Les travaux destinés à définir notre politique de santé pour les cinq ans à venir ont été officiellement lancés ce lundi par Agnès Buzyn. Dans un contexte de concertation et d’écoute avec les professionnels, les élus et les usagers du système de santé, la ministre veut faire de la prévention, de la lutte contre les inégalités, de la pertinence et la qualité des soins et de l’innovation, les priorités du quinquennat.

 

“Je pense être légitime pour discuter avec l’ensemble des professionnels de santé” A. Buzyn – Strategie nationale de santé 2017 from Global Media Sante on Vimeo.

 

La nouvelle locataire de l’avenue de Ségur a très vite compris ce qu’il fallait faire pour entretenir de bonnes relations avec les professionnels de santé, libéraux comme hospitaliers, durant son magistère : communiquer, échanger et écouter (vraiment). En gros, déployer un style radicalement différent de celui de Marisol Touraine, ministre qui s’est rapidement et définitivement mis à dos les libéraux de santé et les hospitaliers pour la durée du quinquennat. Issue de la loi de Santé, la Stratégie nationale de santé fixe les priorités du gouvernement en matière de santé pour les cinq années à venir. Elle vise à donner de la cohérence à l’action des ministères dans le domaine de la santé. Elle prendra la forme d’un décret, promulgué fin décembre, après concertation et aval du Premier ministre.

 

“Je connais les difficultés du métier”

A partir du bilan de santé de notre pays, réalisé par la Haut conseil de la santé publique, la nouvelle stratégie de santé 2017-2022, sera donc construite sous ce prisme d’écoute et de communication. Agnès Buzyn en convient d’ailleurs : avec les professionnels de santé, “on se parle de façon très franche. J’ai un profond respect pour [eux], qui font un métier très difficile. Je connais les difficultés du métier, mais aussi certaines dérives. Je pense être légitime pour leur parler de manière directe et franche. Et pour l’instant, cela se passe bien” a-t-elle souri en réponse à la question d’un journaliste.

Le projet s’articulera donc sur 4 priorités “sa colonne vertébrale” , a expliqué Agnès Buzyn : la prévention et la promotion de la santé tout au long de la vie ; la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d’accès avec une attention particulière pour les publics précaires et les enfants ; la nécessité d’accroitre la pertinence et la qualité des soins et enfin, l’innovation, qui doit être mieux accompagnée et sélectionnée très tôt.

 

Une approche centrée sur les besoins des patients

De fait, en octobre et novembre prochain, une concertation réunira sous l’égide du ministère, les principaux représentants du secteur de la santé, des élus et des représentants des usagers. Ils seront invités à se prononcer et à enrichir le projet déterminé par le bilan du HCSP qui, tout en soulignant nos points forts que sont le niveau de notre espérance de vie et le haut niveau de compétences de ses professionnels, a pointé nos faiblesses. Il en va ainsi de la hausse des maladies chroniques, qui touchent actuellement 15 millions de personnes et en impacteront 20 millions d’ici 2020 ou encore du poids “majeur” des “hospitalisations ponctuelles” premier poste de dépenses de l’assurance maladie, en croissance de 2,4 % entre 2012 et 2015. Ou encore des inégalités de santé. Le HCSP a encouragé les dirigeants à “sortir du tout hôpital” et à renforcer la place des soins ambulatoires et des soins de premier recours, pour mieux concilier proximité et qualité des parcours de soins.

Ce lundi, Agnès Buzyn a montré comment : en passant d’une approche “en silo” à une approche centrée sur les besoins des patients, avec des parcours organisés au niveau du territoire. Par ailleurs, dans cette optique, un plan d’accès aux soins doit être présenté par la ministre, en octobre prochain.

 

“L’efficience est une nécessité”

Le sujet de la pertinence et de la qualité des soins promet d’être plus conflictuel, puisque la ministre demande qu’une réflexion soit menée sur l’évolution de la tarification à l’activité, qui prenne davantage en compte les parcours, la qualité et la pertinence des soins et des actes.

 

“Il faut valoriser la bonne médecine” (Stratégie nationale de santé d’Agnès Buzyn) from Global Media Sante on Vimeo.

 

Nous devons accroître la pertinence et la qualité des soins, a-t-elle déclaré. L’efficience est une nécessité pour assurer la soutenabilité des dépenses de santé” . Le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018, qui s’inspire des propositions de la CNAM à cet égard, pourra apporter des premiers éléments de réponses a-t-elle informé. La pertinence des soins, est un “enjeu majeur, qui favorise la bonne médecine, c’est un travail de longue haleine qui doit être conduit entre pairs. Il s’agit de promouvoir un parcours optimal, coordonné, fluide, sans doublons, favorisant la prévention” .

 

“Tout passera par la négociation et la concertation”

Le comparatif de pratiques d’un territoire à l’autre, qui permettrait de détecter l’hétérogénéité des pratiques, “ce qui n’est pas de la médecine normative” , pourrait être un moyen. Ces travaux pourraient être “pris en compte par les professionnels, dans un travail d’harmonisation des pratiques et des parcours de soins, valorisé financièrement au forfait ou au parcours” . Pour la ministre, il ne faut négliger aucun outil. Un amendement peut être ajouté à l’ACIP (Accord cadre interprofessionnel), qui doit être prochainement être renégocié, a-t-elle suggéré, mais des éléments de pertinence et de qualité peuvent aussi figurer dans la ROSP, après consultation de la Haute autorité de santé. Bref, pour Agnès Buzyn, “tout passera par la négociation et la concertation. Il faut que les professionnels s’emparent de tous les outils pour organiser, simplifier et fluidifier les parcours” .

En novembre, une consultation publique sera organisée. La Conférence nationale de Santé, le Haut conseil de la Santé publique seront consultés et le projet sera mis en ligne, pour que les Français s’en emparent et apportent leurs contributions.

Le cycle de consultation se terminera, en décembre prochain, par la tenue d’un Comité interministériel sous l’égide du Premier ministre, afin d’acter le contenu de la SNS, qui sera ensuite, comme le veut la loi de Santé, promulguée sous forme de décret.

Par la suite, la SNS trouvera une expression concrète dans les territoires, via les projets régionaux de santé qui seront définis par les ARS au premier trimestre 2018. Un plan national de santé publique donnera de la cohérence et de la lisibilité aux différents plans existants.

Si les syndicat médicaux reconnaissent le changement de ton, entre Marisol Touraine et Agnès Buzyn, ils ne se laissent pas charmer pour autant. Ainsi pour l’UFML du Dr Jérôme Marty, la concertation envisagée par la ministre relève du “paternalisme d’Etat” qui sévit depuis 30 ans. Le jeune syndicat regrette qu”une fois de plus, l’image semble primer sur le fond et il persiste la désagréable impression d’une stratégie déjà écrite” . L’UFML demande la tenue d’états généraux, réunissant professionnels de santé et usagers, d’une durée “non déterminée devant l’intricationi des problématiques et leurs complexités” . Pas ce qui lui semble être “une concertation apparaissant comme théâtralisée” .

Du côté de la CSMF, on demande du “concret” et on s’interroge sur la place accordée à la médecine libérale dans cette SNS. “La concrétisation de cette SNS risque de se heurter à la réalité, en particulier à la loi de Financement de la sécurité sociale” , prédit la centrale. Les difficultés d’articulation entre la stragégie et les contraintes budgétaires, estime la CSMF, justifient donc “une concertation de fond intense et fructueuse, dans délai très court, où la CSMF est prête à prendre toute sa place” .

 

“L’objectif c’est de diversifier les modes de rémunération” Cécile Courrège directrice DGOS (Stratégie nationale de santé 2017) from Global Media Sante on Vimeo.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne

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