Et si la bonne idée pour lutter contre les déserts médicaux venait de Saône-et Loire. Le département, toujours à l’affût d’initiatives pour étoffer son offre de soins, projette de salarier 30 généralistes aux 35 heures à l’horizon du mois de novembre prochain. Une idée qui semble faire l’unanimité, mais qui pourrait être compliquée à mettre en application.

 

Travailler 35 heures par semaine, profiter de congés payés et ne se concentrer que sur la médecine grâce à l’appui d’une assistance administrative : cela semble presque trop beau pour être vrai lorsque l’on est médecin généraliste. Et pourtant, le département de Saône-et-Loire s’apprête à exaucer ce vœu pour 30 praticiens.

“Nous travaillons sur ce projet depuis de nombreux mois et notre démarche est basée sur un principe simple : la situation est critique. Si on ne fait rien, elle va devenir catastrophique”, commente André Accary, président LR de l’assemblée départementale de Saône-et-Loire. Et pourtant, le département n’était déjà pas du genre à regarder passer le train sans rien faire dans ce domaine.

 

“Centre de santé départemental”

“Nous avons lancé le site installeunmedecin.com, nous finançons des installations, nous offrons des week-ends, nous soutenons financièrement des fins d’études mais toutes ces initiatives ne sont pas suffisantes et ont un résultat assez modeste”, déplore André Accary, qui constate en plus un important phénomène de concurrence entre les territoires.

Un planning (voir encadré) a donc été mis en place pour la création de ce “centre de santé départemental”. “Nous allons d’abord travailler avec l’ensemble des partenaires ARS, Ordre, Sécu, élus… pour construire un dispositif à la rentrée et ensuite recruter 30 médecins généralistes en CDI aux 35 heures d’ici novembre. Ces médecins salariés seront mis à disposition dans les territoires où nous avons repéré une désertification médicale”, explique le président de l’Assemblée départementale.

Les médecins recrutés pourront, s’ils le souhaitent, combiner leur activité avec un exercice hospitalier. “Ils travailleront comme s’ils étaient en libéral, mais sans les contraintes. Nous prendrons en charge toute l’infrastructure administrative”, précise André Accary, qui souhaite que son offre corresponde au mieu aux critères recherchés par les médecins généralistes, mais aussi à la population de Saône-et-Loire. “Les médecins pourront faire 100% de médecine. Le temps administratif sera l’affaire du département”, promet-il.

 

“Ce qu’attendent les jeunes”

Si le salaire n’a pas encore été défini, il devra être cohérent avec l’activité libérale. “Je ne souhaite pas déséquilibrer ce qui existe”, indique André Accary. “Ce dispositif ne sera pas en concurrence mais en complément des médecins libéraux déjà installés”, ajoute-t-il. Ainsi, si un médecin départemental exerce sur un secteur sur lequel un autre souhaite s’y installer en libéral, le médecin départemental se retirera pour exercer ailleurs. “Tout cela sera défini dans le contrat, mais je ne pense pas que cette situation soit fréquente”, note André Accary.

Du côté des médecins libéraux du département, l’initiative est plutôt bien perçue et suscite la curiosité. “L’idée est bonne mais en pratique, on verra si le département parvient à recruter des généralistes. Le territoire a déjà du mal à recruter des médecins salariés pour les Ehpad, par exemple. Mais si ça marche, c’est très bien. Ce projet correspond à ce qu’attendent les jeunes”, estime le Dr Guillaume Hiltbrand, généraliste à Macon. Bien qu’installé en zone urbaine, le praticien reçoit en moyenne 2 à 5 appels quotidiens de patients à la recherche d’un médecin traitant. “Je suis installé depuis 7 ans. Il y a déjà eu 7 départs de médecins pour 3 arrivées”, constate-t-il.

 

“Déshabiller Pierre pour rhabiller Paul”

L’initiative est également jugée “intéressante” par l’Union régionale des professionnels de santé-Médecins libéraux Bourgogne Franche-Comté (URPS-ML B FC). “Les conditions actuelles des médecins libéraux ne sont pas satisfaisantes pour les étudiants”, regrette le Dr Christophe Thibault, secrétaire général. “Avec cette initiative, les médecins travailleront 35 heures dans des conditions intéressantes. Tout le reste sera pris en charge par le département, c’est-à-dire par les impôts. Il y a donc une inégalité faite avec la médecine libérale. On ne part pas avec les mêmes chances”, estime néanmoins Christophe Thibault, lui-même médecin généraliste.

“Tout cela va donner à réfléchir aux futurs installés. Cela risque aussi d’entraîner des fermetures de cabinets”, alerte le Dr Thibault. “Je ne souhaite pas déshabiller Pierre pour rhabiller Paul, je ne permettrai pas aux médecins libéraux installés dans le département d’arrêter leur activité pour entrer dans le centre de santé départemental”, réplique André Accary. Encore “une injustice”, selon l’URPS.

“J’ai beaucoup hésité avant de me lancer dans ce projet parce que j’avais peur que cela n’intéresse personne. Je suis surpris, mais nous avons déjà de très nombreux appels et soutiens”, se réjouit le président de l’Assemblée départementale.

Si l’investissement coûtera cher au départ, les comptes devraient être rapidement à l’équilibre, projette André Accary. “Je pense qu’on finira sur une opération économiquement viable et qui ne devrait pas coûter d’argent aux contribuables”, espère-t-il.

 

Le calendrier

Juin 2017 : Formalisation du partenariat avec la Fédération nationale des centres de santé, réunion avec l’ARS, la CPAM et le Conseil de l’ordre et des Médecins, présentation du rapport d’intention à l’Assemblée départe­mentale.
Juillet – Septembre 2017 : Définition des critères de déploiement du centre de santé départemental multi sites (zones prioritaires et conditions d’implantation).
Septembre 2017 : Appel à manifestation d’intérêt des communes pour le choix des sites.
Octobre 2017 : Finalisation du projet de centre de santé départemental.
Novembre 2017 : Recrutement des équipes médicales et administratives, réalisation des travaux.
Novembre décembre 2017 : Action de communication grand public et ciblée (profes­sionnels de santé) / mise en place des partenariats locaux.
Janvier 2018 : Objectif : ouverture du centre de santé multi-sites.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin

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