas le résultat. La deuxième revue (Rubinstein S.M. et al. Spine, 2011, 36(13), 825-846) a porté sur 26 essais publiés jusqu’en 2009, dont les 2/3 n’étaient pas inclus dans l’analyse précédente. Les auteurs ont alors montré, avec un haut niveau de preuve, que la MR a un effet à court terme sur la douleur et l’état fonctionnel, mais que cette action est peu importante et non cliniquement pertinente. Lorsque la MR était associée à une autre intervention, le niveau de preuve devenait variable. Et il n’y avait aucune preuve que la MR n’était pas plus efficace que la manipulation simulée. Une revue relative à la lombalgie aiguë a inclus 14 essais contrôlés randomisés (Dagenais S. et al. Spine, 2010, 10(10), 918-940). Ses conclusions vont dans le même sens en montrant que, comparée aux traitements de référence (médicaments, exercices) ou à la MR simulée, la MR apparait, la plupart du temps, d’efficacité équivalente sur la douleur et la fonction.

Pour les auteurs du rapport de l’Académie, ces données montrent que “que la MR est, pour le traitement de la lombalgie, principalement aiguë ou subaiguë, d’efficacité équivalente ou légèrement supérieure aux traitements d’usage courant, mais seulement dans le court terme et pour un bénéfice finalement très modeste”.

 

Efficacité sur les cervicalgies et les céphalées d’origine cervicale à court terme

Autre domaine phare de l’ostéopathie, les manipulations cervicales et thoraciques. Une revue Cochrane publiée en 2010 (Gross A., et al. Cochrane Data Syst Rev, 2010 may12, CD004249) a recensé la littérature jusqu’en 2009. Elle a mis en évidence, qu’en cas de cervicalgie subaiguë ou chronique, la manipulation cervicale a un effet sur la douleur et la fonction, sur le court terme. La manipulation thoracique, comme thérapeutique additionnelle, pouvait aussi avoir un tel effet. Cependant, “dans les deux cas le niveau de preuve était faible”, précise le rapport de l’Académie. Par la suite, un essai contrôlé randomisé, publié en 2012 dans la prestigieuse revue “Annals of Internal Medicine” (Bronfort G., et al Ann Intern Med, 2012, 156(1), 1-10), et qui a porté sur 272 patients souffrant d’une cervicalgie aigue ou chronique, a renforcé les conclusions précédentes, en montrant que la MR était plus efficace sur la douleur que le médicament, avec une différence significative à tous les temps de l’étude. Mais il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre résultats des MR et des exercices.

Concernant les céphalées, une revue Cochrane de 2003 analysant 32 études, concluait, avec un bon niveau de preuve, que la manipulation rachidienne était aussi efficace que l’amytriptiline sur la prévention des migraines. Une revue de 2011 (Posadski D., et al. Cephalgia, 2011, 31(8), 964-970) est moins affirmative : sur trois essais contrôlés randomisés retenus (jugés de faible qualité méthodologique), un seul montrait un effet par comparaison au traitement de référence.

Sur les céphalées de tension, la revue Cochrane concluait que la MR était aussi efficace que l’amytriptiline à court terme mais uniquement après cessation de la crise. Mais les données manquent dans ce domaine : la plus récente revue datant de 2006, et ne mettant pas en évidence de preuve rigoureuse. Concernant les céphalées d’origine cervicale, la MR apparaissait efficace à court et à long terme par rapport à l’absence de traitement, au massage, au placebo de manipulation, et à un moindre degré à la mobilisation cervicale ; ces conclusions allant dans le même sens qu’une autre revue de la littérature (Posadski D., et al Headache, 2011, 51(7), 1132-1139) portant sur neuf essais contrôlés randomisés (de qualité méthodologique dans l’ensemble faible), dont sept montraient les MR étaient plus efficaces que les autres traitements. Enfin une revue et deux essais ultérieurs suggèrent l’efficacité de certaines manipulations sur les états vertigineux d’origine cervicale.

 

Pas de preuve d’efficacité dans les autres domaines d’action des manipulations rachidiennes

Les MR peuvent être employées pour traiter d’autres pathologies. Ces situations ont été bien moins étudiées par des méta-analyses. Les études existantes concluent à l’inefficacité ou à l’absence de preuve d’efficacité des MR, que ce soit pour l’asthme, la dysménorrhée, la douleur abdominale de l’enfant, ou encore l’épicondylite. De même, certains essais cliniques ont porté sur des pathologies diverses telles que l’épaule douloureuse, l’entorse de cheville, la fibromyalgie, les suites d’arthroplastie de la hanche ou du genou, la dysfonction temporo-mandibulaire, mais aussi la dépression post-ménopausique, le côlon irritable, la bronchopneumopathie obstructive, les pneumonies… “Ils donnent une idée du champ d’interventions que se propose l’ostéopathe, plus qu’ils ne contribuent à en asseoir la légitimité” considèrent les académiciens dans leur rapport de 2013.

L’évaluation de l’Inserm de 2012 va dans le même sens. Ainsi, concernant les indications autres que vertébrales, “les études sont trop rares et/ou possèdent des limites méthodologiques trop importantes pour que des conclusions fiables puissent être proposées. Dans tous les cas l’efficacité de l’ostéopathie apparaît au mieux modeste”.

