Six mois d’interdiction d’exercice et une amende de 5 000 euros. C’est la sanction qui a été prononcée à l’encontre du Dr Marc Arer, généraliste à Saint-Etienne. L’Ordre des médecins lui reproche d’avoir prescrit des tests de dépistage de la maladie de Lyme, sans tenir compte des recommandations actuelles. “On m’accuse de charlatanisme. Mais aujourd’hui, on a des tests qui ne valent rien, assure le Dr Arer. Le problème c’est que personne ne veut mettre de l’ordre là-dedans.”
 

 

Egora.fr : Pour quelle raison avez-vous été condamné ?

Dr Marc Arer : On m’accuse d’avoir fait des bilans pour rechercher une maladie de Lyme avec abus. On m’accuse d’avoir traité des patients qui n’étaient atteints d’aucune maladie, d’avoir traité des maladies imaginaires. On m’accuse de charlatanisme. Je précise que je n’ai aucune plainte de patient. Certains ont même témoigné en ma faveur. Et malgré cela, la section des affaires sociales du Conseil de l’Ordre de Rhône-Alpes a porté plainte contre moi. Je vais probablement faire appel, et je vais me retrouver devant le Conseil de l’Ordre national dans quelques mois.

Je suis le troisième médecin condamné. Les deux autres ont eu des mois d’interdiction d’exercice. Je suis le seul à qui on réclame en plus une amende de 5 000 euros. Pourquoi ?

Qu’avez-vous fait qui ne soit pas en accord avec les recommandations au sujet du dépistage de la maladie de Lyme ?

Déjà, ce ne sont pas des obligations, ce sont bien des recommandations. Elles aident le médecin dans sa démarche. Elles disent qu’il faut faire un premier test Elisa, et s’il est positif, un second test Western Blot. Et moi, j’ai demandé systématiquement le deuxième test en même temps que le premier.

On me reproche aussi d’avoir fait appel à un laboratoire à Strasbourg, qui a été fermé depuis. Je les ai sollicités parce qu’à l’époque, c’était celui que je connaissais qui avait le moins mauvais test de recherche des sérologies de Lyme. Je les ai choisis, parce qu’il me donnait plus de satisfaction que le laboratoire local, qui ne faisait des tests que sur une seule bactérie qu’on trouve en majorité aux Etats-Unis et pas franchement en Europe.

Ces derniers temps, on parle de plus en plus de la maladie de Lyme. Avez-vous le sentiment que les choses évoluent ?

Cette plainte s’inscrit dans un contexte. Des associations ont mis en ligne une pétition pour soutenir les malades et les médecins poursuivis par la Caisse d’Assurance maladie. On a recueilli 10 856 signatures, et ça a été remis à la ministre de la Santé.

Ce que nous avons demandé, c’est qu’on puisse faire notre travail de médecin. Il a fallu une plainte de 250 patients à ce jour, il a fallu le cri d’alarme du Pr Montagnier lors d’un colloque, il a fallu qu’il y ait constitution d’une Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques, sous l’impulsion du Pr Perronne, un appel dans l’Obs signé par 100 médecins… Tout ça pour que Marisol Touraine mette en place un plan d’action. Ça fait un moment que ça dure, cette histoire.

On ne nous écoute pas. On nous fait croire que les choses sont prises en compte, et ce n’est pas le cas. J’ai été reçu au ministère de la Santé en 2014. On nous a écoutés pendant une heure, et ça n’a pas bougé depuis.

Comment expliquez-vous la réticence des autorités à vous entendre sur ce sujet ?

Est-ce que vous avez déjà vu des autorités qui prennent le devant des problèmes ? On a l’impression que ça commence à bouger parce qu’on insiste, parce qu’on crée des pressions. Le retard français explique pourquoi beaucoup de patients partent se faire traiter en Allemagne. Actuellement, il y a des malades qui souffrent, qui font le tour des médecins, qui suivent des traitements qui ne marchent pas, que l’on couvre d’anti-anxiolytiques, d’antidépresseurs, etc… A partir du moment, où, en France vous vous faites considérer comme quelqu’un de psychiatrique ou qui imagine des choses… je peux comprendre. Le problème, c’est qu’on pourrait tout à fait faire la même chose en France.

Attention, je ne dis pas que tout le monde présente une maladie de Lyme, mais la moindre chose pour un médecin c’est d’être à l’écoute et de chercher le problème. Et si on a un problème de dépistage de la maladie de Lyme, qu’on fasse des recherches là-dessus. Aujourd’hui, on a des tests qui ne valent rien. Le test Elisa ne vaut rien, il est complètement inadapté. Il devrait être mis au placard depuis longtemps. Le problème pour le second, le Western Blot, c’est que personne ne veut mettre de l’ordre là-dedans. On a de nombreux tests de Western Blot avec de nombreux réactifs. Un certain nombre devrait finir à la poubelle et il faudrait garder ceux qui marchent. Personne ne fait ce travail.

Comment vous êtes-vous sensibilisé à ces questions ?

C’est ma formation médicale. Je me suis installé en 1986. On m’a appris à chercher, à être à l’écoute des patients, j’ai choisi une médecine un peu plus physiologique… En voyant des personnes qui présentaient des troubles non améliorés par les traitements classiques, j’ai poussé un peu plus loin les recherches en me demandant si quelque chose n’avait pas été oublié. Les patients vous signalent souvent qu’ils ont eu une morsure de tique, il faut les écouter. On nous dit qu’il faut qu’il y ait un érythème migrant. Oui, mais s’il y avait infection sans érythème migrant ? La science dit que ça existe. Il faut oublier un peu la façade classique de l’infection, et aller au-delà. Quand vous trouvez des anticorps, c’est qu’il y a des bactéries. Actuellement, les infectiologues, qui sont censés être les experts de cette maladie n’ont pas l’air d’être très curieux de cette recherche. Il faut admettre qu’on est un peu dépassés, qu’on est restés sur nos acquis et que le problème a évolué.

Comprenez-vous que certains médecins soient critiques à propos de ces méthodes ?

Est-ce que vous pensez qu’un médecin qui prend 5 à 10 minutes pour une consultation, a le temps de faire cette démarche de recherche ? Moi, je vois les patients une demi-heure, une heure… On a le temps d’installer un dialogue, de penser à ce qu’on va rechercher. On a le temps de les écouter et ils nous font un historique. C’est un plaidoyer contre la médecine moderne, qu’on nous présente comme très performante.

Dans toutes les professions, on est jalousés, critiqués. La médecine n’y échappe pas. Le problème, c’est quand vous discutez avec des médecins qui ignorent tout du sujet, ils disent qu’ils n’osent pas aller plus loin que les recommandations, entreprendre des recherches si quelqu’un dit que ce n’est pas la peine. Moi, je suis bien capable de penser par moi-même.

La plupart des médecins ont une formation ridicule sur la maladie de Lyme. Ils peuvent apprendre énormément des associations. J’ai des patients qui en savent dix fois plus que leur médecin traitant.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier

 

[Avec Le-perche.fr]