L’arrivée des biosimilaires dans les années qui viennent est de nature à alléger le fardeau financier de l’innovation comme le firent les génériques dans les années 2000. Mais pour cela, il faut rassurer les prescripteurs sur le concept de biosimilarité.

 

Les médicaments biosimilaires ont le vent en poupe. Leurs ventes ont fortement progressé ces dernières années, représentant 206 millions d’euros en 2016, selon une étude du Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques (Gers) pour Les Echos-Etudes (“Les médicaments biosimilaires en France à l’horizon 2020”. Mai 2017). Leur taux de croissance en valeur a été estimé à 32% entre 2012 et 2016. Et même en ville, les ventes sont en hausse régulière, avec une moyenne de 19% sur cette période. Ces médicaments couvrent des domaines thérapeutiques majeurs (oncologie, diabétologie, gastro-entérologie, hématologie et rhumatologie). Cependant, les biosimilaires ne représentent encore, à l’heure actuelle, qu’une faible proportion de l’ensemble des biomédicaments (incluant biosimilaires et spécialités de référence). Du coup, “les économies qu’ils permettent de générer demeurent actuellement modestes, estimées à 30 millions d’euros pour 2017” ajoute Florence Thesmar (Les Echos Etudes, auteure de l’étude).

 

Le retard français

Dans ce domaine, la France apparait en retard par rapport à ses voisins européens. En Allemagne en particulier, “le recours aux biosimilaires est activement encouragé par le gouvernement, à travers notamment l’instauration de quotas de prescriptions au niveau régional“, souligne l’auteure. En conséquence, les biosimilaires de l’érythropoïétine (EPO) par exemple, représentent 70% du marché outre-Rhin contre seulement 1/3 en France. Et la part des biosimilaires des anti-TNF y est deux fois plus important. “L’enjeu à court-moyen terme est donc de compléter le cadre réglementaire actuel en définissant les mécanismes d’incitations à leur prescription et à leur substitution“, affirme F. Thesmar. Elle détaille plusieurs pistes envisageables : “la clarification des processus de validation des indications, la mise en place de quotas par molécule, l’inscription d’objectifs quantifiés dans les textes conventionnels, la mise en place d’une rémunération spécifique pour les pharmaciens… Autant de leviers à réunir pour assurer la pérennité de ce marché“. Cette faible pénétrance du marché français s’explique par le fait que les biosimilaires sont encore récents, et que les processus établissant leur efficacité et leur sécurité d’emploi sont encore peu connus des prescripteurs.

Rappelons qu’un médicament biologique similaire ou “biosimilaire” est un médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active, et de même forme pharmaceutique qu’un médicament biologique de référence. La dose et le schéma d’administration du médicament biosimilaire sont identiques à ceux du médicament de référence. Tout médicament biologique tombé dans le domaine public peut être copié. Cependant, le produit biosimilaire ne peut être strictement identique au produit de référence. Il est à différencier d’un médicament générique “en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication” précise ainsi l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm, Etats des lieux sur les médicaments biosimilaires, Rapport. Mai 2016).

 

Des conditions strictes d’homologation, bien plus lourdes que pour les génériques

Si le biosimilaire est une copie, les étapes nécessaires à l’obtention de son autorisation de mise sur le marché (AMM) divergent des génériques. En effet, pour ces derniers, le dossier de qualité et l’étude de bioéquivalence suffisent ; aucune démonstration clinique de l’efficacité ou de la sécurité directe du générique n’est généralement requise. Tandis que pour un biosimilaire, des données précliniques et cliniques sont nécessaires. Le dossier de demande d’AMM repose tout d’abord sur la notion de comparaison avec le médicament choisi comme référence et doit comporter “une analyse extensive et comparée des propriétés physico-chimiques et biologiques (qualité), pharmacodynamiques, toxicologiques (sécurité) mais aussi cliniques (efficacité et tolérance)”, détaille l’Ansm. Le biosimilaire est donc un médicament totalement nouveau qui nécessite des essais précliniques et cliniques afin de prouver la biosimilarité, même s’il s’agit d’une procédure “allégée” par rapport aux médicaments de référence. La demande d’autorisation est ensuite dite “centralisée” avec examen du dossier par le Comité des médicaments à usage humain (Chmp) de l’Agence Européenne des médicaments (EMA).

En outre, “la mise sur le marché des médicaments biologiques s’accompagne d’un dispositif de surveillance mis en place par le fabricant à la demande des autorités de santé et suivant des recommandations adaptées à chaque médicament. Ce dispositif doit comporter les mêmes mesures particulières que pour le médicament biologique de référence, mais aussi la surveillance du profil immunologique du produit biosimilaire“, complète l’Ansm.

 

Un marché prometteur

C’est il y a 10 ans, en avril 2006, qu’a été lancé le premier biosimilaire en Europe ; il s’agissait de celui de la somatropine. Aujourd’hui, 21 biosimilaires ont déjà été autorisés en Europe, dont 16 sont actuellement commercialisés en France. Les biosimilaires concernent principalement deux grandes familles de protéines : les cytokines/facteurs de croissance et plus récemment, les anticorps monoclonaux avec l’autorisation de mise sur le marché du premier médicament biosimilaire à l’infliximab par l’agence Européenne du médicament en juin 2013. Trois anticorps monoclonaux biosimilaires sont disponibles : Remsima (Biogaran), Inflectra (Hospira) et Flixabi (Biogen), tous trois biosimilaires de l’infliximab. Les autres molécules aujourd’hui “biosimilarisées” sont, outre la somatropine, l’EPO alpha, et zeta, le filgrastim (neupogène), la follitropine alpha (FSH), l’insuline glargine et l’étanarcept (Enbrel). Et de nombreux produits sont actuellement en développement concernant en particulier l’etanercept, l’adalimumab, l’infliximab et le rituximab.

Les biomédicaments constituent un marché énorme : environ 25% de l’ensemble des dépenses de médicaments aujourd’hui. Leur coût est supérieur à celui des médicaments chimiques du fait de la complexité de leur production. En effet, les médicaments issus des biotechnologies sont des molécules complexes, tant par leur taille que par leur structure primaire, secondaire et tertiaire. Cette caractéristique fait qu’un mode de production dans des systèmes cellulaires est utilisé. La plupart des grandes molécules apparues ces dernières années dans des pathologies comme le cancer, le diabète, la polyarthrite rhumatoïde, la Dmla, etc., font partie de cette catégorie de traitements. Elles vont prochainement être ouvertes à la concurrence. En outre, plus d’un tiers des produits innovants en développement sont issus des biotechnologies.

 

Des objectifs financiers et de fluidité des soins

Le potentiel d’économie est donc majeur car les médicaments biosimilaires sont en moyenne 20 à 30 % moins chers que les produits de référence. En outre, à l’instar des médicaments génériques, l’essor de nouveaux produits biosimilaires devrait provoquer une baisse du prix des médicaments biologiques de référence et leur utilisation croissante, du fait de l’élargissement de la concurrence. Pour l’Ansm, ces produits représentent un marché européen potentiel de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Mais là ne s’arrête pas l’intérêt des médicaments biosimilaires. En effet, dans un contexte de production parfois délicate des médicaments issus de la biotechnologie, pouvant entrainer des difficultés d’approvisionnement. “En acceptant plus d’un produit et en autorisant la mise sur le marché de biosimilaires, l’Agence Européenne et l’Ansm rendent le marché du médicament moins sensible aux tensions, accidents de production et/ou aux éventuelles ruptures de stock”, affirme l’Ansm dans son rapport de 2016.

 

Switch : les médecins ont la main

La possibilité de passer du médicament de référence à un biosimilaire, est inscrite depuis 2014 dans la loi de financement de la sécurité sociale. Cependant les décrets d’application ne sont toujours parus, laissant planer un doute. Il est cependant actuellement communément admis qu’il est préférable de laisser cette possibilité aux médecins (interchangeabilité) plutôt qu’aux pharmaciens (substitution). Mais la principale question est de savoir si l’on peut passer à un biosimilaire en cours de traitement chez un patient stable sous médicament de référence. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm), dans son rapport de mai 2016 sur l’état des lieux des biosimilaires, a choisi la souplesse et la prudence. Elle autorise en effet l’interchangeabilité : “le choix entre deux médicaments biologiques (médicament de référence ou médicament biosimilaire) reste libre en l’absence de traitement antérieur identifié”. Mais elle précise que, en cours de traitement, “il n’est cependant pas souhaitable, pour des raisons de sécurité et de traçabilité, de modifier la prescription initiale, en remplaçant une spécialité par une autre, sans garantie”.

L’agence précise que l’interchangeabilité nécessite de respecter certaines conditions : que le patient traité par médicament biologique soit informé d’une possible interchangeabilité entre deux médicaments biologiques et qu’il donne son accord ; qu’il bénéficie d’une surveillance clinique appropriée lors du traitement ; et que la traçabilité sur les produits concernés doit être assurée.

Cette évolution est liée au recul maintenant disponible pour les biosimilaires, et les données disponibles sur leur efficacité et leur tolérance, précise l’Ansm.

 

D’après ANSM, Etats des lieux sur les médicaments biosimilaires, Rapport. Mai 2016. Etude du Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques (Gers) pour Les Echos-Etudes (“Les médicaments biosimilaires en France à l’horizon 2020”. Mai 2017).

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche

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