 

Ostéopathie crânienne : des données trop hétérogènes

Autre domaine d’activité, l’ostéopathie crânienne, réalisée après fermetures des sutures crâniennes. L’ensemble des données vont dans le sens de l’absence de preuve de son efficacité. Ainsi, une revue de la littérature de 2011 (Jakel A., et al. J Am osteopath Assoc, 2011, 111(12), 685-693), fondée sur l’analyse de sept essais cliniques, est en faveur d’un effet positif sur la diminution des douleurs, le système nerveux autonome et le sommeil ; cependant les données apparaissent trop hétérogènes, et insuffisantes pour conclure. Seul point positif, l’ostéopathie crânienne pourrait être utile en traitement complémentaire de la plagiocéphalie posturale, quand la déformation s’aggrave malgré les postures préventives et la physiothérapie standard. “Quoiqu’il en soit l’ostéopathie “préventive” n’est pas justifiée et l’ostéopathie n’a pas sa place dans le traitement de la craniosynostose [fusion prématurée d’une ou plusieurs sutures crâniennes, entrainant une forme anormale du crâne, ndlr]” complète de rapport de l’Académie.

 

Ostéopathie viscérale : pas d’étude fiable

Enfin, certaines écoles pratiquent ce que l’on appelle l’ostéopathie viscérale, et qui correspond, en fait à des thérapies manuelles focalisées sur différents organes : au niveau cervical (trachée…), thoracique (cœur, poumons, plèvre, œsophage, une partie de l’estomac et du foie…), abdominal (organes digestifs), du bassin (organes uro-génitaux). Il s’agit de redonner de la mobilité aux viscères afin qu’ils retrouvent un fonctionnement normal. Une étude récente a été réalisé par le Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique et Science (Cortec) (Guillaud A et al. BMC Complementary and Alternative Medicine. 2018 18:65). Une analyse de la littérature a été mené jusqu’en décembre 2017. Huit études de fiabilité et six études d’efficacité ont été incluses. Il en ressort qu’il n’existe pas de preuves solides et bien menées sur la fiabilité et l’efficacité des techniques en ostéopathie viscérale.

 

Des risques reconnus

L’ensemble des experts s’accordent pour dire que les risques liés aux manipulations du rachis sont peu fréquents mais sévères, et doivent appeler à la plus grande vigilance. « Bien qu’une prescription médicale soit nécessaire pour certains actes – manipulation du rachis cervical, par exemple – on déplore chaque année des complications liées à ces gestes », affrmait ainsi le Dr Philippe Vautravers (CHU Haute-Pierre, Strasbourg) à l’occasion des Entretiens de Bichat 2014.  Pour les plus graves, il s’agit principalement de lésions vasculaires à type de dissection des artères vertébrales ou carotidienne, d’accidents vasculaires cérébraux… Ces risques sont connus et reconnus depuis longtemps. En 1997, la Société française de médecine manuelle orthopédique et ostéopathique (Soffmoo) a ainsi publié des recommandations sur la “Prévention des accidents vertébro-basilaires après manipulation cervicale”. Elle a estimé à environ un cas sur un million de manipulations, le nombre de ces accidents. “Il est probable qu’il existe des cas mineurs, comportant simplement un état vertigineux ou nauséeux pendant deux à trois jours après la manipulation, l’ensemble régressant spontanément” ajoutent les spécialistes. Ces cas pourraient correspondre à un simple spasme vasculaire. “Ils ont cependant valeur d’alerte et doivent rendre prudent quant aux modalités d’un traitement ultérieur”. Dans l’expertise de l’Inserm, le chiffres apparaissent supérieurs : des effets indésirables transitoires qualifiés de “non graves” (aggravation de la douleur essentiellement) seraient ressentis par 30 à 60% des patients. Les estimations de l’incidence des accidents vertébro-basilaires par manipulation cervicale variaient d’un facteur 100 : de 1 cas pour 400 000 à 1 cas pour 5,8 millions. Ces risques semblent survenir préférentiellement chez des femmes de moins de 50 ans, et sont probablement en rapport avec des modifications anatomiques prédisposantes. Les auteurs des recommandations insistent donc sur la nécessité de rechercher des facteurs de risque par l’interrogatoire et un examen neurologique simple. Ils contre-indiquent les manipulations lorsque la douleur pour laquelle le patient est venu consulter ne peut être rapportée au rachis cervical. “En particulier, il est inacceptable que des patients venus pour une lombalgie voient leur rachis cervical manipulé sous des prétextes divers et contestables” précise la Sofmmoo. Enfin, les membres de cette société recommandent de ne pas “recourir aux manipulations cervicales rotatoires chez la femme de moins de 50 ans”. Pour les académiciens, les limitations imposées par les lois de 2007 et 2011, sont justifiées et doivent être maintenues.  Ils concluent “on peut estimer […] que les manipulations rachidiennes peuvent se montrer modérément efficaces sur la lombalgie aiguë, subaiguë ou chronique, sur la cervicalgie aiguë, subaiguë ou chronique, sur la céphalée d’origine cervicale, les états vertigineux d’origine cervicale, et à un moindre degré sur la migraine Les complications possibles des manipulations cervicales sont rares, mais graves. Leur effet est incertain sur la céphalée de tension”.

 

Références :
– Académie nationale de médecine. Thérapies complémentaires – acupuncture, hypnose, ostéopathie, tai-chi – leur place parmi les ressources de soins. Rapport du 5 mars 2013.
– Inserm. « Evaluation de l‘efficacité de la pratique de l’ostéopathie ». 30 avril 2012 par l’Inserm (U 669), sous la direction de Caroline Barry et Bruno Falissard.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche


Acupuncture

124 professionnels de santé ont dénoncé dans une tribune publiée dans Egora, les “pseudo médecines à l’efficacité non prouvée”, à savoir les médecins alternatives ou complémentaires. Ils y appellent, entre autres à “encourager les démarches d’informations sur la nature des thérapies alternatives, leurs effets délétères, et leur efficacité réelle”. Pour éclairer les débats, Egora a décidé de faire le point sur les quatre médecines alternatives et complémentaires” officiellement reconnues par de Conseil national de l’Ordre : l’ostéopathie, l’homéopathie, l’acupuncture et la mésothérapie. Que dit la science sur ces disciplines qui peuvent faire l’objet de titres et mentions autorisés sur les plaques et ordonnances des médecins ? Premier épisode : l’acupuncture.

