Après 28 ans passés à travailler 12 heures par jour dans un cabinet d’Indre-et-Loire, le Dr Loetitia Masthias a pris une décision radicale : tout quitter pour une petite île du Finistère. Depuis deux semaines, à Sein, elle apprend à être pharmacienne et aide-soignante, se prépare à être de garde 365 jours par an et à vivre au rythme du bateau. Quand il passe.

 

Quand le seul médecin de l’île de Sein lui a proposé de prendre sa suite, le Dr Loetitia Masthias n’a pas hésité bien longtemps. Après 28 ans passés dans son cabinet d’Indre-et-Loire, à travailler douze heures par jour, elle a compris qu’elle devait lever le pied. “Je suis tombée malade, j’ai eu un problème de santé assez important. Ça m’a obligé à lever la tête du guidon, et à me dire qu’il fallait que je passe à des choses plus calmes. Je ne voyais pas comment je pouvais gérer ça autrement qu’en changeant d’activité, et en allant ailleurs, confie la généraliste. La maladie m’a fait voir les choses autrement. Quand vous avez eu un cancer, vous ne courez plus derrière vos rêves, vous les rattrapez à la course, vous essayez d’en faire une réalité et de ne pas perdre trop de temps.”

 

“Mon premier patient était un chien”

Vivre sur cette petite île à l’ouest du Finistère, le Dr Masthias y songeait en fait depuis longtemps. “Je la connais depuis 30 ans. Mes meilleurs amis y vivent. Je venais régulièrement les voir chaque été, en hiver aussi. J’étais même en train d’y construire ma maison pour la retraite.” Il y a quelques années, elle a aussi remplacé un temps le médecin de l’île, le Dr Menou. Le déménagement s’est juste fait un peu plus tôt que prévu. “En fait, la proposition est arrivée au bon moment : dix ans avant ma retraite. Je me suis dit que c’était pas mal de finir plus tranquillement les choses.”

C’est donc le 29 juin dernier que la généraliste a officiellement pris ses nouvelles fonctions. Car elles sont effectivement multiples. “Sur l’île, il faut être polyvalent. On a plusieurs casquettes. On est médecin généraliste, mais on est aussi pharmacien puisqu’on délivre des médicaments. C’est d’ailleurs le côté le plus difficile pour moi, je ne maîtrise pas bien les subtilités de la TVA, le logiciel de pharmacie est un peu nébuleux encore. On est aussi un peu infirmière, on fait les prises de sang, les pansements. On est aide-soignante parce qu’il faut de temps en temps aider les gens à se lever, à les laver… Je suis aussi médecin sapeur-pompier. C’est une activité très variée. Ça me plaît beaucoup.” La généraliste ajoute qu’il faut aussi parfois être vétérinaire. “Mon premier patient sur l’île, quand j’ai remplacé le Dr Menou, c’était un chien qui s’était fait mordre. J’ai dû faire un pansement à un chien”, se souvient-elle en riant.

 

“Je suis de garde 7 jours sur 7, 365 jours par an”

Sur l’île, la population varie beaucoup selon la saison. Si on compte moins de 150 habitants en temps normal, la fréquentation peut grimper à 1 500 en période estivale. Difficile, donc, pour la généraliste, de dire combien de patient elle s’attend à voir par semaine. Une seule chose est sûre : moins que quand elle faisait des journées de 12 heures. “J’ai moins de revenus qu’avant, c’est évident. Mais j’ai aussi moins de frais. Je n’ai plus de voiture, je suis hébergée dans les locaux du Conseil général, je n’ai plus de frais de fonctionnement. Et je suis de garde 7 jours sur 7, 365 jours par an. On gagne moins, c’est clair, mais on dépense beaucoup moins aussi. C’est un choix de vie un peu différent.”

En fait, c’est toute une organisation de travail à revoir. Outre le fait que la généraliste soit de garde 7 jours sur 7, toute l’année, il faut aussi apprendre à vivre au rythme du bateau. Le seul lien entre le continent et l’île de Sein. “Ma vie est très tributaire du bateau. Là, j’ai fait des prises de sang qui doivent partir sur le continent donc je suis sur le quai, à surveiller l’arrivée du bateau.” Et alors que l’embarcation arrive, son portable sonne : “J’ai une patiente qui a le mal de mer. Elle est écroulée par terre, je dois aller la voir.” La généraliste confie être toujours un peu en train de surveiller l’arrivée du bateau : il emmène les prises de sang, apporte les médicaments et livre aussi les commandes personnelles que la petite épicerie ne peut satisfaire. Il s’agit de ne pas le louper. “Certains jours, en été, il y a deux passages par jour. Sinon, c’est une fois par jour. Et en hiver, il arrive qu’on soit deux ou trois jours sans bateau pour cause de mauvais temps.” Des imprévus qui sont loin de rebuter la généraliste : “C’est difficile, confie-t-elle, mais c’est un challenge, c’est ça qui est intéressant.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier