Pour la première fois, les meilleurs spécialistes internationaux du microbiote se sont réunis à l’Académie de médecine, avec l’objectif de mettre en commun leurs avancées et d’éditer des recommandations pour harmoniser le cadre réglementaire des recherches dans ce domaine en plein essor.

 

Le colloque Paris microbiote 2017 a réuni, le 20 octobre dernier, les meilleurs spécialistes mondiaux du microbiote à l’Académie de médecine, à son initiative, et avec le parrainage de l’organisation mondiale des Académies de médecine (IAP). Pour la première fois, cette conférence scientifique de consensus a accueilli des représentants de l’International Society of Microbiota (ISM) et des agences réglementaires européenne et américaine (EMA et FDA).

Les experts venus du monde entier se rencontraient pour échanger sur leurs travaux, et pour réfléchir à une harmonisation des protocoles de recherche. En effet, l’engouement exceptionnel dont le microbiote est l’objet impose aux chercheurs de fixer des limites en fonction de l’état actuel des connaissances pour éviter un effet « bulle » qui hypothèquerait ses promesses en matière de santé.

 

Une révolution vers une médecine personnalisée pour des maladies chroniques

Le développement de l’intérêt des chercheurs concernant le microbiote répond à une évolution épidémiologique des maladies en même temps qu’aux progrès technologiques. En effet, on assite actuellement à une explosion des maladies chroniques, liées en grande partie aux changements des habitudes de vie. Or, la plupart de ces pathologies ont une origine inflammatoire qui entretient une menace permanente pour le système immunitaire qui peut entrainer surpoids, insulinorésistance, athérosclérose, certains cancers, ou encore des maladies neurodégénératives et auto-immunes. La nutrition est ainsi revenue au premier plan des préoccupations des chercheurs et des médecins, qui se sont alors penchés sur la complexité du tube digestif et le rôle des bactéries du microbiote. “Le microbiote est divers, a ainsi expliqué le Pr Karine Clément (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), et chaque individu a un profil qui lui est propre, mais il existe aussi des points communs selon des groupes de personnes en fonction des modes de vie et de l’alimentation. Une meilleure connaissance de ces profils nous permettrait d’établir des recommandations adaptées à des groupes de patients. Par exemple, nous savons que le microbiote contribue à l’entretien de maladies chroniques comme l’obésité et qu’il joue un rôle important à l’interface entre l’environnement et la biologie de l’hôte. Ainsi, les maladies cardio-vasculaires sont associées à une modification de la composition du microbiote et une réduction de sa diversité, et cela peut être modifié avec des interventions diététiques et thérapeutiques”. Un essai clinique récent mené par la société française LNC Therapeutics a montré que la perte de poids chez des patients obèses était corrélée à une modulation du microbiote intestinal et a une action sur l’inflammation chronique. Un essai plus important doit débuter fin 2017 en France.

 

Une recherche en plein essor

Essentiellement académique, la recherche sur le microbiote est développée particulièrement en Belgique, en Allemagne, au Royaume Uni, et aux Etats-Unis, et plus récemment en Chine. La France est leader en termes d’ancienneté et de compétences. Les institutions comme l’Inra et l’Inserm ont été parmi les premières à investir dans des start up de pointe sur le sujet. Et au vu du potentiel commercial, l’industrie pharmaceutique (en particulier concernant les maladies inflammatoires de l’intestin) et les géants de l’agroalimentaire (avec les pro-et prébiotiques) ont commencé à s’intéresser à ce sujet.

Depuis 2008, et les débuts du projet Human microbiome project (HMP), le nombre d’articles publiés dans des revues scientifiques, de brevets et de créations de nouvelles entreprises dans le domaine du microbiome a explosé, ainsi que la floraison d’événements médiatiques et marketing.

Mais “les espoirs thérapeutiques du microbiote dépendent de la possibilité de rattacher une maladie précise à un état du microbiote ou de la perméabilité intestinale, ce qui n’est actuellement possible que pour les maladies inflammatoires de l’intestin, tempère l’Académie nationale de médecine. La recherche doit donc se donner les moyens de dépasser les armes primitives d’une thérapeutique en devenir que sont les prébiotiques, probiotiques et autres symbiotiques. Or, tant que chaque laboratoire continuera à développer ses propres méthodes, il sera impossible d’obtenir une cohérence globale de reproductibilité des expérimentations”.

 

Harmonisation des réglementations : l’exemple européen

Pour le Pr Rémy Burcelin (Directeur de recherche, Inserm, Toulouse) ces recherches en sont à l’étape du recueil de données, qui doit être un travail international, une deuxième étape sera la classification de ces données en fonction des similitudes et des différences, et la troisième sera l’identification de solutions préventives et thérapeutiques. Et une collaboration internationale apparait fondamental. C’est pourquoi, ce colloque avait pour but d’établir les bases d’une harmonisation plus large au niveau des trois agences les plus importantes : EMA, FDA américaine, et FDA chinoise. Déjà, au niveau européen, l’EMA a mis en place des outils pour promouvoir le développement des thérapies et technologies émergentes. Ces derniers s’appuient, entre autres, sur une Force d’Intervention pour l’Innovation (ITF), qui est un groupe multidisciplinaire incluant les expertises scientifiques, réglementaires et légales et dont l’une des missions est de collaborer avec les autorités nationales de régulation.

 

La transplantation fécale : une technique prometteuse

La transplantation fécale est utilisée aujourd’hui en clinique et elle est reconnue pour une seule indication qui est l’infection récidivante à Clostridium difficile, une maladie nosocomiale résultant d’une déstructuration du microbiote à la suite d’un traitement antibiotique. Dans cette maladie, la transplantation fécale a permis de tester la possibilité de reconstruire l’écologie du microbiote et d’éliminer le micro-organisme pathogène. C’est un traitement qui, dans les premiers essais, s’est révélé efficace chez plus de 90 % des patients. Ces résultats ont été confirmés depuis par un certain nombre de méta-analyses. « Actuellement nous explorons l’aptitude à traiter d’autres situations cliniques, a indiqué Joël Doré (Jouy-en-Josas), sur la base de la transplantation fécale, qui peut se concevoir de deux manières. Dans la perspective d’une intervention chirurgicale ou médicamenteuse, une chimiothérapie par exemple susceptible de perturber le microbiote, nous pouvons prélever le contenu intestinal du patient avant l’intervention pour le réintroduire après : c’est une transplantation autologue. Dans d’autres contextes, nous pouvons utiliser le microbiote d’un donneur sain et appliquer la transplantation fécale comme un moyen curatif. » L’entreprise de biotechnologie française MaaT Pharma développe actuellement la première technique de micro-biothérapie autologue reposant sur un dispositif breveté, ayant pour but de restaurer le microbiote intestinal après la survenue d’une dysbiose iatrogène. Des essais cliniques ont été initiés en 2016 et en 2017. Les autorisations de mise sur le marché sont attendues pour 2023.

 

D’après la conférence de presse du colloque Paris Microbiote 2017, Académie nationale de médecine,
19 octobre 2017.

 

Source :
www.egora.fr
Auteurs : Thierry Billoir et Marielle Ammouche

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