“L’UFC-Que choisir décrète l’état d’urgence sanitaire” ! Après avoir comparé les cartes d’accès aux soins (distance géographique, tarifs pratiqués) réalisées en 2012 à celles arrêtées en février dernier, l’association de consommateurs a décidé de frapper un grand coup. Et devant l’aggravation observée en quatre ans, demande aux pouvoirs publics “d’encadrer la liberté des médecins”, fermer le secteur 2 pour les futures installations et limiter l’installation en zones de sur-densité médicale au seul secteur 1.
 

 

“La fracture sanitaire se creuse. Nous avions déjà tiré la sonnette d’alarme en 2012, nous revendiquons aujourd’hui, le droit d’inventaire des politiques mises en œuvre depuis cette date”, a expliqué ce matin Alain Bazot, le président de l’UFC-Que Choisir. Il avait réuni la presse ce mercredi, pour démontrer, cartes interactives à l’appui, l’aggravation depuis quatre ans des difficultés d’accès aux soins ressenties par les Français lorsqu’ils cherchent à consulter un médecin généraliste, un ophtalmologue, un gynécologue et un pédiatre. Des cartes établies à l’échelle d’une commune, prenant en considération les critères de distance (30 minutes d’accès pour un généraliste, 45 mn pour un spécialiste représentant un trajet maximal au-delà duquel, existe le désert) et le prix indiqué. Ont ainsi été pris en compte l’offre de tarifs conventionnés stricts et de dépassements jusqu’à 40 % du tarif au maximum.

Au résultat, en 2016, 14,6 millions de personnes, soit 23% de la population métropolitaine ont des difficultés pour accéder à des médecins de famille à moins de 30 minutes de leur domicile et 5 % d’entre elles (3,2 millions), vivent même dans un désert médical, marqué par une densité médicale inférieure de 60 % à la moyenne nationale, dénonce l’association de consommateurs.

 

L’offre de soins en secteur 1 a reculé

Mais les situations les plus tendues sont évidemment relatives à la médecine spécialisée. En quatre ans, l’accès à un ophtalmo a diminué de 28 %, du fait d’une densité de médecins inférieure de 30 à 60 % à la moyenne. Celui à un pédiatre, de 40 % et à un gynéco, de 59 %.

Sur le plan des tarifs, la situation s’est également dégradée, l’offre de soins en secteur 1 a reculé pour la moitié des spécialités étudiées, quelle que soit la spécialité étudiée, hors médecine générale. L’étude souligne que 80 % de la population vit dans une zone déficitaire en ophtalmos et gynécos de secteur. L’association de consommateurs souligne que les médecins qui facturent des dépassements d’honoraires sont de plus en plus nombreux : 60 % de gynécos (contre 56 % en 2012), 56 % des ophtalmos (contre 54 %), 37 % des pédiatres (contre 32 %). Les généralistes sont quasiment en nombre stables : 8 % prenaient des dépassements en 2012, contre 9 % aujourd’hui.

En outre, soulignait Daniel Bideau, animateur de la commission Santé de l’UFC-Que choisir, le montant moyen des dépassements est lui aussi en accroissement. De 5 % pour les ophtalmologues (104 % en moyenne par rapport au tarif conventionné), de 3,5 % pour les ophtalmos (84 % de taux de dépassement) et de 8 % pour les pédiatres (82 %).

Confronté à ce bilan, l’association de consommateurs tire à boulets rouges sur les politiques mises en place depuis la convention 2011 et l’avenant N° 8 créant le Contrat d’accès aux soins, et limitant la pratique des honoraires libres. “On n’a pas pris les bonnes mesures au bon moment. Le résultat c’est que l’accès aux soins se dégrade. Il faut une bonne mutuelle, et donc des ressources supplémentaires pour se soigner en France aujourd’hui”, déplore le militant.

 

“Il faut encadrer la liberté des médecins”

“Les logiques incitatives mises en place depuis 2012 sont dans l’impasse”, renchérissait Mathieu Escot, le responsable des études. “Le saupoudrage effectué est coûteux. Il y a une inefficacité criante des politiques incitatives. Il faut encadrer la liberté des médecins”.

Malgré l’avenant N° 8, “les dépassements d’honoraires continuent à progresser, la totalité des dépassements continuent à augmenter, de plus en plus de spécialistes pratiquent les dépassements. 54 % des spécialistes partant à la retraite étaient en secteur 1, ils sont remplacés par 32 % de jeunes en secteur 2”. Il ajoute que ce sont les médecins du secteur 2 qui étaient déjà les moins chers, qui ont choisi le contrat d’accès aux soins. “Le CAS, qui a permis d’éviter 59 millions de dépenses d’honoraires, a coûté 470 millions en revalorisations, cotisations sociales, coûts pour les complémentaires, etc. Soit, 8 euros dépensés pour 1 euro évité”, lâche le responsable des études.

“Un électrochoc s’impose, reprend Alain Bazot. On parle de précarité énergétique. Nous disons que devant l’inefficacité de mesures prises depuis 2012, il y a exclusion sanitaire, précarité aussi. Ce système est malade. Jusqu’où faut-il aller pour que les pouvoirs publics prennent le taureau par les cornes ?”

 

“Le CAS ne peut être efficace s’il est facultatif”

Le président de l’UFC Que choisir sait bien “qu’il s’adresse à un dogme, celui de la liberté totale de notre système”. Mais l’heure est grave, ne cesse-t-il de répéter.

Il préconise la fermeture immédiate du secteur 2 pour toute nouvelle installation, car le “CAS ne peut être efficace s’il est facultatif. Il faut qu’il se substitue au secteur 2”. La fermeture serait accompagnée d’aides publiques destinées à favoriser l’installation en secteur 1. Il demande également que les installations en secteur 2 soient rendues impossibles en zones sur-dotées. Seules y seraient autorisées les installations en secteur 1, mais elles seraient possibles en CAS en dehors de ces territoires. Les installations en secteur 1 seraient “aidées” en secteur sous-doté.

“Nous pèserons de toute notre poids pour nous faire entendre, en cette période de négociation conventionnelle, ajoutait Alain Bazot. Notre proposition est tout à fait réaliste, pas du tout maximaliste. Nous porterons ce débat auprès de tous les candidats à la prochaine élection présidentielle car nous seront très présents durant tout la campagne électorale, a-t-il prévenu. Il faut maintenant du courage politique”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin