Se disant victime d’un portrait publié dans Ouest France, où il ne reconnaît rien de de son exercice en pôle de santé dans une zone déficitaire en Mayenne, le Dr Matthieu Lorin réfute l’image de jeune généraliste proche du burn out, renvoyée par le quotidien régional. Heureux de son organisation professionnelle, il déménage pour des raisons exclusivement personnelles, après un divorce et le démarrage d’une nouvelle vie.

 

Je suis excédé par le portrait qui a été dressé de moi dans Ouest-France. Si le journaliste voulait entrer en croisade contre les déserts médicaux, il s’est trompé de client et de méthode car si je me mets à la place d’un jeune généraliste qui lit ce qui a été écrit sur mes conditions de travail au pôle de santé de Villaines-la-Juhel, je n’aurais qu’une idée, c’est de fuir…”  Le Dr Matthieu Lorin ne comprend pas. Il ne comprend pas pourquoi un reportage – textes et photos – qui s’est étiré sur deux jours dans son pôle de santé de Mayenne, s’est traduit dans le quotidien régional, par un papier à charge contre les conditions d’exercice en médecine rurale dans une zone désertifiée, présentée comme un parfait tremplin pour le burn out. Et un repoussoir pour les jeunes.

 

Libertés avec la réalité

Certes, le Dr Lorin a décidé de quitter le pôle en septembre, mais pour des raisons exclusivement personnelles : il a divorcé, il change de vie. Dans l’article, le jeune docteur trentenaire aurait décidé de jeter l’éponge, son épouse partie, “noyé” sous une activité de 15 heures et 40 actes par jour, loin de tout. Un roman, pas de la vérité, affirme le Dr Lorin. Mais les déserts médicaux sont un sujet qui fait le buzz, de l’audience, quitte à prendre quelques libertés avec la réalité…

On a déformé mes propos, tant en ce qui concerne ma charge de travail que les raisons de mon départ. Nous avons la chance d’être des professionnels de santé libéraux, ce qui veut dire libres. J’organise mon emploi du temps comme je le souhaite et ce n’est pas parce que j’ai 30 ans que je me laisse déborder facilement” assène-t-il.

Le journaliste voulait faire un sujet sur les déserts médicaux, il me l’a dit. C’est vrai qu’il nous arrive de refuser des patients, que des malades viennent taper du poing parce qu’ils ne sont pas contents qu’on ne les prenne pas tout de suite, ce qui n’est pas drôle pour les secrétaires. C’est vrai aussi qu’il n’est pas facile d’être rhumato et cardio parce qu’ils sont trop peu nombreux à moins de 50 km. Néanmoins, nous avons dans notre pôle de santé, un mode d’exercice qui est un extrêmement bon terreau pour des jeunes qui veulent s’installer. Je ne vois pas pourquoi je serais venu monter un projet professionnel à Villaines-la-Juhel si je n’en étais pas persuadé”, se défend-il. “La démographie médicale soulève des problèmes anxiogènes, certes, mais je ne me reconnais pas dans les propos qu’on me fait tenir. Je me suis préservé sur le plan de ma vie personnelle” ajoute-t-il.

 

“Je suis un fervent défenseur de la médecine rurale”

D’abord remplaçant, puis installé dans le pôle de santé depuis cinq années en tout, le Dr Lorin a été président de l’association des professionnels de santé de son pôle. Une présidence qui lui a permis de mettre en place une dynamique de travail en commun entre tous les professionnels de santé qui n’existait pas auparavant, autour d’un projet de santé. “J’ai réussi à mettre de l’huile dans les rouages, nous avons mis en place diverses commissions pour structurer le travail pluriprofessionnel… je suis un fervent défenseur de la médecine rurale, libérale, et du travail en pôle” tient-il à souligner.

Le résultat est flatteur : exerçant 9 heures et 25 actes par jour, 4 jours par semaines, Matthieu Lorin a des journées qui s’organisent en continu, privilégiant le qualitatif au quantitatif, ce qui lui a permis d’avoir “des relations privilégiées avec les patients. J’ai un exercice de médecine générale très varié, avec un champ d’activité que je ne connaitrais sans doute pas si j’exerçais en ville car notre situation nous oblige à être multi casquettes, du fait d’un recours au spécialiste un peu plus compliqué que dans les grandes villes” explique-t-il.  “J’ai une activité à l’Ehpad localement et aussi de médecin salarié dans un établissement de soins de suite qui jouxte mon cabinet. Je peux suivre mes patients en hospitalier, sur des pathologies légères et organiser leur sortie. Non, vraiment, je ne suis pas certain de retrouver dans mon prochain projet professionnel, une telle qualité de travail et d’exercice”, insiste-t-il.

 

“Cela m’a fait un mal fou”

Son départ du pôle de Villaines-la-Juhel est exclusivement lié à sa vie personnelle. “Je suis amoureux, et je suis heureux”, reconnaît-il avec du soleil dans la voix et une simplicité confondante. Il part s’installer en couple, ailleurs, sur un projet qui n’est pas encore tout à fait finalisé, car il s’est engagé à rester jusqu’en septembre prochain, pour préparer sa succession.

Mais il faut bien reconnaître que l’article de Ouest France, repris en presse professionnelle, lui a fait bien du tort. A lui, et à son pôle de santé qui cherche maintenant un successeur.

Je peux vous dire qu’autour de moi, des gens sont furieux, certains m’ont reproché de vouloir me faire de la publicité. Mais quelle publicité, au vu de l’image qui est envoyée par l’article, d’un c… qui dézingue la médecine rurale et la médecine libérale ? C’est tout l’opposé de ce que je suis. Cela me fait un mal fou.  C’est extrêmement difficile de me prendre ce retour de bâton.” Son téléphone n’a pas arrêté de sonner, des maires du secteur ont voulu lui parler. “J’ai eu des messages de soutien, comme si j’étais déprimé, 50 messages de copains sur mon compte Facebook, ma compagne, ma famille s’inquiètent… Du coup, cela m’a mis en difficulté vis-à-vis de tous les pans de ma vie”, soupire-t-il.

 

“J’ai le droit d’être amoureux”

Or, tient-il à dire une nouvelle fois “Je suis 100 % partisan de la médecine de groupe, de la médecine libérale qui nous permet de nous organiser. Je ne suis pas dépassé, harassé de travail, je fais des gardes de régulation comme tous les médecins. J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie professionnelle. La décision a été difficile à prendre et J’en suis désolé pour mes patients, mais je ne peux pas me résoudre à vivre juste pour eux, seul dans ma grande maison.  Je quitte parce que j’ai le droit d’être amoureux et heureux”. En ce début de printemps, bien difficile de soutenir le contraire.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne

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