Le Directeur général de la CNAM, Nicolas Revel, vient de présenter une étude originale portant sur le renoncement aux soins et les réponses organisationnelles qu’elle veut mettre en place pour y remédier. Deux CPAM, du Gard et de la Somme, se sont investies dans des expérimentations. Pour leur part, Les Généralistes CSMF s’engagent à assumer le surcroit d’activité liée à la décrue de la démographie médicale, par le biais d’une réorganisation professionnelle.

Cette étude de la CNAM tombe à point nommé, alors que tous les candidats à la présidentielle se sont emparés de la question de l’accès aux soins. De très nombreux citoyens et électeurs témoignent en effet des difficultés qu’ils rencontrent pour s’inscrire auprès d’un médecin traitant ou obtenir un rendez-vous auprès d’un médecin spécialiste. Dans une récente étude, le cabinet Jalma a pointé l’aggravation de l’allongement du délai d’obtention des délais de rendez-vous, depuis cinq ans, qui peuvent aller désormais de 61 jours en moyenne pour les spécialités, à 115 jours dans certaines d’entre elles.

En Médecine Générale, tous les clignotants sont dans le rouge. Entre 2007 et 2016, les effectifs des médecins de généralistes libéraux ont diminué de 13 % en moyenne sur le territoire, vient de rappeler lors d’une conférence de presse, le Dr Jean-Paul Ortiz, le Président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF). Des régions sont particulièrement impactées : le Centre (-13,1 %) ou l’Ile de France (-18,7 %).

La diminution des médecins libéraux dépasse les 10 % dans certaines spécialités et les délais pour obtenir un rendez-vous s’allongent. Ces délais se sont même aggravés depuis 5 ans. Selon les pointages relevés par le Président de la CSMF, il faut 100 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste (327 jours dans le département de la Loire). Certaines spécialités ont vu leurs effectifs fondre de 11,4 % (pédiatres) à 6 % (ORL).

Pour faire face à cette situation inédite, Les Généralistes CSMF ont décidé de relever leurs manches. “Les médecins généralistes libéraux ont vu fondre leurs effectifs de 13 % depuis 2007 et ce nombre diminuera encore de 13% d’ici 2025, soit 26% en moins en 18 ans. Malgré cela, nous nous engageons à répondre à l’ensemble de la demande de soins”, déclare Luc Duquesnel, le Président des Médecins Généralistes de la CSMF. Le syndicat est en train de revoir son projet politique de manière à pouvoir absorber ce surplus de 25 à 30 % d’activité, par le biais d’une réorganisation professionnelle.

Néanmoins, alors que notre sécurité sociale est universelle et que les droits sont ouverts sous condition de résidence régulière sur notre territoire et non plus d’activité professionnelle, un certain nombre de citoyens passent à travers les mailles du filet, alors qu’ils pourraient être éligibles aux droits et prestations.

Cette population difficile à joindre fait précisément l’objet de l’étude de la CNAM. “Nous avons été marqués par ce tableau alarmant de personnes qui vivent sur le fil du rasoir d’un point de vue financier, qui renonçaient à de multiples soins et qui étaient perdues dans nos modes de fonctionnement administratif”, relate Christian Fatoux, le directeur de la CPAM du Gard, interrogé par Egora.fr. Des usagers éligibles renonçaient aux soins, d’autres abandonnaient en cours de route, disparaissaient du paysage.

Au total, 4 500 profils ont été étudiés et un échantillon type de 113 personnes a été élaboré. “Nous nous sommes rendus compte que pour beaucoup de ces personnes, des accidents de la vie de type chômage, séparation, passage à la retraite, veuvage… étaient à l’origine des difficultés. Puis, nous avons fait trois constats majeurs. En toile de fond, il y a la question financière, mais ça n’est pas la seule cause. Le manque de “guidance”, selon le terme employé par les chercheurs, est une cause importante de renoncement aux soins. Ce manque de “guidance” dans le système de protection sociale et dans le système de soins interpelle les acteurs médico-sociaux, dont l’Assurance Maladie, sur leurs pratiques” explique-t-il.

La CPAM a essayé de concevoir un dispositif de repérage, en faisant appel à leurs équipes, mais aussi aux médecins généralistes et aux chirurgiens-dentistes. Tous sont invités à détecter les cas de renoncement et saisir l’équipe de la plateforme d’intervention départementale pour l’accès aux soins et à la santé créée au sein de la CPAM. Cette équipe, dès lors qu’elle est saisie, reprend contact avec l’assuré et va le guider et l’accompagner de A à Z jusqu’à la réalisation des soins.

La durée de “guidance” peut aller jusqu’à 90 jours : récapitulatif de tous les droits, acquis ou pas, acquisition d’une complémentaire santé, gestion du reste à charge… “Nous raisonnons avec le reste pour vivre, ce qui change nos pratiques. A titre d’exemple, si la personne dispose d’un revenu de 800 euros par mois et d’un « reste pour vivre » de 150 euros, l’aide financière et le reliquat laissé à la charge de la personne seront déterminés en fonction de ce reste pour vivre. On fait donc un montage financier, à partir de nos aides d’actions sociales mais on sollicite aussi les fonds secours de la mutuelle, voire le CCAS…” , explique le directeur de la CPAM. Au final, la caisse vérifie que la personne a bien un médecin traitant ou un chirurgien-dentiste, et le cas échéant, l’aide à faire son choix.

La CPAM a fait part de cette expérimentation aux praticiens siégeant en commissions paritaires, qui se sont montrés très intéressés. “Nos délégués d’assurance maladie sont également allés à la rencontre des 700 médecins du département pour leur présenter le dispositif. Nous avons aujourd’hui des saisines de médecins et en général elles sont très pertinentes. Mais il y en a assez peu pour le moment. Encore une fois, nous remarquons que les patients ne parlent pas spontanément du renoncement aux soins à leur médecin”, remarque-t-il.

Depuis le 17 novembre 2014, date de début de l’expérience, 2 550 saisines ont été effectuées grâce aux 500 détecteurs du département, un chiffre qui va augmenter. Les patients ont été intégrés dans un réseau de soins en tiers payant. “Dans un cas sur deux, il n’y a pas eu besoin d’aides financières. Par exemple, certains étaient éligibles à l’ACS ou à la CMU-C sans le savoir. Dans les autres cas, les assurés participent au montage financier. Aussi minime soit-il, nous veillons par principe à ce qu’il y ait une participation financière de l’assuré. Tout cela est calculé en prenant en compte le reste à vivre”, insiste le directeur.

En mai 2016, le directeur de l’Assurance Maladie, Nicolas Revel, a décidé de prolonger cette expérimentation à 21 autres caisses.

La généralisation du dispositif en 2017 et 2018 a été décidée par Nicolas Revel a vu du rapport d’évaluation.