A 40 ans, Docblouze* rêve de plaquer la médecine générale pour ouvrir sa boutique de pâtisseries. Elle vient même de décrocher son CAP et cherche la bonne idée qui pourrait l’emmener loin des patients consommateurs de soins, de la pression des caisses et des tracas de paperasse. Elle ne sait pas encore quand, mais c’est sûr, elle partira.

 

“J’adore la pâtisserie. C’est une passion depuis longtemps. J’avais eu l’idée de passer le CAP de pâtisserie en candidat libre il y a déjà trois ans, pour faire une surprise à la famille. Mais j’avais raté la date d’inscription. Ensuite j’étais enceinte, puis le bébé… Et cette année, j’avais toujours cette idée en tête. Quand je suis tombée par hasard sur un livre “Passer votre CAP en candidat libre”, je me suis dit que c’était le bon moment.

Je me suis inscrite en novembre, pour des épreuves en mai et juin. Je n’ai eu aucun cours. J’ai fait des entraînements à la maison, toute seule. Pour l’épreuve pratique, il faut faire quatre préparations : un entremets, quelque chose à base de pâte feuilletée ou pâte à chou, une tarte et quelque chose à base de pâte à brioche. Le tout en six heures. On court partout.

A l’écrit, j’avais une épreuve de gestion des stocks et approvisionnement et prévention santé environnement. Ce sont des questions basiques. J’avais quand même acheté quelques livres, lu les annales pour préparer. J’ai un peu révisé à l’arrache deux mois avant. Ce n’est pas très compliqué quand on a un doctorat, il faut être honnête.

C’est surtout la pratique qui est importante. La préparation m’a pris du temps. Je travaille tous les jours, j’ai un bébé de 20 mois et mon mari est souvent en déplacement. Donc j’ai fait ça quand le bébé dormait, quand j’avais un peu de temps. C’était souvent le soir après 21h30, les week-ends… Les viennoiseries ont été écoulées au travail de mon mari. Et j’ai beaucoup donné de gâteaux, à des amis, à des voisins… A la fin j’avais une overdose de pâte à chou.

J’ai eu des moments de découragement, je me suis dit que je n’allais pas y aller. Mais mon mari a préparé une soirée surprise pour mes 40 ans, et en a profité pour annoncer à tous mes amis que je passais mon CAP en candidat libre… Du coup, je ne pouvais plus reculer.

Aujourd’hui, j’aimerais développer pour des évènements privés à domicile, ou des cours de cup-cake, de gâteaux… J’aimerais bien professionnaliser ma passion. A long terme, j’adorerais tout arrêter et ouvrir un salon de thé. Si j’arrivais à développer un projet viable, je serais prête à arrêter la médecine. Mais je ne partirai pas sur un coup de tête. J’ai des charges à payer, j’ai malheureusement acheté les murs de mon cabinet avec d’autres gens, ce qui était une grosse erreur… On m’a fait contracter un prêt toxique, il faut le payer. Je suis un peu pieds et mains liées.

Penser à toutes ces années d’études pour devenir médecin, n’est pas quelque chose qui pourrait me retenir. Quand j’étais ado, j’aimais déjà la pâtisserie. C’est vrai que, comme j’étais bonne élève, on m’a poussée à faire des études. Pendant les études de médecine, il y a eu des moments de déprime où j’ai pensé tout abandonner. Je suis allée au bout, mais un peu sur le fil. C’était compliqué. J’ai fait des stages qui m’ont écœuré du métier. Il y a aujourd’hui beaucoup d’étudiants en souffrance. On manque de médecins, mais on continue à les harceler, à les traiter comme de la merde… C’est un peu dommage.

Je installée seule dans mon cabinet depuis neuf ans, en secteur 1, et je suis très déçue de la médecine générale, de la réalité de l’exercice. Je suis déçue du rapport avec les gens, j’ai l’impression d’être une prestataire de services. Les gens ne payent pas, ils nous lapinent. Ce sont des consommateurs de soins, ils attendent tout de nous. J’en ai aussi marre des charges administratives constantes et croissantes, de la pression, du harcèlement des caisses…

Une fois, on est venu me menacer parce que je prescrivais soi-disant trop d’arrêts de travail. J’étais enceinte de 7 mois, ça m’a vraiment refroidie. On m’a menacée d’une mise sous objectif. Rien, dans les récentes évolutions de la médecine libérale, me donne envie de rester. Si je ne pars pas demain, ce sera après-demain. Il y a une très grande différence entre la façon dont les gens imaginent notre métier, et ce qu’on ressent.

Je n’ai pas peur de diminuer un peu mes revenus. Ça ne me dérange pas. La question n’est pas financière. On parle d’une qualité de vie, de se lever le matin en ayant envie d’aller travailler. Donc j’aimerai trouver un concept à développer. Le déclic, ce qui me déciderait à partir, ce serait de trouver la bonne idée de boutique. Pour l’instant, je suis encore à la recherche.”

 

* Il s’agit du pseudonyme qu’elle s’est choisi sur Twitter.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier

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