Petit risque – gros risque : de manière assez inattendue, le champ d’activité du médecin traitant a été placé sous les feux de la rampe, à cause de quelques petites lignes du programme santé de François Fillon, le vainqueur de la Primaire de la droite et du centre. Lignes retirées depuis, devant la bronca généralisée suscitée par cette proposition.

Très discret sur le sujet jusqu’au deuxième débat télévisé l’opposant à ses challengers, l’ancien Premier Ministre de Nicolas Sarkozy a bien été obligé de décliner l’une de ses propositions pour le retour à l’équilibre de l’assurance maladie : une partition entre petit et gros risques et, pour les remboursements, une différentiation de prise en charge entre régime obligatoire, centré sur les ALD et le gros risque et les complémentaires “pour le nez qui coule” ou la bobologie.

Dès que les conséquences de cette proposition ont été intégrée par le plus grand nombre, c’est une véritable vague de protestation qui s’est élevée dans le pays – y compris au sein des élus Les Républicains – cristallisée par une pétition pour “sauver la sécurité sociale et ne pas dérembourser les soins”, signée à ce jour par plus de 5 000 personnalités médicales, scientifiques, intellectuelles ou médiatiques.

Soutenue par des sondages mettant en exergue le rejet de cette proposition par les Français, la vague prenait une telle ampleur qu’après une tribune d’explications dans Le Figaro, François Fillon faisait retirer à la hâte cette proposition de son programme officiel. “Il n’est pas question”, a-t-il assuré en substance, de moins rembourser les soins. Mais plutôt de déterminer les champs d’activité entre régimes obligatoires et complémentaires. “Il n’est pas dans mon intention de privatiser la sécurité sociale”, a-t-il martelé.

Fin de partie ? “Le candidat s’est rendu compte que conserver cette proposition allait lui faire perdre des centaines de milliers de voix”, commente Luc Duquesnel, Président des « Généralistes CSMF », qui rappelle que cette idée de partage entre le petit et le gros risque date de dizaines d’années. Et paraît aujourd’hui bien obsolète.

Ce débat, en tout cas, démontre une fois de plus à quel point la santé est importante pour nos concitoyens. On ne peut que se féliciter de son apparition tonitruante dans les débats, “alors qu’elle avait été bien absente, lors de la campagne présidentielle de 2012”, fait-il remarquer.

Si les Français ont réagi aussi vivement, c’est aussi parce qu’ils ont déjà vécu l’impact des déremboursements. Ils savent ce que cela coûte, ajoute-t-il. “Lorsque la franchise de 1 euro sur le remboursement des soins, et de 0,50 euros sur les boîtes de médicaments a été instaurée, les patients des médecins généralistes sans tiers payant ont tout de suite ressenti son impact”, rappelle le président des « Généralistes de la CSMF ». Depuis, les patients viennent moins souvent, mais “avec le post-it”, listant tous les sujets qu’ils voulaient aborder en consultation.

“Cela a donné des consultations plus longues et plus lourdes. S’il y a un moindre remboursement des actes de médecine générale, cela ne fera qu’accentuer les retards de prise en charge”, prédit-il.

Plus récemment, la généralisation des contrats responsables, du fait de l’accord ANI, a également généré du reste à charge dans certaines situations. “Les patients redoutent que ce qui existe aujourd’hui épisodiquement devienne systématique”, ajoute Luc Duquesnel.

“C’est le médecin traitant qui est en première ligne si on complexifie la prise en charge de la santé de ses patients. On désorganise son travail”, relève-t-il, en rappelant que la suppression récente des certificats à la non contre-indication à la pratique du sport, a fait disparaître pratiquement les jeunes des cabinets de médecine générale, alors que chacun sait que ne n’est pas parce que l’on n’est pas malade que l’on est en bonne santé. “C’était l’occasion de faire le point avec les jeunes alors que nous exerçons dans un pays où il n’existe pas de consultations dédiées à la prévention”.