Tout ce qui est rare est cher…. Un dicton qui colle parfaitement aux communes de Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées) et Montesquiou (Gers), déserts médicaux distants de 37 km, qui se disputent au sujet d’une généraliste roumaine. Laquelle, au bout de 6 semaines d’installation, a plaqué l’un pour s’installer chez l’autre.

 

“Trouver un médecin de nos jours, c’est comme chercher de l’or noir !”, confirme Francis Loumagne, le maire de Castelnau-Rivière-Basse, dans les Hautes Pyrénées. L’histoire de ce village a fait la “Une” de la presse régionale car le médecin trouvé après de longues recherches – une consœur roumaine recrutée par un chasseur de tête – n’a fait qu’un petit tour dans le village avant de s’en aller…. 37 km plus loin, à Montesquiou, dans le Gers, village qui attendait aussi une blouse blanche depuis deux ans. Retour à la case départ pour Castelnau-Rivière-Basse, où la pharmacienne et la mairie cherchaient depuis un an un généraliste susceptible d’épauler le seul docteur débordé, et occuper un poste de coordinateur à l’Ehpad, à temps partiel.

 

“Cette installation n’a duré qu’un mois et demi”

Devant cette situation inédite, les esprits se sont échauffés et, rapidement, le ton est monté entre les maires concernés, par articles de presse interposés. Après quelques invectives, un droit de réponse publié dans La Dépêche, d’un côté, des menaces de poursuites en diffamation de l’autre et, cerise sur le gâteau, le refus d’en dire plus du Dr Luminata Nechita, la principale intéressée qui s’était pourtant largement expliquée préalablement dans la presse, les parties semblent s’être calmées pour panser leurs blessures. Le Dr Nechita exerce désormais dans le même cabinet qu’une compatriote, installée depuis 20 ans au groupe médical de Montesquiou.

“La profession est libérale, les médecins sont libres de s’installer là où ils veulent. Mais je suis déçu, reconnaît Francis Loumagne. Cette installation n’a duré qu’un mois et demi, alors que le recrutement nous avait demandé un an d’efforts, à la pharmacienne et à moi, avec l’aide d’un cabinet de recrutement”. Un an de travail auquel il faut ajouter l’investissement financier : la réfection du cabinet médical, mis à disposition gratuitement pendant un an, celle de la maison, proposée avec 6 mois gratuits et 6 mois à demi- loyer. Plus la facture du cabinet de recrutement, 10 000 euros environ. “Mais c’est comme çà maintenant, personne ne reste en place”, soupire le maire, un ancien agriculteur.

Et pourtant, l’installation semblait se présenter sous les meilleurs auspices. Le Dr Nechita, venue avec son jeune fils, avait été reçue en grande pompe à Castelnau, en présence du député ; le maire avait fait personnellement la présentation au conseil de l’ordre départemental. “Mais elle n’a pas eu la patience d’attendre. Au bout de six semaines, elle est partie en prétextant qu’elle n’avait pas assez de patients” regrette Francis Loumagne. Il souligne que cette praticienne avait pourtant une bonne rémunération à l’Ehpad. “Le médecin généraliste en poste avait une grosse activité, en tant que nouvelle installée, elle devait accepter d’attendre un peu, le temps de se créer une patientèle”, relève-t-il.”Elle connaissait bien les conditions et contrairement à ce qu’elle a déclaré par la suite, il ne s’agissait pas d’un remplacement”.

 

“Comment je peux résister avec 10 à 20 patients par semaine ?”

Si le Dr Luminata Nechita refuse aujourd’hui de s’exprimer, elle avait pourtant livré sa version des faits dans La Depêche, il y a quelques jours. Selon ses dires, elle pensait pouvoir bénéficier d’une exonération d’impôts pendant cinq ans, mais l’ARS lui a expliqué que cette disposition était caduque depuis décembre 2015. Par ailleurs, elle n’aurait reçu que 5 patients du village en un mois et demi, et en comptant les patients des autres villages, entre 10 et 20 par semaine en tout. “Dites-moi comment je peux résister avec 10 à 20 patients par semaine ?” s’interrogeait-elle dans le quotidien.

De son côté, le maire de Montesquiou laisse transparaître son irritation devant une affaire qui rejaillit sur sa mairie “alors qu’il n’y est pour rien”. Refusant de répondre à Egora.fr, et menaçant de poursuites en diffamation les personnes qui reprennent les attaques verbales “à la limite de la diffamation”, émanant de la commune de Castelnau (le maire a laissé entendre que son homologue avait fait miroiter des avantages fiscaux notamment), il diffuse un communiqué de mise au point. Où il est précisé que le Dr Nechita a refusé la proposition de la mairie de Montesquiou de lui fournir un logement dans l’attente de son installation et qu’aucune promesse d’avantages fiscaux ne lui avait été faite en lien avec son installation. Des propos et comportements “indignes d’élus”, tacle le maire, qui semblent n’avoir qu’un seul objectif : “nuire à l’installation du Dr Nechita”.

Voulant jouer l’apaisement, le maire de Castelnau n’en pense pas moins que notre pays marche sur la tête. “On est en train de créer des chômeurs, s’offusque-t-il. On ouvre le numerus clausus, mais il n’y aura plus de places lorsque ces jeunes arriveront sur le marché, car les étrangers sont là, et ils ne partiront pas !”, assure-t-il, inquiet. D’ici-là, il reprend sa prospection pour trouver un généraliste, le cabinet de recrutement ayant une obligation de résultat, sauf si le praticien installé décroche au bout d’un an.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne