Lorsqu’elles sont enceintes, la moitié des étudiantes en médecine ne bénéficie d’aucun aménagement de planning. Les remarques déplacées des chefs de service, la pression du collectif, la peur de manquer à son devoir… Autant de raisons qui les poussent à faire comme si de rien n’était. Vous aussi, vous êtes passées par là ou avez été témoins. Nous publions vos meilleurs témoignages.

 

Féminisation des études de médecine oblige, les grossesses se multiplient. Dans leur enquête sur la santé mentale des étudiants et jeunes médecins, les syndicats se sont penchés sur cette nouvelle donne. “La question était de savoir si cette féminisation avait un impact sur les risques psycho-sociaux et en termes d’organisation des services”, rapporte le Dr Ludivine Nohales, psychiatre et secrétaire générale de l’ISNCAA (Intersyndicat national des chefs de clinique et assistants). Les chiffres surprennent : sur 14 971 étudiantes et chefs de clinique assistantes répondantes, 917** rapportent une grossesse actuelle ou passée, soit 8.5% d’entre elles.

Et parmi elles, plus de la moitié (54,4%) n’ont bénéficié d’aucun aménagement de planning (plus de consultations en bureau, temps de repos…). “C’est un chiffre qui nous interpelle… Il faut aller plus loin dans l’analyse des données pour voir quelles sont les conséquences en termes de santé physique (fatigue) et mentale (anxiété, dépression)”, commente Ludivine Nohales. Pour la psychiatre, une chose est sûre : “la grossesse n’est pas prise en compte dans les services… jusqu’au jour où ça ne va plus et que la femme enceinte ne peut plus travailler à cause de la fatigue ou des contractions”, constate-t-elle.

Les lecteurs été nombreux à réagir à l’article “Etudiante et enceinte : à l’hôpital, c’est marche ou crève” que nous avons publié sur Egora. Retrouvez ici quelques-uns des témoignages.

 

Vos réactions

 

J’ai accouché pendant une garde
Par cyrano

“Dur dur de vouloir une vraie vie de femme et une activité professionnelle prenante… Je me rappelle avoir dû rendre mes gardes non prises après un accouchement qui a eu lieu pendant une garde… de chirurgie… quand j’étais chef de clinique (j’ai dû me faire remplacer en fin de nuit pour aller à la maternité)… Et à l’époque, pas d’arrêt prénatal ni post natal, je n’ai eu à rendre que les deux gardes manquées lors de l’arrêt d’une semaine après l’accouchement !

Je suis sûre que les collègues qui ont des grossesses (et après des enfants ce qui est aussi très fatigant) méritent le respect de leur entourage professionnel, et l’expérience montre qu’elles abattent ensuite autant de boulot que leurs collègues masculins… auxquels personne ne fait de remarque s’ils se cassent la jambe au ski !”

 

“La prochaine fois, j’exigerai un vœu de chasteté”
Par e.libre

“On croirait que tous ces ignorants ne savent pas qu’ils ont tous passé environ neuf mois dans le ventre de leur mère.

Il ne s’agit pas du seul confort de la future maman, mais de la vie, voire survie au vu des conditions de travail, d’un futur être humain. C’est GRAVISSIME car ces gens sont censés avoir appris l’embryologie, car ce sont les plus à même à avoir une réflexion éclairée sur leurs actes.

Ils condamnent sans vergogne ce futur être humain en brimant sa maman, et en la forçant à aller au-delà de ses limites physiques. Il y a atteinte à personne vulnérable et mise en danger de la vie d’autrui (l’enfant, pour les ignorants…).

La bêtise humaine est infinie, quand elle s’associe à l’ignorance, cela devient criminel.

Je me souviens d’un chef, qui à l’annonce de ma grossesse, avait déclaré, mi-figue mi- raisin, que la prochaine fois il exigerait un vœu de chasteté…”

 

Chaque centimètre de gagné permet à celle qui suit de continuer à avancer
Par nordiste

“Il n’est pas loin le temps (début du XXIème siècle) où si on était enceinte pendant son clinicat = démission… Et adieu à tous les avantages liés au statut… Marche ou crève !

La génération d’avant nous : grossesse = la porte ! (Ne pas les oublier : on s’en foutait d’elles parce que les mecs étaient majoritaires)

Alors… oui, y a encore du chemin à parcourir… On en parle ouvertement, c’est déjà bien.

