A la fin des années 30, le chimiste allemand synthétise par hasard de l’acide lysergique diétylamide, le fameux LSD. Conscient d’avoir découvert quelque chose d’incroyable, il décide d’en ingurgiter lui-même… Ses hallucinations sont d’une grande violence. Et, toute sa vie, le scientifique se battra pour que les vertus thérapeutiques de “son” produit soient enfin reconnues.

 

En 1938, Albert Hofmann intègre l’entreprise Sandoz à Bâle, comme chimiste. Avec Werner-Arthur Stoll, ils sont chargés de travailler sur des dérivés de l’acide lysergique, tiré de l’ergot du seigle. Objectif : développer un stimulant circulatoire. Les scientifiques réussissent à concevoir le diéthylamide, ou lysergamide, ou LSD 25. Le produit est testé sur des animaux, mais sans aucun effet sur la circulation sanguine. Tout juste remarque-t-on que les cobayes sont pris d’une légère crise d’excitation.

 

Une agitation extraordinaire

Ce n’est que cinq ans plus tard, pour une raison obscure, qu’Hofmann se décide à reprendre ces recherches. Le 16 avril 1943, il se met donc à cristalliser du LSD. Et, une minuscule goutte vient se déposer sur le doigt du chercheur. C’est alors qu’il se sent pris “d’une agitation extraordinaire”. Son imagination est très stimulée et il perçoit “un flot ininterrompu d’images fantastiques aux formes extraordinaires, et aux couleurs comme produites par un kaléidoscope. Au bout de deux heures, cet état s’est estompé.” C’est forcément le LSD.

L’effet est si inattendu que le chimiste ne veut pas s’arrêter là. Le lendemain, seul dans son laboratoire, il décide d’en absorber une dose infinitésimale : 0,25 mg. Sauf que le LSD qu’il vient de synthétiser est tellement puissant, que son trip sera d’une extraordinaire violence. Les effets, il les consigne par écrit et publiera plus tard son récit sous le titre : LSD, mon enfant terrible.

Hofmann avale la substance à 16h20. Dès 17h il commence à ressentir quelques étourdissements, puis alterne crises d’angoisses et crises de rire. A 18h, il rentre chez lui en vélo. La crise devient de plus en plus forte. Le chimiste raconte :

“Ce n’est qu’avec beaucoup d’effort que je pus écrire les derniers mots. […] je demandai à ma laborantine, que j’avais mise au courant de l’expérience, de m’accompagner jusqu’à chez moi. Rien que lors du trajet en vélo mon état prit des proportions inquiétantes. Tout ce qui entrait dans mon champ de vision oscillait et était déformé comme dans un miroir tordu. J’avais également le sentiment de ne pas avancer avec le vélo, alors que mon assistante me raconta plus tard que nous roulions en fait très vite. [Arrivé à la maison,] les étourdissements et la sensation de faiblesse étaient par moments si forts que je ne pouvais plus me tenir debout et était contraint de m’allonger sur un canapé. Mon environnement se transforma alors de manière angoissante. […] les objets familiers prirent des formes grotesques et le plus souvent menaçantes. Ils étaient empreints d’un mouvement constant, animés, comme mus par une agitation intérieure. La voisine […] n’était plus Madame R. mais une sorcière maléfique et sournoise au visage coloré, etc, etc.”

 

Des vertus thérapeutiques

Il poursuit : “ Plus tard, vers la fin de l’intoxication : je commençai alors progressivement à apprécier ce jeu insolite de formes et de couleurs qui continuait derrière mes yeux fermés. Des formes fantasmagoriques et bariolées déferlaient sur moi en se transformant à la manière d’un kaléidoscope, s’ouvrant et se refermant en cercles et en spirales, jaillissant en fontaines de couleur, se réorganisant et se croisant, le tout en un flot constant. Je remarquai notamment la façon dont toutes les perceptions acoustiques, tels que le bruit d’une poignée de porte ou celui d’une voiture passant devant la maison, se transformaient en sensations optiques. Chaque son produisait une image animée de forme et de couleur correspondante.”

Le lendemain Albert Hofmann se réveille serein. Il est persuadé que sa découverte peut avoir des vertus thérapeutiques. Sur les malades psychiatriques ou les schizophrènes peut-être. Mais les premières heures de son trip ont été tellement insupportables, qu’il est loin d’imaginer qu’on puisse utiliser du LSD par plaisir.

Quoiqu’il en soit, en pleine guerre mondiale, le chercheur garde sa trouvaille secrète, de peur que les nazis ne l’utilisent comme arme chimique.

Le laboratoire Sandoz se décidera finalement à commercialiser le LSD. Il est alors prescrit à des patients si mal en point qu’ils ne réagissent plus à aucun stimulant. On l’utilisera aussi pour traiter l’alcoolisme. Mais les effets sont trop incertains. L’acide quitte le domaine médical pour devenir, dans les années 60, la drogue préférée des hippies.

Lorsque le psychologue américain Timothy Leary vante les bienfaits thérapeutiques et spirituels du LSD, son inventeur le met en garde. Albert Hofmann a du mal à se faire à l’idée que “son” produit soit devenu un stupéfiant. Pourtant, il n’a cessé de défendre les vertus du LSD, notamment chez les dépressifs. Jusqu’à sa mort, à 102 ans en 2008, il a réclamé la levée de son interdiction. En vain.

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

[D’après des articles du Point.fr, d’Agoravox.fr et du Jdd.fr]