La Caisse nationale d’assurance maladie a présenté ce mercredi matin, les dernières études cartographiques permettant d’analyser pathologie par pathologie, l’évolution des dépenses de santé de 2012 à 2015, et de procéder à une analyse prospective jusqu’à 2020. Même si la tendance entre 2016 et 2020 est à un léger ralentissement des dépenses de santé, le temps de desserrer la ceinture de la maîtrise n’est pas encore à l’ordre du jour. 

 

Voilà les professionnels de santé prévenus : il n’y aura pas de détente dans la maîtrise des dépenses de santé, du moins d’ici 2020.  “La tension sur le système de santé persiste, même si elle se desserre un petit peu, décrypte le Pr Luc Barret, médecin conseil national de la CNAM. Il y aura un accroissement des dépenses, sans doute plus modéré, mais constant”. Ces projections sont basées sur l’analyse des dépenses de santé remboursées entre 2012 et 2015, récupérées à partir des données du SNIIRAM (médecine ambulatoire) et du PMSI (hôpital) puis traduites en 56 algorithmes correspondant à autant de pathologies. Elles ont été construites sur des “hypothèses” d’accroissement démographique de la population générale issues des travaux de l’INSEE, de fréquence des pathologies telle que notée dans le régime général et enfin de “transition épidémiologique“, déduite des évolutions passées. Mais rien concernant les effectifs soignants disponibles, alors que le pari du tournant ambulatoire est relevé depuis des années.

Glorieuse incertitude du sport (dans ce monde d’informaticiens et de scientifiques…) : nul ne sait si ces hypothèses se réaliseront exactement, et ce qu’il adviendra demain “du coût des nouveaux traitements, de l’impact de la prévention, du coût mais aussi du rapport de l’innovation“, tout comme l’effet sur le suivi des patients chroniques, de la généralisation progressive des objets connectés, relevait le médecin conseil national. Ou encore, de la concrétisation du tournant ambulatoire.

 

“Transfert de la prise en charge vers des soins en ambulatoire”

Ce qu’a confirmé le Dr Ayden Tajamahdi, directeur adjoint de la direction de la stratégie, des études et des statistiques à la caisse nationale, en relevant que l’évolution du coût de la prise en charge de l’hépatite C, “n’avait vraiment pas été linéaire sur les trois dernières années“, depuis l’introduction de nouveaux médicaments très efficaces mais très coûteux, dont l’impact financier s’est surtout fait sentir en 2014. Autre exemple : entre 2012 et 2015, alors que le nombre de personnes souffrant d’une maladie coronaire chronique augmentait de 2,5 %, la dépense annuelle moyenne par patient traité se réduisait de 2,7 % du fait de plusieurs facteurs : la baisse de prix de plusieurs médicaments et des dépenses d’hospitalisation, concomitante à une hausse des soins infirmiers en ville “témoin possible d’un transfert de la prise en charge vers des soins en ambulatoire moins coûteux“.

A l’inverse, du fait de l’introduction sur le marché de médicaments nouveaux, la prise en charge des patientes pour un cancer du sein a fait augmenter la dépense moyenne de soins de 11 288 euros par an en 2012, à 12 035 euros/an en 2015.

En 2015, la cartographie médicalisée avait surpris les experts de la CNAM, en révélant l’importance numérique des personnes prises en charge pour une pathologie psychiatrique parmi les 57,1 millions de bénéficiaires du régime général pris dans le champ de l’étude. Elles étaient en effet pratiquement aussi nombreuses et coûteuses (7, 202 millions de personnes et 19,3 milliards de dépenses), que les patients suivant un traitement du risque vasculaire (hors pathologie) : 7,527 millions et 13,2 milliards d’euros ou encore que ceux ayant subi une hospitalisation ponctuelle (7,827 millions de personnes et 30,7 milliards de dépenses).

Cette donnée relative à la maladie psychiatrique est évidemment présente dans la politique prospective menée par la CNAM. “Ces données de 2015 nous ont permis de mesurer l’importance de la prise en charge de la santé mentale, de la prescription d’antidépresseurs“, a commenté le Dr Tajamahdi. Ce qui a conduit la CNAM à procéder à des comparaisons internationales et proposer, à titre expérimental, des stratégies alternatives comme le remboursement de séances de psychothérapie, par exemple. Les experts de la CNAM estiment que d’ici 2020, le nombre de personnes prenant des psychotropes va reculer de 6 %  et qu’il y aura 8 % de recul des traitements médicamenteux pour les patients traités pour le risque cardio-vasculaire.

 

Le nombre de cas de diabètes augmentera de 12 %

Autre sujet d’importance, le diabète. Il tient toute sa place parmi les 20 millions de personnes (35 % de la population), prises en charge pour une pathologie ou un traitement au long cours, rappelle Christelle Gastaldi-Ménager, du département des études sur les pathologies et les patients. A l’inverse, du fait du vieillissement de la population concernée, la CNAM considère que le nombre de cas de diabètes augmentera de 12 %, soit plus de 450 000 personnes supplémentaires, faisant ainsi passer les effectifs à plus de 4 millions de patients. Là encore, ces projections “justifient les actions conduites en termes de prévention, du type Sophia, ou actions conduites auprès de personnes en situation de devenir diabétiques, ainsi que de maîtrise médicalisée”, complétait le Dr Tajamahdi.

Car ces données ont plusieurs utilisations, souligne la CNAM. Elles permettent annuellement d’élaborer le document “Charges et produits” de l’année à venir, qui intègre les propres propositions de maîtrise des dépenses de l’assurance maladie.  “On a une vision panoramique, et ensuite on zoome”, résumait Aylan Tajamahdi. Ce document – auquel les trois caisses nationales mettent le point final – sera ensuite transmis, dès ce mois de juin à la ministre de la Santé, qui prépare le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année à venir. Il sera transmis également aux parlementaires qui se pencheront sur le texte, à l’automne.

En pratique, les propositions retenues pour 2018, pourront se traduire en actions de prévention ou politiques spécifiques de réduction des coûts. Pour les médecins libéraux notamment, elles pourront prendre l’aspect de recommandations de bonnes pratiques et d’analyse de parcours de soins. Aussi pour les pharmaciens et bientôt les établissements de santé, ces indications devraient se traduire en nouvelles RMO qui, désormais peuvent être “améliorées au fil de l’eau en fonction des besoins ou des connaissances, car elles sont amenées à faire bouger les choses. Nous nous sommes donné un objectif ambitieux, la courbe bouge vers les objectifs” a-t-il relevé, satisfait.

La cartographie médicalisée des dépenses de santé est mise en ligne sur ameli.fr

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin

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