Idée pour la suite : ne pas aborder la question de la grossesse en entretien d’embauche à l’hosto (oui c’est illégal mais tout le monde le fait et on dit qu’on savait pas… Et qu’on a un service à faire tourner ! L’autre solution = crier sur tous les toits qu’on préfère les mecs… sans complexe ! mais y a plus assez de mecs…)

Ne pas lâcher l’affaire… Les filles : c’est dur pour vous mais chaque centimètre de gagné permet à celle qui suit de continuer à avancer.”

 

“Débrouille-toi, il faut que le service tourne”
Par laurauge

“Pour ma première grossesse j’étais interne de MG. Je pensais avoir bien fait les choses en m’inscrivant en surnombre “pour le cas où” car je devais accoucher fin octobre donc théoriquement je pouvais faire 4 mois de stage sur 6 et valider mon stage. Manque de bol mes co-internes ont tous voulu partir en congés en même temps me laissant seule gérer une 30aine de lits de médecine pendant DEUX semaines à 5 mois de grossesse. J’en ai parlé à mes chefs et à la cadre infirmière qui “gérait” notre planning, ce fut sans appel : débrouille-toi il faut que le service tourne ! Et pas question d’obtenir de l’aide du chef de service trop occupé par ses consultations et autres obligations.

Je me suis arrêtée UNE journée pour cause de lumbago et remplacée par une interne étrangère en formation dans l’HDJ attenante au service (soit 3 à 5 patients par jour à gérer contre 30 pour moi). Elle n’en avait rien à faire du service et n’a fait aucune sortie ni entrée pour ne pas avoir de courriers à faire et le moins de travail possible. Le lendemain je me suis donc fait engueuler par la cadre parce qu’on avait raté une place en EHPAD par ma faute… 1 semaine plus tard quand mes collègues sont revenus j’étais arrêtée pour MAP à 6 mois de grossesse, alitement strict jusqu’à terme !!! Et stage invalidé, place en SASPASS perdue, stage suivant non validable car seulement 3 mois et 3 semaines possibles avec le congé mat, …

Les grossesses suivantes ça m’a servi de leçon, j’étais remplaçante et j’ai refusé de faire des visites à domiciles les dernières semaines ! J’ai pu aller à terme et j’ai même pris 4 mois de congé mat après la petite dernière. Le plus difficile maintenant c’est de trouver un mode de garde, les crèches et les assmat finissant souvent à 18h (on n’est pas à Paris…) ce qui n’est pas compatible avec le travail en libéral…”

 

Je me suis dépêchée de procréer tant que j’étais salariée et “couverte”
Par Tenormine

“J’ai débuté l’Internat voici presque 40 ans et dans mon CHU le % de femmes commençait juste à décoller nous devions être à peu près 10%… Je dois reconnaitre que je n’ai jamais été pénalisée ouvertement en tant que femme dans ma carrière à l’hôpital, mais à qualités égales, les patrons nous “poussaient” moins que nos collègues masculins, et pour décrocher un poste, une carrière hospitalière, il fallait davantage se mettre en avant !

Les rares femmes déjà en place aux postes-clés n’avaient aucunement tendance à favoriser les jeunes femmes (parfois même l’inverse ! Humain… “J’ai dû me battre comme une malade, tu n’as qu’à en faire autant !”)

Je n’ai pas entendu parler de carrière brisée pour cause de grossesse, en général ça se passait bien et comme il était rare qu’un service comporte deux internes femmes, il était encore plus rare d’en avoir deux enceintes en même temps, et les collègues assuraient le surcroît de travail sans trop râler.

Vu la tranche d’âge concernée par Internat et Clinicat et la proportion de femmes (50% ? plus ?), on comprend que la question des grossesses devienne un problème pour le bon fonctionnement des services.

J’ai eu mon 1er enfant en 4eme année d’internat et le 2eme pendant le Clinicat. Loin de moi l’idée de reporter ces maternités : ayant prévu l’installation en libéral (à cette époque c’était zéro congé maternité zéro indemnité) je me suis dépêchée de procréer tant que j’étais salariée et “couverte”.

J’ai souri en lisant qu’une consœur n’avait pu avoir de place en crèche… La crèche de mon CHU m’avait fait la même réponse par écrit : “…ne pouvons donner suite à votre demande, car nous donnons priorité aux personnels de l’hôpital ayant des horaires difficiles et irréguliers.” On croit rêver !

J’avais pu trouver une solution de garde, mais une fois avec l’enfant malade, mon conjoint étant également de garde, j’avais dû le garder avec moi dans la chambre de garde… au beau milieu de l’USIC !”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : F. Na

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