Le pays traverse le « dur » de la décrue démographique médicale. Entre 2007et 2025, l’hexagone aura perdu ¼ de ses médecins généralistes libéraux rappelle Luc Duquesnel, le président des Généralistes-CSMF. D’ici 2025, il y aura 13 % des effectifs de la spécialité en moins par rapport à aujourd’hui. Il est urgent de se réorganiser.

Confrontée au progrès médical et au vieillissement de la population générale, cette gestion de la pénurie oblige les municipalités et les organisations professionnelles à faire marcher la boîte à idées, pour trouver des solutions alternatives. Sachant que les meilleures idées draineront vers elles les jeunes médecins les plus dynamiques, cet appel d’air se fera au détriment des territoires qui n’auront rien anticipé. Et seront donc condamnés pour un moment à voir passer les trains, en maugréant.

L’initiative qui se met actuellement en place en Saône et Loire, à l’initiative du conseil général, doit être lue à travers ce prisme-là. Car, dans ce département particulièrement touché par la désertification médicale, ce ne sont pas moins de 30 médecins généralistes que l’Assemblée départementale envisage de salarier dans un centre de santé multi-sites. Avec des conditions particulièrement intéressantes, a priori, pour les candidats.

Interrogé par egora.fr, le président de l’Assemblée départementale décrit les conditions de travail des futurs salariés : CDI de 35 heures par semaine, temps administratif pris en charge par le département et salaire « cohérent avec l’activité libérale », car le président ne veut pas « déséquilibrer ce qui existe », mais à un montant non encore défini. Le conseil général l’assure : ce mécanisme ne sera pas en concurrence mais en complément des médecins déjà installés. Les nouveaux embauchés seront mis à disposition des territoires lorsqu’une situation de pénurie sera repérée, les nouveaux médecins pourront continuer une activité à l’hôpital s’ils le souhaitent. Il n’est a priori pas question d’un nombre minimal d’actes à effectuer par praticien – hypothèse refusée par le Conseil de l’Ordre.

Cela, c’est l’idée. D’ici la fin juin, le conseil général doit formaliser le partenariat avec la Fédération des centres de santé, organiser une réunion avec l’ARS, la CPAM et le Conseil de l’Ordre des Médecins et présenter un rapport à l’Assemblée départementale. Les équipes médicales et administratives seront recrutées en novembre prochain sachant que l’objectif est d’ouvrir le centre de santé multi-sites, en janvier prochain. Déjà, plusieurs candidats se sont manifestés pour intégrer le dispositif, certes coûteux pour le département, mais voté à l’unanimité.

« Cela peut vraiment marcher. A 30, il va se créer une dynamique de groupe, commente Luc Duquesnel. Les crispations relevées, lorsqu’un médecin salarié aux 35 heures cohabite avec des libéraux qui font 60 heures par semaine, seront diluées par le nombre de médecins généralistes. Ils organiseront la continuité des soins ».

Exerçant lui-même en Mayenne, département particulièrement touché par la pénurie médicale, Luc Duquesnel sait bien qu’on ne pourra pas se passer d’un travail d’innovation organisationnelle pour traverser la période à venir. Les Généralistes de la CSMF vont s’y atteler, car ce sont bien 15 % de patients supplémentaires que la médecine générale libérale devra prendre en charge dans les dix prochaines années.

Et déjà, par-ci, par-là, des exemples originaux commencent à fleurir. A Laval, en Mayenne justement, ce sont les médecins généralistes libéraux retraités du département qui reprennent du service en étant salariés. A Malestroit, dans le Morbihan, la mairie salarie des médecins retraités en tant que collaborateurs des médecins installés à temps partiel. Dans le Calvados, pour pallier le départ de trois médecins, le pôle de santé de Condé-en-Normandie a créé une page Facebook et envoyé 400 lettres aux médecins généralistes du Calvados, Orne et Manche, pour leur proposer de venir faire une journée de vacation par semaine au pôle de santé. Ils ont déjà des retours.

« Les communes qui n’ont rien fait seront très désavantagées car les jeunes ont vraiment le choix de l’offre. Les territoires sans propositions attractives ont de gros soucis à se faire », lâche Luc Duquesnel qui estime que des solutions peuvent également être trouvées en changeant les organisations, au travers des pratiques avancées entre plusieurs professions de santé. Les Généralistes de la CSMF y réfléchissent.