Hôtels, restaurants, taxis et même médecins… Plus rien n’échappe aux avis des consommateurs sur Internet. Face à cette brutale hausse de commentaires, pas toujours positifs, laissés par les patients, le Conseil national de l’Ordre publie une fiche pratique pour aider les médecins à gérer leur e-réputation, voire à demander la suppression d’avis inappropriés sur Google. Le Dr Jacques Lucas, vice-président du CNOM, délégué général au numérique nous éclaire sur le sujet.

 

La note de l’Ordre est à consulter ici

 

Egora.fr : Qu’est-ce que l’e-réputation ?

Dr Jacques Lucas : La e-réputation est tout ce qui va concerner un médecin dans les espaces numériques et sur Google. Nous conseillons aux médecins d’aller regarder ce qui se dit sur eux en tapant leur nom dans le moteur de recherche. La réputation numérique d’un médecin peut exister alors que lui-même ne produirait rien sur Internet. L’exemple le plus typique est Google maps. Les médecins sont référencés par Google qui pompe des informations à partir de divers annuaires mis en ligne. Cela créé parfois des erreurs sur la géolocalisation et la qualification professionnelle.

En ce qui concerne l’e-réputation, c’est principalement Google qui agrège et dissémine des avis d’internautes, très souvent impulsifs, au sujet des médecins. Cela bien entendu ne concerne pas que les médecins.

Quels sont les problèmes qui en découlent ?

Le principal est l’impulsivité. Un patient a pu attendre lors d’un rendez-vous avec un médecin. Le secrétariat pouvait être surbooké et par conséquent l’accueil un peu rudimentaire. Le patient est alors mécontent et il peut poster un avis sur des considérations qui sont extra-médicales. Les avis sont très souvent postés sous le coup de l’impulsion. Je pourrais prendre l’exemple d’une femme qui se fait opérer de la thyroïde. Après le retrait du pansement, la patiente voit la cicatrice et se dit que c’est abominable. Elle poste alors un avis disant qu’elle a une cicatrice épouvantable et qu’il ne faut pas aller voir le médecin. Puis quelques semaines plus tard quand la cicatrice deviendra invisible, la patiente n’ira pas retirer ni modifier son avis. La réputation numérique du médecin peut donc être extrêmement désagréable.

Comment lutter ?

Le premier point est de ne pas exagérer l’importance de ces avis numériques. Le même médecin n’ira pas se plaindre d’un avis élogieux laissé à son égard. La loi, qui ne concerne pas exclusivement les médecins, indique qu’il peut y avoir une diffusion d’avis en ligne provenant de consommateurs. Les informations doivent être loyales, claires et transparentes. On constate que pour toutes les professions réglementées et en particulier les médecins qui sont soumis au secret professionnel, il y a une inégalité des armes. Le médecin ne pourra pas répondre à un avis inapproprié. C’est un sujet très important que nous prenons en main. J’avais déjà pris contact avec le ministère et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur ce sujet sans d’ailleurs que cela n’aboutisse à grand-chose. Nous voulons asseoir notre analyse juridique sur une consultation d’un cabinet spécialisé pour pouvoir activer des moyens. En attendant, j’ai pensé qu’il était souhaitable de publier une note pour éclairer les médecins sur la manière de demander à Google la suppression d’un contenu inapproprié.

L’autre sujet sur lequel travailler est l’identification de l’internaute. C’est tellement plus facile de poster en s’abritant derrière un pseudo. Si la loi dit que le consommateur peut publier un avis, la question est de savoir que peut faire la personne qui est attaquée par ce canal ?

Ne pourrait-il pas y avoir une plateforme d’avis sur les médecins, agréée par l’Ordre, sur votre site par exemple ?

La mise en place de ce type de plateforme n’en empêcherait pas d’autres de pouvoir exister. Elle ne serait pas forcément non plus la plus fréquentée. La réalité fait que tout se passe via le moteur de recherche Google. Nous avons par exemple un annuaire des médecins sur notre site mais les patients tapent le nom de leur praticien sur Google voire sur lespagesjaunes.fr.

En quelques points très concrets, que peut donc faire un médecin pour gérer sa e-réputation ?

Il doit d’abord vérifier qu’il n’y a pas des propos le concernant sur Internet qu’il trouve inacceptables.

Ensuite, il doit demander la suppression d’un avis inapproprié. La procédure est donnée dans la note. Si cet avis n’est pas supprimé, il peut saisir la CNIL dont nous avons également donné les coordonnées. Nous souhaitons d’ailleurs sur ce point avoir les remontées réelles des médecins confrontés à ces situations pour que nous puissions avoir le plus d’éléments possible dans le dossier que nous sommes en train de constituer.

Nous sommes aux côtés des médecins pour sécuriser cette pratique, mais il faut qu’ils aient conscience qu’elle ne pourra vraisemblablement pas être interdite.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin

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