 

Pour la plupart des traitements non conventionnels, le manque de données empêche toute évaluation sérieuse. “Ça n’est définitivement pas le cas en ce qui concerne l’acupuncture”, notent les auteurs d’une synthèse de la littérature, publiée par l’Inserm en 2014 (Inserm U669). De fait, une recherche sur pubmed avec les mots clés acupuncture et clinical trial fait apparaître plus de 6 000 occurrences et les essais cliniques sur l’acupuncture ont fait l’objet de plusieurs centaines de méta-analyses et revues de la littérature. Cependant les travaux de bonne qualité scientifique sont beaucoup plus rares.

Les applications obstétricales de l’acupuncture illustrent bien cet écart. Une revue de la littérature récente a mis en évidence 11 492 études sur ce sujet, dont 16 seulement répondaient aux critères d’inclusion (Bergamo TR et coll. Acupunct Med. 2018). A l’issue de leur analyse, les auteurs estimaient que l’acupuncture peut être utilisée pour soulager les douleurs de l’accouchement, favoriser la version en cas de présentation du siège, prendre en charge les lombalgies, mais que les données sont insuffisantes pour la recommander dans d’autres indications comme les nausées et les vomissements du 1er trimestre ou l’induction du travail. Une équipe allemande a retenu 5 revues systématiques et 3 essais randomisés de bonne qualité sur la prise en charge des troubles liés à la grossesse et  conclu à un effet bénéfique de l’acupuncture sur les douleurs pelviennes et les lombalgies, les nausées, les limitations fonctionnelles et la qualité du sommeil, mais avec de faible effectifs et des résultats hétérogènes (Buchberger B . Int J Gynaecol Obstet. 2018)

La Cochrane s’est, bien sûr, penchée sur ce sujet, pour en déduire, mais toujours avec prudence, que l’acupuncture est efficace pour la prise en charge des douleurs pelviennes liées à la grossesse (Liddle SD. Cochrane Database Syst Rev. 2015) et des douleurs de l’accouchement (Jones L.Cochrane Database Syst Rev. 2012), et qu’elle améliore la maturation du col lorsqu’elle est utilisée pour l’induction du travail, mais sans modifier les taux de césarienne ou de manœuvres instrumentales, ni le recours à l’ocytocine, par rapport à des soins standards ou à une acupuncture simulée (Smith C.A. Cochrane Database Syst Rev. 2017). Une revue récente concluait à l’absence d’effet significatif de l’acupuncture traditionnelle ou sur le point P6 du poignet sur les nausées et vomissements (Matthews A Cochrane Database Syst Rev. 2015).

Ces analyses contradictoires soulignent à quel point les données restent fragiles. Dans une mise à jour publiée en 2010, le Collège national des gynécologues obstétriciens français (Cngof) considérait que, mis à part pour les nausées et vomissements gravidiques, “les essais thérapeutiques de qualité manquent pour permettre aujourd’hui de statuer”, les bénéfices thérapeutiques observés étant très probablement liés, au moins en partie, à un effet placebo. Quelle que soit l’indication, l’évaluation est compliquée par un effet placebo puissant, attesté par de nombreuses études et d’autant plus difficile à exclure qu’un double aveugle est difficile, même avec des aiguilles permettant une acupuncture factice. Si les essais contrôlés par rapport à l’absence d’intervention montrent souvent un effet très significatif de l’acupuncture, les résultats sont, au mieux, très modestes quand la comparaison est faite par rapport à une acupuncture fictive. Ainsi une étude suédoise de bonne qualité avait montré l’efficacité de l’acupuncture, en association au traitement standard, par rapport au seul traitement standard pour la prise en charge des douleurs pelviennes au cours de la grossesse (Helden H et coll, BMJ 2005). La même équipe a répété cette étude, mais avec cette fois un groupe contrôle recevant une acupuncture fictive (Helden H et coll, BJOG 2008).  Les scores de douleur étaient identiques dans les deux groupes.

 

Migraine : des résultats positifs mais probablement modestes

Dans quatre essais sur la migraine où l’acupuncture était comparée à l’absence d’acupuncture la fréquence des crises était diminuée de moitié chez 41 % des patients traités par acupuncture, mais 17 % seulement chez les autres (Linde K et coll. Cochrane Database Syst Rev. 2016). Cependant dans les 15 essais contrôlés par rapport à une acupuncture fictive, l’écart était beaucoup plus modeste (50% contre 41 %), quoique significatif, conduisant les auteurs à conclure que l’acupuncture peut être considérée comme une option thérapeutique pour les patients qui ne sont pas hostiles à ce traitement.

 

Lombalgie : des résultats non significatifs vs acupuncture fictive

Les lombalgies communes offrent une autre illustration de l’importance de l’effet placebo, souligné notamment par une métaanalyse de 7 essais comparant acupuncture fictive et soins standards (Xiang Y et coll. J.Pain Res.2017). Une équipe internationale a examiné par IRM des patients lombalgiques au cours de séances d’acupuncture réelles ou “fantômes” n’entraînant aucun stimulus tactile (Makary MM et coll. Sci.Rep.2018). Les patients qui pensaient avoir été réellement piqués, bien qu’ayant eu une acupuncture fantôme, bénéficiaient d’un effet analgésique significatif, associé à une activation du cortex préfrontal, déjà mis en évidence dans l’effet placebo.

Une revue systématique déjà ancienne de la Cochrane (Furlan AD et coll.Cochrane Database Syst Rev 2006), indiquait que l’acupuncture est plus efficace qu’un placebo pour soulager les lombalgies chroniques, mais les différences n’étaient généralement pas significatives quand l’efficacité était comparée à celle d’une acupuncture fictive. En ce qui concerne les lombalgies aiguës, les auteurs jugeaient les preuves insuffisantes pour conclure. Dans ses dernières recommandations (2016), le National Institute for Health and Clinical Excellence (Nice) britannique préconise de ne pas proposer l’acupuncture dans la prise en charge des lombalgies, avec ou sans sciatique. Elle revient ainsi sur son précédent avis.

Une métaanalyse réalisée par l’Acupuncture Trialists’ Collaboration indique, néanmoins, un effet significatif de l’acupuncture par rapport à une acupuncture fictive sur les douleurs liées à l’arthrose, aux céphalées et aux troubles musculo-squelettiques, conduisant les auteurs à considérer que l’acupuncture est une option thérapeutique “raisonnable” dans les douleurs chroniques (Vickers AJ et coll. J.Pain, 2017). Mais ce type de travail est-il réellement crédible ?  Le rapport de l’Inserm pointait le fait que face à la grande hétérogénéité des études publiées les méta-analyses trouvent leurs limites. “On ne sait pas véritablement conclure alors que des données sont disponibles”, résumait les auteurs.

 

Une positivité par rapport à l’absence de soins

D’autres revues de la Cochrane concernant, par exemple, la schizophrénie (2014), la dépression (2018), l’insomnie (2012), les céphalées de tension (2016), ou le sevrage tabagique (2014), conduisent à des conclusions voisines.

“Pour bon nombre de douleurs chroniques, pour traiter des nausées et vomissements, on peut affirmer avec suffisamment de certitude que l’acupuncture a une efficacité supérieure à une absence de soin”, estiment les auteurs du rapport de l’Inserm, mais, ajoutent-ils, “il est impossible de dire aujourd’hui si l’acupuncture, quelle que soit l’indication, est plus efficace quand elle est réalisée “dans les règles de l’art”, ou quand elle est réalisée dans des zones de piqûre aléatoires, voire en simulant purement et simplement les piqûres”. L’Académie de médecine , dans son rapport sur la place parmi les techniques de soins des thérapies complémentaires (2013) estimait, elle aussi, que l’acupuncture peut être bénéfique aux patients souffrant de lombalgies ou cervicalgies chronique, migraines ou céphalée de tension, arthrose, épicondylite, aux femmes enceintes éprouvant des douleurs lombaires ou du bassin, lors des douleurs de l’accouchement, pour prévenir les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie anticancéreuse, mais en ajoutant que “l’effet placebo est le mécanisme d’action de l’acupuncture le plus plausible”.

 

Un acte remboursé

La classification commune des actes médicaux (CCAM) prend en compte la séance d’acupuncture, le prix de l’acte étant fixé à 18 euros. Les indications retenues, après avis de la HAS, sont, en traitement adjuvant et de deuxième intention, chez l’adulte, : nausées et vomissements en alternative thérapeutique, antalgique en association à d’autres traitements, syndrome anxiodépressif, en association avec un programme de prise en charge globale, aide au sevrage alcoolique et tabagique.
Peu de recommandations de bonne pratique de l’HAS, déjà anciennes, mentionnent l’acupuncture. Celle-ci est éventuellement recommandée comme traitement adjuvant de la douleur chronique dans la polyarthrite rhumatoïde (mars 2007), pour les nausées pendant la grossesse (avril 2005), les céphalées chroniques quotidiennes, couplée au sevrage (septembre 2004), les lombalgies chroniques (décembre 2000).

 

Acupuncteurs légaux et hors la loi

L’acupuncture peut être réalisée par les médecins ayant un DIU ou une capacité d’acupuncture, mais aussi par les sages-femmes ayant un DIU d’acupuncture obstétricale. Pour ces dernières la pratique de l’acupuncture est bien sûr réservée aux soins pré et post-nataux et à l’accouchement, ainsi qu’au suivi gynécologique de prévention. Un Centre intégré de médecine chinoise a été créé au Groupe Hospitalier Universitaire, La Pitié Salpêtrière – Charles Foix, afin de contribuer à l’évaluation de l’acupuncture et des autres techniques de médecine chinoise.
Un rapport de la Drees comptait 3 442 médecins exerçant l’acupuncture en 2011 (Daniel Sicard « Les médecins au 1er janvier 2011 »)
L’assurance maladie fait état d’un peu plus de mille médecins acupuncteurs, tandis que la consultation du Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) en indique 1864.
Il est probable qu’un certain nombre de personnes, non médecins par exemple, pratiquent l’acupuncture en dehors de ces règles. En 2012, le Dr Michel Fauré, président du Syndicat national des médecins acupuncteurs français (Snmaf) estimait entre 4 000 et 6 000 le nombre de personnes pratiquant l’acupuncture de manière illégale en France.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Chantal Guéniot

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Homéopathie : l’étude EPI 3 prouve son efficience

Le leader mondial de l’homéopathie, Boiron, vient de présenter les résultats d’une vaste étude attestant de l’intérêt de l’homéopathie dans la pratique médicale. Ce travail a fait l’objet de onze publications dans des revues scientifiques internationales. Et cette méthode thérapeutique fait aussi son entrée à l’hôpital, où les consultations se multiplient, notamment dans les soins de support en oncologie.

 

 

L’homéopathie vient de se retrouver accusée une nouvelle fois d’inefficacité et de ne pas avoir plus de valeur thérapeutique qu’un placebo dans un rapport du Conseil scientifique des Académies des sciences européennes publié le 20 septembre, compilant les nombreuses recherches déjà réalisées sur le sujet. Alors que sortait cette publication, le leader mondial de l’homéopathie, les laboratoires Boiron, avait invité de longue date la presse les 3 et 4 octobre sur son nouveau site de Messimy (69) pour présenter les résultats définitifs d’une étude de pharmaco-épidémiologie de vaste ampleur réalisée en médecine générale en France. Cette étude commanditée par Boiron, baptisée EPI 3, montre que l’homéopathie s’inscrit dans le quotidien de nombreux médecins. Elle est efficiente et présente un intérêt majeur de santé publique.

 

 

EPI 3 a été conduite de 2005 à 2012 pour répondre à la demande des autorités de santé. S’il a été réalisé à l’initiative des laboratoires Boiron, financé par lui – à hauteur de 6 millions d’euros, ce programme a été coordonné par un cabinet totalement indépendant (Laser), dirigé par le Pr Lucien Abenhaïm, ancien directeur général de la Santé, et supervisé par un comité scientifique, présidé par le Pr Bernard Bégaud, pharmacologue (université Bordeaux-II et U 657 Inserm), et comprenant des personnalités loin du monde homéopathique. L’étude a fait l’objet de onze publications dans des revues scientifiques internationales, entre 2011 et 2016 (1-11, voir encadré).

L’étude a mobilisé 825 médecins et 8559 patients de 2005 à 2012, et portait sur trois indications : les infections des voies aériennes supérieures (IVAS), les douleurs musculo-squelettiques (DMS) et les troubles anxio-dépressifs et du sommeil (SAD), pathologies qui représentent 50% des consultations chez les médecins généralistes en France. Elle montre que, dans ces trois domaines thérapeutiques, les patients soignés par homéopathie présentent la même évolution clinique et un taux de complications comparable que les patients soignés de manière conventionnelle. Mais avec une consommation de médicaments deux fois moindre (voire trois fois moindre pour ce qui est des psychotropes). Ainsi, sur douze mois chez les patients souffrant de DMS aigus et chroniques, les bénéfices cliniques et l’évolution de la douleur étaient comparables, mais les patients suivis par un médecin homéopathe avaient une probabilité de consommer des AINS de 48% inférieure à des patients suivis par des médecins allopathes. Et les patients ayant des douleurs chroniques avaient une probabilité de consommer des AINS 60% inférieure et étaient donc moins exposés aux effets secondaires. Par ailleurs, évalué par le questionnaire SF-12, le score de qualité de vie des patients est globalement identique, quelle que soit la prise en charge. Et l’étude note qu’un patient suivi par un médecin homéopathe coûte 35% de moins à la Sécurité Sociale, en prenant en compte le coût de la consultation et celui de la prescription.

Ceci étant, l’étude relève que “les médecins homéopathes ont davantage de patientes, avec un niveau d’éducation plus élevé, moins de fumeurs. Leur patientèle valorise davantage sa propre participation aux soins et a une approche généralement plus holistique de la santé. Leur patientèle a davantage de pathologie articulaire, d’anxiété et de dépression, et moins de pathologie cardiovasculaire”.

 

La place de l’homéopathie en médecine générale

L’étude EPI 3 a exploré également les déterminants socio-démographiques et médicaux des patients selon la pratique de leur médecin. Les données de l’étude montrent que le médecin homéopathe était le médecin traitant de 57 % des patients qu’il recevait, cette part étant respectivement de 83 % pour les médecins à pratique “mixte” et 84 % pour les médecins de pratique conventionnelle. Un médecin sur cinq considéré comme “conventionnel” a en réalité une pratique “mixte” et prescrit des médicaments homéopathiques quotidiennement à ses patients. A l’inverse, les médecins homéopathes ne sont pas “exclusifs” et utilisent tout l’arsenal thérapeutique même si, en première intention, ils ont un recours privilégié aux médicaments homéopathiques. Les médecins homéopathes sont plus souvent des femmes, exerçant plus volontiers en secteur 2.

A la suite des premiers résultats de cette vaste étude, Valérie Lorentz-Poinsot, directrice générale déléguée de Boiron, souligne que “nous avons été étonnés d’avoir d’aussi bons retours”. Cette étude “montre que la médecine homéopathique est efficace. Les médecins recourant à l’homéopathie font une médecine qui permet de bien soigner”.

 

Une entrée à l’hôpital

Je suis dans l’entreprise depuis 47 ans et les détracteurs de l’homéopathie disent toujours le même type de choses”, a relevé le directeur général de l’entreprise familiale, Christian Boiron, interrogé sur ces critiques. “Je ne leur en veux pas parce qu’ils critiquent l’homéopathie, mais parce qu’ils la critiquent de manière insuffisamment fondée.”  Les résultats d’EPI 3 ont encouragé Boiron à défricher de nouveaux domaines pour ses traitements. L’homéopathie fait ainsi son entrée à l’hôpital dans les soins de support en oncologie. Un premier test d’accompagnement de patientes ayant un cancer du sein, et souffrant de douleurs articulaires liées à leur traitement par hormonothérapie, a donné des résultats encourageants (12) et va donner lieu à un essai plus vaste à l’Institut de cancérologie Jean Godinot de Reims. “Dans plusieurs hôpitaux, des consultations d’homéopathie ont été mises en place et les oncologues, autrefois réticents, sont de plus en plus nombreux à comprendre l’intérêt de cette pratique”, a souligné le Dr Emmanuel Berland, oncologue radiothérapeute (CH de Chambéry).

 

Références :
1. ROSSIGNOL M.; BEGAUD B.; AVOUAC B.; LERT F.; ROUILLON F.; BENICHOU J.; MASSOL J.; DURU G.; MAGNIER A.M.; GUILLEMOT D.; GRIMALDI-BENSOUDA L.; ABENHAIM L. Who seeks primary care for musculoskeletal disorders (MSDs) with physicians prescribing homeopathy and other complementary medicine ? Results form the EPI3-LASER survey in France. BMC Musculoskeletal Disorders, 2011, 12:21 doi:10.1186/1471-2474-12-21 ; 1-6.”
2. ROSSIGNOL M.; BEGAUD B.; AVOUAC B.; LERT F.; ROUILLON F.; BENICHOU J.; MASSOL J.; DURU G.; MAGNIER A.M.; GUILLEMOT D.; GRIMALDI-BENSOUDA L.; ABENHAIM L. Benchmarking clinical management of spinal and non-spinal disorders using quality of life. Results from the EPI3-LASER survey in primary care. European Spine Journal, 2011, doi:10.1007/s00586-011-1780-z ; 1-7.
3. GRIMALDI-BENSOUDA L.; BEGAUD B.; LERT F.; ROUILLON F.; MASSOL J.; GUILLEMOT D.; AVOUAC B.; DURU G.; MAGNIER A.M.; ROSSIGNOL M.; ABENHAIM L.; EPI3-LA-SER group. Benchmarking the burden of 100 diseases. Results of a nationwide representative survey within general practices. BMJ Open, 2011, 1:e000215. doi:10.1136/bmjopen-2011-0002 ; 1-11.
4. GRIMALDI-BENSOUDA L. ; ENGEL P.; MASSOL J.; GUILLEMOT D.; AVOUAC B.; DURU G.; LERT F.; MAGNIER A.M.; ROSSIGNOL M.; ROUILLON F.; ABENHAIM L.; BEGAUD B.; EPI3-LA-SER group. Who seeks primary care for sleep, anxiety and depressive disorders from physicians prescribing homeopathic and other complementary medicine? Results from the EPI3 population survey. BMJ Open, 2012, 2(6): e001498. doi: 10.1136/bmjopen-2012-001498. ; 1-10.”
5. LERT F.; GRIMALDI-BENSOUDA L.; ROUILLON F.; MASSOL J.; GUILLEMOT D; AVOUAC B.; DURU G.; MAGNIER A.M.; ROSSIGNOL M.; ABENHAIM L.; BEGAUD B.; EPI3-LA-SER Group. Characteristics of patients consulting their regular primary care physician according to their prescribing preferences for homeopathy and complementary medicine. Homeopathy, 2014, 103(1) ; 51-57.
6. ROSSIGNOL M.; BEGAUD B.; ENGEL P.; AVOUAC B.; LERT F.; ROUILLON F.; BENICHOU J.; MASSOL J.; DURU G.; MAGNIER A.M.; GUILLEMOT D.; GRIMALDI-BENSOUDA L.; ABENHAIM L.; EPI3-LA-SER group. Impact of physician preferences for homeopathic or conventional medicines on patients with musculoskeletal disorders. Results from the EPI3-MSD cohort. Pharmacoepidemiology and Drug Safety, 2012, 21(10) : 1093-1101. doi:10.1002/pds. 3316 ; 1-9.
7. GRIMALDI-BENSOUDA L.;ABENHAIM L.; MASSOL J.; GUILLEMOT D.; AVOUAC B.; DURU G.; LERT F.;MAGNIER A.M.; ROSSIGNOL M.; ROUILLON F.; BEGAUD B.; EPI3-LA-SER Group. Utilization of psychotropic drugs by patients consulting for sleeping disorders in homeopathic and conventional primary care settings: the EPI3 cohort study. Homeopathy. 2015 Jul;104(3):170-5.
8. GRIMALDI-BENSOUDA L.; BEGAUD B.; ROSSIGNOL M.; AVOUAC B.; LERT F.; ROUILLON F.; BENICHOU J.; MASSOL J.; DURU G.; MAGNIER A.M.; ABENHAIM L.; GUILLEMOT D Management of upper respiratory tract infections by different medical practices, including homeopathy, and consumption of antibiotics in primary care: the EPI3 cohort study in France 2007-2008. PLoS ONE, 2014, 9(3) doi: 10.1371/journal.pone.0089990. eCollection 2014 ; 6 p.”
9. “DANNO K.; JOUBERT C.; DURU G.; VETEL J.M. Physician practicing preference for conventional or homeopathic medicines in elderly subjects with musculoskeletal disorders in the EPI3-MSD cohort. Clinical Epidemiology, 2014, 6 ; 333-341.
10. COLAS A.; DANNO K.; TABAR C.; EHRETH J.; DURU G. Economic impact of homeopathic practice in general medicine in France. Health Econ Rev. 2015 Dec;5(1):55. doi:10.1186/s13561-015-0055-5.
11. « GRIMALDI-BENSOUDA L, ABENHAIM L, MASSOL J, GUILLEMOT D, AVOUAC B, DURU G, LERT F, MAGNIER AM, ROSSIGNOL M, ROUILLON F, BEGAUD B; EPI3-LA-SER group. Homeopathic medical practice for anxiety and depression in primary care: the EPI3 cohort study. BMC Complement Altern Med. 2016 May 4;16(1):125. doi:10.1186/s12906-016-1104-2.
12. Karp JC, Sanchez C, Guilbert P, Mina W, Demonceaux A and Curé H. Treatment with Ruta graveolens 5CH and Rhus toxicodendron 9CH may reduce joint pain and stiffness linked to aromatase inhibitors in women with early breast cancer: results of a pilot observational study. Homeopathy. 2016. 105 (4) : 299-308.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Philippe Massol

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Mésothérapie

La mésothérapie a été développée, dans les années 1950, par le Dr Michel Pistor, à la suite d’une observation clinique faite au cours de son exercice de médecine générale. Près de 70 ans plus tard, cette pratique reste essentiellement empirique. Dans les suites de la tribune des 124 médecins contre les “pseudo médecines à l’efficacité non prouvée”, Egora fait le point sur les quatre médecines alternatives et complémentaires officiellement reconnues par de Conseil national de l’Ordre. Que dit la science sur ces disciplines ? Dernier épisode : la mésothérapie.

 

 

Une trentaine d’essais cliniques contrôlés, seulement, sont répertoriés sur Medline, dont la plupart concerne la mésothérapie à visée esthétique. Les autres indications sont représentées essentiellement par des pathologies douloureuses. Leurs résultats sont presque toujours en faveur de la mésothérapie, mais ces travaux sont bien trop hétérogènes et leurs méthodologies discutables pour pouvoir conclure. De plus les essais contrôlés par rapport à une mésothérapie fictive sont exceptionnels, ce qui ne permet pas de faire la part d’un effet placebo, d’autant plus probable que l’évaluation est faite sur des critères subjectifs comme la douleur.

L’étude la plus convaincante a été menée par une équipe italienne, qui a traité 40 patients ayant une tendinite calcifiante de l’épaule par mésothérapie avec injection d’EDTA, associée à des ultrasons pulsés, et 40 autres par une mésothérapie réalisée avec une solution placebo, associée à des ultrasons fictifs (Cacchio A et coll.Arthritis Rheum.2009). Les scores de douleurs étaient significativement diminués une semaine après la fin du traitement et un an plus tard dans le groupe ayant bénéficié de la mésothérapie réelle, mais pas dans le groupe contrôle. Critère de jugement secondaire, les calcifications avaient disparu totalement chez 62,5% et régressé chez 22,5 % des patients ayant eu la mésothérapie et la sonophérèse, mais chez  0 % et 15 % des patients après procédure fictive. Cet essai est la seule étude “méthodologiquement acceptable”, estimaient, en 2010, les auteurs d’un rapport thématique de l’Inserm (“Evaluation de l’efficacité de la pratique de la mésothérapie à visée thérapeutique”, Inserm U669). Cependant, l’association de la mésothérapie aux ultrasons ne permet pas de conclure sur l’efficacité de chacun de ces deux traitements.

 

 

Un autre essai sur les tendinites, français, publié en 1990, a donné des résultats bien différents. Trois groupes de 20 patients ont été traités par mésothérapie avec du diclofénac, par mésothérapie au sérum physiologique ou par la seule piqûre au pistolet (Menkes J.C.et coll., Rev.Rhum.Mal.Osteoartic., 1990). Les patients des trois groupes ont exprimé une égale satisfaction du traitement reçu.

Cinq essais ont été menés sur les lombalgies et lombo-sciatiques. Dans une étude randomisée italienne incluant 84 patients souffrant de douleurs lombaires aiguës, un traitement anti-inflammatoire (kétoprofène + méthylprednisolone ) administré par mésothérapie a fait aussi bien que le traitement conventionnel par voie orale et intramusculaire (Costantino C.et coll.Evid Based Complement Alternat Med. 2011).

Une autre étude italienne a comparé un traitement combinant mésothérapie, orthèse de soutien et exercices spécifiques à une thérapie au laser chez 22 patients ayant des lombalgies subaiguës associées à des signes de dysfonction sacro-iliaque (Monticone M. et coll.Eura Medicophys.2004). Seul le groupe ayant eu le traitement combiné a bénéficié d’une diminution des douleurs à l’issue du traitement et un an plus tard. Cependant, le protocole ne permet pas de déterminer la part respective des trois éléments de cette prise en charge dans l’effet observé.

 

 

Une équipe égyptienne a réparti 120 patients souffrant de lombalgies chroniques en trois groupes, traités soit par AINS oral et cortisone intramusculaire, soit par mésothérapie avec AINS et cortisone, soit par mésothérapie avec du venin d’abeille (Senara SH et coll.MJMR 2015). Les trois traitements ont entraîné une diminution significative des douleurs à court terme.

Deux autres essais, italiens, apportent des résultats mitigés. L’un montre une efficacité supérieure de la mésothérapie lorsqu’elle est réalisée sur des points d’acupuncture, plutôt que sur les points classiques de mésothérapie (Di Cesare A. et coll., Complement Ther Med. 2011). L’autre, non référencé dans Medline, a comparé une mésothérapie avec de l’Aspirine à une mésothérapie sans principe actif, en association au traitement classique, chez 44 patients atteints de lombosciatique. Un effet significatif de la mésothérapie sur les douleurs a été observée après la première administration, mais pas après les séances suivantes (Parrini M. et coll. Minerva Ortopedica e traumatologica, 2002). L’American College of Physicians a publié une revue systématique sur les traitements non pharmacologiques des lombalgies, dans laquelle la mésothérapie n’est pas mentionnée (Chou R. et coll. Ann.Intern.Med.2017).

Deux études ont été publiées sur l’arthrose. La plus récente, chinoise, a comparé deux groupes de patients souffrant d’une arthrose du genou, les uns ayant une contre-indication aux AINS (n=26)  et traités par mésothérapie  (lidocaïne, piroxicam et calcitonine à la phase aiguë, ou procaïne, silice organique et calcitonine à la phase chronique), les autres traités par AINS par voie orale (n=24). Une diminution significative de la douleur a été constatée dans les deux groupes, mais avec l’inconvénient pour les patients traités par AINS oraux d’avoir davantage de symptômes gastriques (Chen L et coll., Evid. Based Complement. Alternat. Med. 2018). L’autre étude, italienne, concerne les bursites de la patte d’oie liée à l’arthrose. Après tirage au sort, 117 patients ont été traités par mésothérapie (diclofénac 3/semaine pendant 3 semaines ) ou diclofénac oral (50 mg/j pendant trois semaines). A un et trois mois, la douleur avait significativement diminué dans les deux groupes, mais la zone hyperéchogène était réduite uniquement chez les personnes traitées par mésothérapie (Saggini R. et coll., J Altern Complement Med. 2015).

D’autres indications ont fait l’objet d’essais isolés. Ainsi dans une étude réunissant 85 patients atteints de leishmaniose, le traitement antiparasitaire était aussi efficace qu’il soit administré par une mésothérapie ou par les injections intralésionnelles classiques, mais moins douloureux avec la mésothérapie (Kashani MM et coll. Int.J.Dermatol. 2010).

La mésothérapie a également été testée après chirurgie stomatologique, dans une étude française non randomisée, au cours de laquelle 10 patients ont reçu des microinjections multiples de diclofénac autour des sutures. Ces injections ont eu une efficacité  supérieure à celle des AINS par voie orale sur les douleurs et identique sur l’œdème, avec des doses dix fois moindre d’AINS (Einholtz B.et coll. Actual Ondostomatol ., 1990).

 

 

Trois essais menés par une équipe chinoise indique que la stimulation ovarienne pour fécondation in vitro pourrait être administrée par mésothérapie vaginale ou abdominale (Hsu CC et coll. Reprod Biol Endocrinol. 2009, Fertil Steril. 2011), avec des taux de transfert, de grossesse et de naissance identiques à ceux obtenus après des injections classiques de FSH,  bien que le nombre d’ovocytes matures recueillis soit inférieur (Hsu CC et coll. Reprod Biomed Online. 2008).

Une littérature aussi pauvre n’autorise pas une véritable analyse. “Il est impossible de dire à partir de données factuelles si le rapport bénéfice/risque de la mésothérapie est favorable”, écrivaient, en 2010, les auteurs du rapport de l’Inserm. Les choses ont peu changé depuis, la rareté des études et leurs faiblesses méthodologiques empêchant toujours d’affirmer l’efficacité de  la mésothérapie, même si celle-ci n’est pas exclue.

Le tableau est similaire pour la mésothérapie à visée esthétique, qui a fait l’objet d’un autre rapport d’expertise de l’Inserm, dont la conclusion est tout aussi réservée. Des protocoles variés sont proposés pour traiter l’alopécie, rajeunir le visage, réduire la cellulite, réaliser une lipolyse, “sculpter” le corps… Les résultats des rares essais cliniques comparatifs sont disparates et certains franchement négatifs. “Il est regrettable de constater, qu’à ce jour, aucune étude méthodologiquement correcte ne permet de confirmer ou d’infirmer l’intérêt de l’approche dans au moins une de ses indications, estimaient les auteurs du rapport de l’Inserm. Plusieurs travaux sont potentiellement intéressants, ils ne conduisent cependant qu’à formuler des hypothèses restant encore à explorer”.

Par ailleurs, plusieurs publications font état de complications, dont la fréquence est inconnue. Parmi celles-ci, on peut citer réactions locales, alopécie, allergies, toxidermies lichenoïdes… Mais c’est le risque d’infection, du fait de la multiplicité des injections, qui apparaît le plus préoccupant. Entre 1986 et 1992, la mésothérapie a été mise en cause dans 15 % des 92 cas d’infections cutanées mycobactériennes recensés en France. En 2006 et 2007, 16 cas d’infections sous-cutanée à mycobactéries atypiques ont été identifiés dans la clientèle d’un généraliste parisien et 7 cas ont été signalés en 2009.

Dans un rapport publié en juin 2014 (“Evaluation des risques liés aux pratiques de mésothérapie à visée esthétique”), la HAS confirmait ne pas disposer d’éléments pour évaluer la fréquence de ce risque infectieux. Elle soulignait également l’hétérogénéité des pratiques, qui reposent sur l’utilisation de médicaments hors AMM et à des teneurs non standardisées. Cette situation est d’autant plus inquiétante que, estimait-elle,  “les systèmes de vigilances actuellement en place ne permettent pas d’effectuer une surveillance satisfaisante des effets secondaires dans le domaine de la médecine esthétique et de la mésothérapie en particulier”.

 

Codée, mais pas remboursée

Depuis 2003, la mésothérapie est reconnue par le Conseil national de l’Ordre des médecins, au même titre que l’acupuncture, l’homéopathie et l’ostéopathie. Un DIU est dispensé dans cinq villes de France, autorisant un médecin à faire mention de ce diplôme sur sa plaque et ses ordonnances.

La séance de mésothérapie à visée antalgique est codée dans la Classification commune des actes médicaux, mais n’est pas actuellement tarifée. L’acte en tant que tel n’est donc pas remboursé, mais s’il est réalisé à l’issue d’une consultation, celle-ci peut l’être. La mésothérapie à visée esthétique, classée dans la catégorie “médecine de confort”, n’est pas remboursée.

 

Beaucoup de pratiquants sans DIU

En 2015, 550 médecins étaient titulaires d’un  DIU et avaient déclaré l’orientation mésothérapie au Conseil national de l’Ordre des médecins. Mais le diplôme n’est pas obligatoire pour exercer et il est probable que plus de 10 000 médecins ont recours à la mésothérapie au moins occasionnellement. Lors de l’enquête Baromètre santé médecins généralistes 2009, un quart des généralistes déclaraient pratiquer la mésothérapie (0,5 % systématiquement, 6,9 % régulièrement, 18,4 % occasionnellement). Ils étaient bien plus nombreux en 1994 (40,7 %), ce qui témoigne d’une relative désaffection pour cette méthode.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Chantal Guéniot

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